LES POTENTIELS DU TEMPS – une version en « haïkus »

LES POTENTIELS DU TEMPS – une version en « haïkus »

(photo : CHTO, The becoming of something – 2015.)

* Toutes les phrases présentées dans cet article sont extraites du livre conçu par Camille de Toledo, Aliocha Imhoff, et Kantuta Quiros, « Les Potentiels du Temps », publié chez Manuella Editions, en septembre 2016. Cette version en haïkus est plus ou moins respectueuse des règles rigides du haïku véritable. Elle est conçue comme une contribution à la bataille des temps, pour nous arracher à nos obsessions apocalyptiques, à cette pensée obstinée des finitudes, des dettes, de tout ce qui termine ou s’extermine. Ces phrases sont open source, elles peuvent être reprises et partagées sans mention de leur copyright.


Haïkus – première série

« Le potentiel est ce qui toujours s’ouvre à ce qui pourrait être, à ce qui serait, à ce qui devrait être.
Il propose de faire du conditionnel le temps de nos habitations. »

« Le potentiel vise à mettre en partage les conditions d’une partition nouvelle,
prélude à une autre musique des temps, des temps qui s’élancent.  »

« L’inadéquation entre des structures étroites et des aspirations infinies
est la faille que la pensée potentielle cherche à exacerber. »

« Aux présents suroccupés, la pensée potentielle oppose des présences.
Etre là, non dans l’enracinement des causes et des fatalités, mais pour s’arracher à la liste des échéances,
surprendre les futurs déjà écrits, s’obliger à désoccuper l’avenir. »

« Le régime potentiel des temps est d’abord une attention à l’inconnu,
au X pour X, à ce qui est insu… »

« Le potentiel, après la Chute, est une tentative de sortir de l’âge des mémoires, de reconstruire un temps,
dans l’avenir, ouvert aux multiples formes d’existence. S’arracher aux hantises, aux passés, ou replonger
en eux pour voir ce qu’ils portaient, dans leur temps, d’avenirs. »

« Ce que nous visons, lorsque nous proposons de réfléchir à des institutions potentielles, des musées potentiels, des écoles potentielles, des pédagogies potentielles, consiste prioritairement à définir, cerner, élaborer les multiples répertoires d’un savoir à naître. »

« Nous partons de la glace, de la glaciation des devenirs, nous partons de la gestion des risques, de la soif de métamorphose,
nous partons des potentiels que nous sommes, de la terre qui nous est confisquée, du banc qui nous est interdit. »

« Nous partons des croyances et des fausses questions, nous partons d’un travestissement permanent de la vérité,
nous partons de nos entêtements à vouloir devenir, nous partons de la colère et de nos impatiences,
nous partons de l’esprit. »

« Quel temps ? Quelles relations aux mondes, aux devenirs, la pensée potentielle permet d’établir
et quelles éthiques, quelles lois, quels modes d’existence, quels avenirs sont déjà à l’œuvre,
potentiellement, dans notre présent ? »

« Il manque à ce monde, un principe d’expansion. C’est ce principe d’expansion que la pensée potentielle
cherche à établir à toutes les échelles de nos existences individuelles et collectives. »

« Pour traverser cet état de choses – un monde friand de sa propre tragédie, la produisant, la consommant,
en confisquant de plus en plus la rente de la fin, de la destruction -,
pour contrer la rhétorique, la fabrique permanente de ce qui ne peut être autrement. »

« Nous cherchons à offrir une manière de lire, d’habiter nos temps obscurs. »

« Nous partons donc… Du latin, partire, partager. »

« Où le réel apparaît à la fois comme ce que nous croyons, ce que nous soutenons par nos croyances,
et ce que nous pouvons transformer, potentiellement, par d’autres formes d’envoûtements… »

« Une idée est-elle réelle ? Une pensée est-elle déjà matérielle ?
Une hypothèse est-elle déjà un acte ? Un espoir est-il déjà un fait ?
Une vie achevée peut-elle continuer d’exister ? »

« Les fictions qui nous sont imposées depuis le début du XXIe siècle sont des « enclosures ».
Elles remplissent le présent d’hypothèses fermées. »

« Plantes, pixels, particules, collectifs silencieux appelés aux langages, acquérant le pouvoir de se dire,
désoclant au passage le vieux monopole du sujet ‘homme’, du vieux récit. »

« Nous sommes gouvernés par des récits-zombis et cet état zombi du monde appelle une mise à jour,
un ghostbusting, pour que quelque chose apparaisse, par-delà et entre les fantômes du cimetière humain. »

« Dans les dernières décennies du XXe siècle, nous aurons connu une véritable ivresse mélancolique. »

« Que veulent les spectres indiens ? Que veulent les spectres esclaves ? Quelles voix portent les morts du siècle passé ?
Que pourraient-ils dire ? Que voudraient-ils dire ? »

« Comment imaginer un régime d’historicité alternatif, pour lequel nous abandonnerions un temps
les prédictions du passé au profit d’archéologies du futur ?

Ce régime, nous le nommerons régime potentiel. »

« Si le futur était ce qui sera, suivant les scripts émancipateurs et les utopies passées,
l’avenir dont nous parlons est tout ce qui peut arriver, tout ce qui pourrait être, tout ce qui serait... »

« La fiction, la littérature, la pensée sont dans le monde et viennent possibiliser notre expérience réelle. »

« Nés à la fin d’un siècle, destinés à mourir dans un autre, nous sommes des spectres, des tournants.
En Anglais, turn - que l’on aura entendu dans linguistic turn, spatial turn, translation turn, gender turn, ontological turn –
est la marque de notre condition. »

« Comment transformerons-nous la manière dont nous nous rapportons aux mondes,
aux nous multiples des mondes ? Comment modifierons-nous l’angle
des relations entre espèces ? »

« Nous étions entrés dans l’existence à l’âge des grandes culpabilités.
Nous n’avions d’autres choix que de fuir ou d’inventer de nouveaux territoires. »

16 septembre 2016
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