Gériatrie : nouvel extrait

Qui voudrais-tu être si tu pouvais te transformer ?

Très excité, Noé alla se coucher avec une montagne de questions dans la tête. Charles vint l’embrasser tendrement pour lui souhaiter une bonne nuit et son épaisse barbe grise chatouilla la joue du garçon, qui commença às’endormir aussitôt.

Dans son rêve, la voix de son grand-père continuait de lui raconter son histoire.

« Alors nous décidâmes d’explorer plus complètement notre nouveau territoire. Arrivés au pied de la petite montagne, nous découvrîmes une grotte très imposante. A l’intérieur, Noé, ànotre grande surprise, du matériel était entreposé : des pelles, des pioches, deux grands coffres de vêtements en bon état, quelques armes et des munitions, deux longues-vues, des filets de pêche, des couvertures… Tout cela avait dà» être entreposé il y a longtemps par des marins qui n’étaient pas revenus. Cette découverte allait nous rendre un sacré service.

Dans les environs de la grotte, une cascade tombait dans un grand lac qui abritait une multitude de poissons d’eau douce, entièrement roses. Il faisait chaud et déjàcertains marins plongeaient dans l’eau pour se rafraîchir. Je ne connaissais pas le nom de ces poissons mais j’aurais bien aimé en attraper un pour y goà»ter. Ils faisaient envie tellement ils étaient beaux. Je m’enfonçais dans les profondeurs pour essayer de les toucher. Avant de remonter àla surface àbout de souffle. Les autres n’en revenaient pas que je puisse tenir aussi longtemps sous l’eau !  »

Puis Noé sombra dans un sommeil plus profond. Il croyait tellement qu’il faisait ce voyage, il était devenu Charles. Il se voyait nager dans le lac puis un instant plus tard, sur la plage qui était si belle, avec du sable fin, en train de parler avec un autre mousse. Le jeune garçon, qui s’appelait William, montrait àNoé une carte qu’il avait trouvée dans la grotte au fond d’un petit coffre. C’était une carte de L’Inconnue. [1]

William était un petit jeune homme au teint frais avec quelques taches de rousseur et les cheveux roux, habillé de culottes courtes qui lui arrivaient au-dessus du genou et d’une chemisette délavée, trouée par-ci par-là, qui avait dà» être bleue et qu’il laissait ouverte. Il était très pâle, avec de grands yeux comme pour mieux découvrir le monde. Tout cela le rendait sympathique àNoé, qui aimait bien être avec lui.

William, que l’équipage surnommait « le p’tit rouquin  », était arrivé àSaint-Malo sur L’Aventure [2] et c’est là, au moment de reprendre la mer pour l’Ecosse, qu’il avait rencontré Charles. Les deux mousses s’étaient aussitôt pris d’amitié l’un pour l’autre.

Le petit rouquin était intrigué, excité : sur la carte de L’Inconnue, un point rouge indiquait un lieu mystérieux, plus au sud. Déjà, l’imagination des deux garçons faisait son chemin. Là-bas, quelque chose de somptueux les attendait. Une immense couronne de buissons cachait l’entrée d’un palais naturel. Un couloir dans la roche conduisait dans une pièce stupéfiante de beauté. Feuillages et fleurs recouvraient les parois rocheuses. Diamants, rubis, émeraudes, pièces d’or et d’argent, s’amassaient sur le sol…

William et Noé décidèrent d’un commun accord de se rendre vers ce lieu qui attirait leur curiosité. Carte en main, ils se mirent donc en route vers de nouveaux paysages. L’île était en fait assez grande, mais avec peu de relief hormis la petite montagne. De nombreux points de repère étaient parfaitement signalés sur la carte : un cours d’eau, des rochers isolés, un très grand arbre aux énormes branches et couvert de lianes. William et Noé avançaient sur cette île magnifique qui faisait penser au paradis. Puis ils arrivèrent sur un immense terrain recouvert de fleurs majestueuses, de couleurs éclatantes, qui les laissèrent pétrifiés par tant de beauté. La nature avait fait de cet endroit un site de rêve. Ils s’approchèrent, le parfum qu’elles dégageaient était vraiment enivrant. Ils se gorgèrent de leurs incroyables senteurs. « Elles donnent envie d’y goà»ter  », dit le petit rouquin. Ce qu’ils firent. Un goà»t délicat, une saveur incroyablement douce et parfumée les forçait àles déguster lentement.

Quelques instants après avoir savouré ces délicieuses fleurs, ils sentirent une merveilleuse fraîcheur, un bien-être exceptionnel les envahir. Ils sentirent que des forces leur revenaient, et aussi le courage. Le petit rouquin était près d’un grand rocher et machinalement, il s’y appuya. Avec stupeur, il se rendit compte qu’il le faisait bouger presque sans effort.

Prenant conscience que les fleurs prodiguaient une force incroyable, William et Noé eurent l’idée d’en ramasser le plus possible pour les ramener àbord, les faire déguster àtout l’équipage, et pouvoir ainsi réparer le bateau avec beaucoup plus de facilité. Ils pourraient alors reprendre le cours de leur voyage et espérer retrouver les leurs.

10 août 2012
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[1Nom donné par l’équipage àl’île déserte sur laquelle ils ont débarqué

[2Nom du navire