RENDU ?

Ce dimanche, comme tous les dimanches, la Ferme du Bonheur n’a RIEN A CACHER !

« PVC, nous t’avons pendant six mois beaucoup donné et maintenant, tu dois rendre. » Je dis rendre, pas restituer, pas publier, je dis : rendre. Comme on pourrait dire vomir. Vomir, non pas par dégoût, mais au contraire, par trop plein d’ivresse. Comme dans ces fêtes où le flux d’émotions, les abus de mauvais whisky, les prémisses maladroits d’un acte d’amour se terminent en fiasco... Attention, je ne considère pas que ma présence à La Ferme du Bonheur ces six derniers mois en tant qu’auteur fut un tel fiasco. Pour autant, j’ai tendance à ne pas la juger comme une réussite louable ou exemplaire. Si je m’en tiens à mes intentions d’auteur formulées en guise d’hypothèses de travail sur un dossier destiné à être soupesé, estimé, expertisé, choisi, force est de constater qu’à aucun moment je n’aurais respecté le deal. De la Ferme du Bonheur, je n’ai pas bougé ou à quelques occasions. Et pour aller où ? Dans les différents quartiers de cette ville rapiécée-segmentée qu’est FrankenNanterre ? Non. (À peine quelques marches à l’ombre des barres d’Anatole France vers celles de la Garde. Mais c’était pour aller au P.R.E. avec les moutons, les laborieux du dimanche, les néo-primitifs, les paysagistes à la carrure de buffle et les architectes aux mains douces. Alors ça ne compte pas.) Je suis donc resté pendant 6 mois à demeure. Dans ce refuge, dans cette chambre ouverte aux vents, j’ai opté pour une solitude volontaire, une invisibilité rompue par les repas, les conversations, les tâches quotidiennes. Et c’était bien. Car à dire vrai, de ce refuge pourquoi sortir ? Pourquoi aurais-je dû quitter la beauté, l’amour et leur violence pour aller me jeter dans la brutale gueule des lions ? Coline a dit à l’occasion de la performance-lecture du 7 décembre 2012 que lorsqu’elle dormait à La Ferme, elle n’avait jamais peur (ou jamais peur pour elle, ou simplement peur pour les animaux). Elle a dit que le danger, la menace était dans l’au-delà des limites de La Ferme, mais pas dans La Ferme. Pourquoi alors en sortir ? « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » Et pourtant, une fois de plus il m’a fallu abandonner la chambre que je m’étais bâtie. Tout simplement car le texte de la drôle de farce que j’avais envisagé d’écrire était terminé et que nous devions assez vite envisager de transposer ce texte dans cette grange à théâtre qu’est la salle de bal. Ce texte est nourri de mon expérience dans ces lieux que j’ai hantés. Chacun pourra s’amuser à déceler ce que La Ferme et ceux qui y auront vécu lui doivent. Il est une sorte de vaisseau temporel, la trace d’un passage.
Je dispose des fragments çà et là comme on sème à tous vents. Machinalement et sans raffiner, avec la foi du paysan en la terre qu’il travaille.

30 mars 2013
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