La gousse d’amour

En cette douce nuit d’été, Mme de Rênal s’était assoupie dans son fauteuil de cuir, un livre à la main. Soudain, elle entendit quelqu’un frapper à la porte. Qui pouvait donc bien sonner à une heure pareille ? Elle se leva pour aller ouvrir et vit derrière la porte de chêne, un homme. Il était grand et pâle, vêtu d’une longue cape noire avec un col à pointe.

« Bonsoir, lui dit-il.
– Eh bien monsieur, qui êtes-vous ?
– Je viens pour être précepteur, madame.
– Ah ! » dit-elle d’un air rassuré.

Elle le dévisageait, ne pouvant détacher son regard de son visage pâle. Il avait les traits tendus, et tenait une corde de ses mains tremblantes. Soudain Mme de Rênal aperçut une charrette à quelques mètres derrière lui.
Elle était faite de bois et de métal, mais n’avait pas de roues. Sur le dessus, couvert de paille, était placée une drôle de boîte dont la forme rappelait étrangement celle d’un cercueil. Ce détail retint particulièrement l’attention de Mme de Rênal.

« N’y faites pas attention, dit-il.
– Mais… qu’est-ce ?
– Oh Ce ne sont que des affaires personnelles.
– Rentrez donc, ne restons pas dehors. »
* BOUM * La charrette venait de rentrer dans le mur.
« Oh Seigneur ! » s’exclama-t-elle.

L’homme était déjà à l’intérieur…
« C’est charmant chez vous !
– Voulez-vous une tasse de thé ? dit-elle d’une voix tremblante.
– Non, merci, j’ai mes heures.
– Alors venez, je vais vous montrer votre chambre.
– Ce n’est pas nécessaire… En revanche, je veux bien quelque chose à manger, dit-il en la fixant dans les yeux.
– Je peux vous proposer des biscuits.
– Hum, non.
– Ah, il reste du ragoût.
– Hum, non.
– Du pain ?
– Non.
– Du fromage ?
– Non.
– Oh là là, vous êtes bien difficile… que voulez vous donc ? »

Il se leva doucement, et s’approcha d’elle. Il la prit tendrement par le cou, comme s’il voulait l’embrasser. Séduite par le geste chaleureux de ce cœur froid, elle approcha ses lèvres.
Soudain, d’un geste violent, telle une bête sauvage, il enfonça ses dents pointues dans la chair tendre et fraîche de son cou. De minute en minute, il la vidait de son sang, profitant de chaque goutte de ce fabuleux élixir.

« Maman, j’arrive pas à dormir… Oh ! Une grande cape ! » dit le petit enfant en s’approchant.

Ce fut le dernier mot qui sortit de sa bouche. Après ce bain de sang, le monstre s’installa tranquillement dans son lit douillet, qui n’était autre que son cercueil.

Et la charrette s’en alla au loin, Dracula à son bord.

10 août 2018
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