Mi-parcours

4 mois.

Photo Romuald Urbaniak

Je n’ai pas particulièrement le goût des « bilans d’étape » et autres niaiseries issues de la gestionnite aigüe qui n’épargne pas la culture. Mais mon anxiété constitutive se rappelle à moi. Il me reste, peu ou prou, quatre mois de plus pour mener à bien ce que j’ai du mal à appeler "un" projet tant il prend des sentiers multiples.
Des arpentages, des visites, des rendez-vous, des ateliers, des rencontres... Ça, pour rencontrer, j’ai rencontré. Soucieuse d’ancrer une écriture, individuelle et collective, dans une, ou plutôt, deux villes– Saint-Denis et l’Île Saint-Denis, j’ai multiplié les rendez-vous, tirant, à chaque rencontre le nouveau fil d’un carnet d’adresses généreusement fourni. Des Dionysiens anciens, des Dionysiens nouveaux, des artistes, des acteurs culturels, des architectes, des élus, des militants, des jeunes, des retraités suractifs (notons qu’une même personne peut cumuler bon nombre de ces étiquettes. )
Mes bloc- notes s’empilent sur mon bureau, emplis des traces de conversations, des numéros de téléphones hâtivement notés, des phrases prises à la volée qui doivent quelque part laisser une trace.

Et maintenant, j’en fais quoi ?

J’ai mené ces rencontres dans un double objectif : celui, avoué mais masqué, de nourrir l’écriture du roman noir en l’ancrant sur un territoire, même si la fiction le transforme. Celui, mis en avant, de restituer ce quadrillage encore si subjectif et incomplet dans la revue collective qui se concocte avec une équipe de résidents du 6B. J’en viens à être impressionnée par le volume collecté, qui permettait une publication à épisodes. La loi de l’enquête à long cours : on collecte, on collecte, et vient le moment du face-à-face enchaîné à l’ordinateur pour tenter une restitution... Ou plutôt ce qui n’est ni vraiment du journalisme, ni vraiment du roman, mais une transformation collective de sensations subjectives, de dialogues, d’informations, de réflexions.
Peut-être que « résider », c’est cela. Habiter un lieu, une ville, avec une échéance, qui accélère des processus qui auraient pris tout leur temps pour se dérouler – ou non. Résister jour aprés jour à la procrastination qui retarde la découverte d’un lieu, pris dans cette double tension : on l’habite, et pourtant on ne fait qu’y passer. Un entre-deux entre le temps du voyage et celui de l’ancrage, un état intermédiaire entre celui du passager et celui du passeur.
Passante j’ai été, passeuse je dois devenir. Et ce blog sera aussi « passoire », filtre de tout ce qui mérite d’être dit, raconté, retracé, et dont les traces ne peuvent être que plurielles. Ce jeu avec le temps doit engendrer une nouvelle rythmique de l’écriture.
Action

Photo : Romuald Urbaniak

13 février 2015
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