Résonance de cris

Je les entends encore. Je les entends encore. Encore. Encore. Ils crient. Ils ne savent pas s’arrêter. Je les entends encore. Crier. Ils ne sont plus làmais je les entends encore.

Je les vois, ces larmes qui tombent sur elle. Sur lui. Je les entends glisser, dans le fracas d’une mâchoire en action. Sur le canapé au velours abîmé. Je les entends plus que je ne les vois – ces larmes.

Jamais le cri ne s’arrête. Je l’entends encore. Dans le réseau de mes murs.

Les nouveaux occupants, de mon espace sont calmes et peu nerveux. Ils dorment sans bruit et les draps restent propres. Les leurs – de draps, changés presque chaque jour. Car chaque nuit était insupportable. Nuits de suées. Nuits de râles. Nuits éveillées. Nuits incontrôlées. C’étaient les leurs, c’étaient les miennes.

C’est arrivé avec soudain. Auprès du téléphone. Il vibrait coincé dans le coussin du canapé, trois fois avant qu’ils ne l’entendent. Ils ont rappelés. Le bruit de l’attente.
Puis le sans voix. Le son qui ne sort pas. Puis expliquer àl’autre, qui n’a pas bien compris, ce qu’il se disait derrière les micros du téléphone. C’est la tension du corps qui lui fait comprendre. Pas tout àfait. Il a besoin d’entendre de vive voix, l’autre – le dire.

Je les entends encore. Crier. Pleurer. Tomber sur la moquette du sol. J’entends encore leurs muscles qui se crispent, ceux des épaules qui se coincent dans la clavicule, ceux des coudes qui se cassent contre les côtes. J’entends encore leurs vertèbres s’amoindrir car il faut disparaître – après un tel événement.

Eva Lassalle.

7 mars 2017
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