Nouvelles critiques

J’ai entamé au mois de septembre au pôle Métiers du livre de Paris-X Saint-Cloud la deuxième partie de ma résidence, qui porte sur la pratique ludique et créative de la "critique littéraire", notion bien sûr polymorphe et a priori austère pour les étudiants. L’ancienne promotion vient ainsi de passer le témoin du blog mis en place au premier semestre, "nuage critique", qui va rapidement s’enrichir de nouveaux textes - chroniques, entretiens, mais aussi objets singuliers résultant de la mise en fiction de l’acte critique lui-même... L’idée est de rendre pérenne cet espace d’expression afin que chaque nouvelle promotion se l’approprie et éprouve le plaisir d’y déposer le fruit de ses réflexions sur les livres - et leur vie - aujourd’hui. Bref, c’est de l’aiguisement du sens critique voire, au sens large, de la faculté de juger, dont il s’agit.

De mon côté je bénéficie d’un lieu d’observation privilégié pour saisir quelques-unes des mutations qui touchent la critique aujourd’hui et en nourrir un projet littéraire personnel. Les réflexions menées avec les étudiants sur la nature de l’activité critique montre d’emblée l’assimilation de celle-ci à un simple geste de prescription marchande - en gros, dire ce qui est "bien" pour le propulser au sein du Marché. Mais rapidement il est possible de réévaluer la portée du jugement esthétique dans la Cité, d’en pointer le régime créatif, d’en politiser le geste. Alors la critique de la critique fait soudain apparaître des enjeux a priori ensevelis sous l’évidence de l’économisme ambiant, à savoir que la critique est une nécessité démocratique - éventuellement une pratique dangereuse...

J’invite régulièrement des critiques de "métier" (où ce qu’il en reste...) à venir échanger avec les étudiants. Je suis frappé par l’attention portée aux intervenants, par la qualité des questions posées, par exemple sur la place globale et les destins liés de l’Auteur et du Critique dans la société à l’heure du Tout-prescriptif et du Tous-évaluateur, parfois hors langage, avec de simples étoiles... La médiatisation des réunions est elle-aussi intéressante à observer. La pensée circule en mode live, au cours de live-tweet savamment orchestré... comme pour un bon match de football qui serait un match de la pensée ! Ce qui ne manque pas de poser certaines questions, notamment sur le filtrage de ce qui s’échange entre adultes consentants. Bref, doit-on tout dire, et doit-on en demander l’autorisation ?

D’autres séances - à vrai dire la majorité - sont consacrées à l’écriture proprement dite sous des formes parfois inattendues (par exemple la production et la mise en scène théâtrale de faux entretiens avec de faux écrivains faussement primés...). C’est à chaque fois un grand plaisir que de discuter les formes produites, de tenter de les améliorer ensemble aussi, bref, de faire vivre le langage lui-même, de le mettre en commun.

Avant de donner le mois prochain de nouvelles nouvelles de la résidence, je tiens d’ores et déjà à saluer les deux étudiants italiens qui sont parmi nous dans le cadre du programme Erasmus, Federica et Andrea. Ils vont très bientôt faire parler d’eux. La première nous fera visiter Le Marché des choses inutiles, le deuxième, lui, a carrément rencontré le Petit Prince...

http://nuagecritique.u-paris10.fr

13 octobre 2015
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