Rencontre 2


Vendredi 11 décembre

Troisième et dernier épisode de « L’histoire d’Éléphant ». Les enfants me disent qu’ils tiennent à poursuivre cette histoire avec ce personnage. Comme les vacances de Noël approchent, nous décidons d’imaginer les siennes.

LES VACANCES DE NOËL D’ÉLÉPHANT
(titre proposé par Doréna)

Pour commencer, Éléphant installe un sapin dans sa maison (Laura). Il le décore (Doua), avec des sucres d’orge (Zoé), des cœurs (Doréna), des boules de Noël, des guirlandes aussi, et une étoile (Adam).
Qu’est-ce qu’une guirlande ? (Axel) C’est quelque chose qu’on enroule dans le sapin et qui brille (Jim).
Après avoir acheté le sapin, Éléphant a acheté un vélo (Axel). Et ensuite, le Père Noël est arrivé (Marion).
Mais pourtant, il n’avait pas envoyé de lettre au Père Noël ! (Antonin)
Alors il fit sa lettre et l’envoya (Mélissa). Et dans sa lettre il disait qu’il voulait recevoir : un petit train (Pauline), une voiture de course (Alba), un bateau télécommandé (Paul), un doudou pikachu (Antonin). Il voulait aussi une boîte de peinture et de coloriage (Doréna). Et un baby-foot (Lindsay).
Sous le sapin, il y avait de la neige (Marion). C’était de la fausse neige (Antonin).
Dans sa lettre au Père Noël, il avait écrit : « Joyeux Noël ! » (Nell et Taky). Il avait demandé aussi un mini-panier avec une mini-balle (Gabriel). Il voulait une grue (Axel). Il avait commandé un livre qui était plein de flocons de neige quand on l’ouvrait (Alba), mais aussi un jouet de Batman, une trottinette (Jim) et un livre à tirette (Doréna).
Le père Noël déposa tous les cadeaux sous le sapin. Il y en avait aussi pour les petits frères et les petites sœurs d’Éléphant. Il y avait un jouet par petit frère et petite sœur (tous ensemble).
Éléphant était très heureux de voir tous ces cadeaux, mais le Père Noël n’avait pas compris qu’il les avait tous commandés pour lui seul, parce qu’à la maison il en avait très peu (Gabriel).
Après, la nuit tomba, il alla se coucher, une étoile filante passa (Mélissa). Et il chanta une chanson de Joyeux Noël, en anglais ! (Doréna)


Vendredi 8 janvier

La séance commence par une conversation sur les vacances de Noël. Les enfants me racontent les leurs, je leur raconte les miennes. Je leur dis que je suis allée en Auvergne où est ma maison familiale, que je me suis promenée dans la montagne chaque jour, mais que j’ai passé aussi pas mal de temps à écrire une histoire, chez moi. Nous tombons d’accord pour qu’à partir de ces éléments, ils fassent le récit de mes vacances.
Je suis frappée par deux choses : d’une part les enfants n’ont aucun mal à me transformer immédiatement en personnage de fiction et à m’inventer des vacances. D’autre part, leur histoire collective n’est rien d’autre qu’une métaphore parfaite de l’écriture (à laquelle ils ne font pas allusion directement, mais par le biais de cette métaphore) : existence d’une grotte qui renferme dragons et peintures préhistoriques, où sont enfermés aussi des oiseaux que je vais délivrer, où il y a un trésor que je n’ai pas vu au premier coup d’œil mais dont le souvenir me fera rebrousser chemin pour retourner le découvrir après m’être égarée dans une forêt

LES VACANCES D’ANNE SERRE

Il était une fois Anne Serre qui se promenait dans les prés où elle voyait des vaches (Exupérance). Dans la montagne, elle rencontra une grotte (Pauline). Elle savait que c’était une grotte de dragons, mais surtout, elle savait que son signe astrologique chinois était le dragon (Gabriel). En entrant dans la grotte, elle vit beaucoup de dragons qui dormaient, un dragon chinois, mais aussi un bébé dragon (Adam). Elle vit de nombreuses cages avec des oiseaux qui y étaient enfermés et décida de les libérer (Zoé). Après quoi, Anne Serre sortit tout doucement de la grotte où les dragons commencèrent à se réveiller, et même le dragon chinois (Lindsay).
Sur son chemin, elle tourna à droite pour aller chez sa grand-mère (Taky). Le chemin était gris (Paul), il y avait des passages piétons et aussi des pancartes pour indiquer les routes (Louis). Elle passa près d’une écurie où il y avait des chevaux attachés par des cordes (Jim). Mais Anne Serre décida de retourner en arrière, car elle avait vu dans la grotte des dessins qu’elle n’avait pas eu le temps d’examiner (Marion). Et en rebroussant chemin elle se trompa : elle tourna à gauche (Antonin). Elle était complètement perdue car elle était entrée dans une forêt où il y avait de la neige (Nell). Mais elle retrouva son chemin, et rentra chez sa grand-mère où elle voulait écrire une histoire pour raconter son aventure (Fatoumata). C’est le lendemain qu’elle retourna à la grotte où elle vit les dessins, et un très très gros trésor qu’elle n’avait pas vu non plus la première fois (Gabriel). Les dessins étaient très vieux, ils dataient de la préhistoire (Marion).

Alors que nous tombons d’accord pour estimer que l’histoire finit là et que chaque enfant se prépare à en dessiner un épisode, l’un d’eux vient me confier en chuchotant qu’en fait l’histoire n’est pas vraiment finie, et que lui, connaît la fin. Elle tient dans cette phrase qu’il me dicte et que je note :
Et Anne Serre rapporta le trésor à sa grand-mère (Izyah).


Vendredi 5 février

Courant janvier, j’ai fait un voyage en Martinique d’où j’ai envoyé une carte postale à la classe, leur décrivant le paysage et mes activités.
Cette carte postale qui représente une plage et des cocotiers va les faire beaucoup imaginer (dixit Clara, leur enseignante) aussi leur propose-t-elle, pendant mon absence, de la prolonger en dessinant et peignant autour un paysage.

A mon retour, je leur rapporte d’autres images de la Martinique qui seront exposées dans la classe, et nous parlons de la joie de voyager… puis de rentrer chez soi, et nous décidons d’explorer le mot « Joie ».

Quand avez-vous été très joyeux ?
Quand je suis allé à l’église avec ma mamie, mon cousin et ma cousine, parce que j’aime bien prier (Doréna). Quand je vais chez mes grands-parents parce que je peux regarder des vidéos (Paul). Quand je suis allé au Maroc et que j’ai vu mon oncle - celui qui conduit la voiture -, prier (Adam). Moi aussi c’était au Maroc, quand on a fêté mon anniversaire dans un restaurant (Melissa). J’ai été très heureux de regarder le dessin animé « Robot », parce qu’à un moment, il y a un masque de lumière qui apparaît (Axel). Quand je suis allée en Espagne voir ma mamie et mon cousin pour Noël (Alba). Je suis très heureuse parce que demain, c’est le baptême de ma petite sœur ! (Exupérance) Moi, c’est quand je suis allée en Côte-d’Ivoire et que je me suis baignée dans la mer (Lindsay). J’étais dans un château au Canada, il y avait un lac, et j’ai pêché à la tripe (Jules). J’ai été très content quand je suis rentré à la maison après les vacances (Luca). Quand je vais en Espagne, à Orihuela Costa, où je retrouve mes deux copains : Henri et François (Gabriel). Quand je suis allée au théâtre où on faisait quelque chose d’un peu pareil à ce qu’on fait en ce moment, ici (Nell). Et moi, à la fête de Ganesh (Zoé).

Et vos parents, quand sont-ils joyeux ?
Quand ma mère a retrouvé ses parents à Marseille (Jim). Quand maman et papa sont montés sur un éléphant pendant notre voyage en Inde (Angel). Mercredi, j’ai été particulièrement sage, et ça a rendu maman très contente (Pauline). Quand papa a reçu le cadeau de sa sœur pour son anniversaire : un zippo (Paul). Maman, quand ma petite sœur Aria est née (Luca). Quand j’ai fait un café pour maman et le lui ai apporté avec un morceau de sucre (Laura). Quand j’ai dit à maman que c’en était fini avec mes bêtises (Doréna). Quand papa est rentré de la chasse. Il était très content et il nous a rapporté des bonbons (Exupérance).

Qu’est-ce qui vous rend triste ?
Quand mes sœurs ne veulent pas jouer avec moi (Exupérance). Quand papy est mort (Laura). Quand ma famille est partie en Italie (Lindsay). Quand mon cousin m’a fait exprès une griffure sur le front (Doréna). Quand mon père est parti au Cambodge pour y travailler (Jim). Je me sens triste, parce que je suis loin de ma petite cousine Lili (Louis). Quand mon arrière-grand-père est mort (Paul). Quand ma cousine n’a plus été ma cousine (Melissa). Quand quelqu’un est mort et qu’il y a plein de bougies allumées (Axel).

Suite aux récits que font les enfants, je leur lis toujours ce que je viens de prendre en note devant eux. Deux choses me frappent :
- leur bonheur presque incrédule à entendre les phrases qu’ils ont prononcées quelques minutes plus tôt,
- et leur exigence d’exactitude. Quand j’ai utilisé un autre mot que le leur, ou en ai inversés, ils me font rectifier aussitôt, qu’il s’agisse de leurs phrases ou de celles d’un camarade.
C’est ainsi que Gabriel me demande de rectifier une de ses phrases : « Je n’ai pas dit : François et Henri, mais : Henri et François ! »
Ils m’apprennent aussi des mots ou des noms propres : Coruelha Costa, ou « pêcher à la tripe » et sont très amusés de découvrir que je ne les connais pas.

Pour l’activité de dessins qui succède, comme chaque fois, à notre échange, je leur donne une contrainte : aujourd’hui, on dessine ce qu’un autre a raconté. Un seul s’oppose à cette contrainte, en me disant que ce n’est pas possible, parce que lui, « il ne peut dessiner que ce qu’il pense ».
Ils vont dessiner en majorité « l’anniversaire de Mélissa » et « la pêche à la tripe de Jules ». Mais aussi la prière, et le grand-père mort.

Notre séance se clôt par deux projets que je leur présente :
Nous allons inviter pour les prochaines rencontres leurs parents (ceux qui pourront se rendre libres) à participer à nos ateliers. Comme eux, ils participeront à la construction de nos histoires collectives ou d’études de mots.
Et à partir de la prochaine rencontre, Clara nous filmera en vidéo. Elle-même construira, à partir de ces prises de vue et de son, une histoire relatant nos rencontres.


Vendredi 12 février

Trois mères d’enfants ont répondu présentes pour cette séance et vont s’asseoir parmi les élèves.
J’ai apporté aux enfants un tableau que j’ai chez moi, je leur demande de me décrire ce qui s’y passe et d’imaginer une histoire et des noms aux personnages représentés.

HISTOIRE DU TABLEAU

Il y a un champ (Jules), et derrière, peut-être une petite ville (Pauline). Il y a un monsieur allongé avec un livre, qui s’appelle Matis (Axel). Il y a un ballon de foot à côté d’un monsieur qui s’appelle Otis (Doréna). Moi, je vois écrit en dessous le nom du peintre (Antonin). Il y a trois enfants (Nell), et celui qui est à moitié allongé s’appelle Jean-Maurice (Zoé). Celui qui se tient debout s’appelle Ancone (Gabriel). Et celui qui a un tee-shirt rouge, c’est Arc Jean-Maurice (Louis). Celui qui est appuyé sur un tas de foin, c’est Arcade (Gabriel). Mais il y a un chien aussi (Angel), qui s’appelle Hercule (Doréna).
Ils regardent au loin la ville qui s’appelle Montparnasse (Pauline). Mais Montparnasse n’est pas une ville ! (Jules) Dans le tableau, si ! (Pauline). Ils regardent le ciel pour voir s’il y a des oiseaux (Laura), et il y a des vaches derrière eux (Taky). A mon avis ils sont en train de faire un pique-nique (Alba). En fait, ce sont six frères (Iziah). Ils attendent l’éclipse. Pour la voir, ils ont des lunettes spéciales, mais elles ne sont pas dans le tableau parce qu’elles sont trop petites (Jim), ou bien dans leurs poches (mère de Jules).
Après, ils vont écrire leur histoire. Ils écriront à leurs parents ce qui s’est passé (Zoé). Mais peut-être qu’ils viennent de se réveiller. Ils ont dormi et ont rêvé qu’ils étaient des stars (Lindsay). Et en fait, quand ils dormaient, à l’endroit exact où ils étaient il y avait des fissures qui tournoyaient pendant des heures, pendant six heures (Gabriel). Ils ont fini par tomber dedans, mais ils avaient des pelles, alors ils ont pu creuser des galeries pour se sauver (Zoé). Et le chien les a aidés (mère de Gabriel). Ils ont pu monter sur les épaules les uns des autres (Zoé). C’est Hercule qui les a tous portés sur son dos (Antonin). Et pour finir, le chien a construit une maison dans laquelle ils sont tous rentrés (Exupérance).

L’histoire nous ayant donné à tous le fou rire, car ils ont parfaitement conscience de leur humour (les noms qu’ils attribuent aux personnages) et de leur fantaisie (égarés dans les fissures tournoyantes de la terre avec leurs pelles et leur chien), nous décidons, après un certain nombre d’autres échanges, de terminer la séance par notre danse « bla bla bla », (grand moment de détente et de liberté de mouvements) à laquelle participent l’enseignante, les trois mères d’élèves, et moi aussi bien sûr.

15 février 2016
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