Nicolas Jaen | L’enfant aux mouches
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J’oublie souvent l’enfant accroupi près du ruisseau, que la brise touche, et qui sent sur son visage la lumière en abondance, sœur de l’eau charriant son cours. Il s’invente des parentés avec le hibou, l’hirondelle, se lève après un long regard, s’enfonce plus loin dans le bois. Craquent les branches, les brindilles. Son pas méconnaît la peur, même si le soir tombe d’un coup, qu’il a froid sous son gilet de laine. Il n’a pas les yeux desséchés de sa mère. Au jardin il règne sur les jasmins, les lilas, il est l’empereur des fourmis. Il est assis, sur le perron, il ordonne la course des étoiles, la stabilité des glaciers, l’enchaînement des vagues jusqu’au pied de la plage.
Dans la chambre il y a des mouches, des points sombres, leurs spires s’envolent, retombent, se posent sur la peau sans qu’on les chasse. Le chien dort par terre, à proximité de la porte, toutes les nuits du ciel. Sa respiration découpe des fractions de silence.
Les mouches. Le chien. Le perron, la porte. Le jardin. Le père dit qu’il faut se méfier des loups du champ voisin. Qu’il y a des enfants malheureux, la nuit, dans la forêt. Et il frotte ses vastes mains entre elles, dévore, en ogre, soupe, viande, pois. Quand il était enfant, la route n’existait pas. Ni les voisins. La terre allait nue.
Tôt le matin l’enfant aux mouches réveille son corps : il masse ses pieds, ses mollets, ses cuisses, s’habille : il se vêt de bleu, de noir. Le tricot tombe sur son buste. Après s’être savonné au gant il peut sortir ; c’est toujours en courant, en allongeant sa foulée. Aujourd’hui les cieux tonnent. Le ruisseau croît. Il pleut sur les cheveux de l’enfant aux mouches.
Dans la chambre il y a des mouches, des points sombres, leurs spires s’envolent, retombent, se posent sur la peau sans qu’on les chasse. Le chien dort par terre, à proximité de la porte, toutes les nuits du ciel. Sa respiration découpe des fractions de silence.
Les mouches. Le chien. Le perron, la porte. Le jardin. Le père dit qu’il faut se méfier des loups du champ voisin. Qu’il y a des enfants malheureux, la nuit, dans la forêt. Et il frotte ses vastes mains entre elles, dévore, en ogre, soupe, viande, pois. Quand il était enfant, la route n’existait pas. Ni les voisins. La terre allait nue.
Tôt le matin l’enfant aux mouches réveille son corps : il masse ses pieds, ses mollets, ses cuisses, s’habille : il se vêt de bleu, de noir. Le tricot tombe sur son buste. Après s’être savonné au gant il peut sortir ; c’est toujours en courant, en allongeant sa foulée. Aujourd’hui les cieux tonnent. Le ruisseau croît. Il pleut sur les cheveux de l’enfant aux mouches.
5 juillet 2011