Réveil d’un Russe

Folle russe c’est une folle triple ! Trinité de dinguerie ! Volga de la folie qui chute dans la mer Noire de la tristesse ! et puis un jour, en coup de mirettes tu te réveilles au milieu du fleuve de larmes ! et tu gobes tout ça, bouche cousue mais ça rentre et comment ! et puis tu plonges, châsses de crabe ! une dingue ! vivre avec ! faut avoir les couilles de Gandhi pour ! le cÅ“ur de Sainte Barbe juste pour la supporter une heure ! pas vivre ! ho-ho ! juste prendre un thé avec boule quiès dans tous les trous ! paupières cousus ! comment j’ai pu moi ! une année ! j’ai pris trois cents ans d’une seule bouchée ! mais comment ! enchaîné ! curant le nez de la folie par son anus noir ! une année ! c’est àébouriffer les chauves ! Dimitrius ! si je comptes les minutes – c’est àse noyer dans un bidet ! et alors ! j’ai avalé trois cents ans ! mâchées par la vieille folle ! et rien ! juste tronche bizarre, pépé Jo aurait dit « la mort t’avait laisser sortir pisser, Dimitrius !  » ah oui, c’est ça. il visait bien pépé. pas àcôté ! dans l’œil ! oh papy Jo… je reviendrai avec lui ! il vaut des poèmes ! là– plus un mot. plus tard on reviendra, lui-moi. mais là– faut que je trouve un nid, une crèche, je ne sais pas, même un trou àrat ! puisque la chatte est morte. oui. mais vraiment je n’ai que deux semaines pour trouver. deux courtes semaines ! avant que la folle débarque de son palais d’hiver ! brrr ! même en pensée – ça me fait dénouer le nombril ! ah oui – t’es pas gentil, toi ! ah oui – roué tordu, toi ! dis donc, t’es sans pitié toi ! oui et re-oui, mais ! j’en peux plus, moi ! avant – je pouvais vivre dans la rivière la plus folle. mais là– c’est trop. vous et moi, on sait tous quand c’est trop.
Et j’en ai vu des folles. ici et en Russie ! j’en ai vu et vécu avec - àmettre ma tête au clou pour rien et – vivre sans ! jusqu’àce que l’Ange aux mille bouches termine mon rouleau, le roule et souffle dedans ! puis ouvre mes dents mortes et glisse sa langue dans ma bouche ! oui. mais chaque disgrâce a sa grâce, n’est ce pas ! et ma tête - qui la prendra… quel ange ou démon !? je ne ferme même pas la porte de mon taudis avant de fermer l’œil ! viol !? ha et ha ha ! telle vierge sèche je ne demande que ça ! ça fait des siècles ! ma tête… même l’ange le plus SDF trouvera mieux dans une déchèterie là ! ouf et re ouf ! elle en a vu des choses ma tête…
Bientôt elle reviendra de son izba des steppes… même y penser – me fait froid au nuque ! alors – ça sera notre ultime face àface ! moi, je préfère – fesses àfesses ! sincèrement ! avec elle, avec tout ! folles, folies et sueur de ce monde !
C’est écÅ“urant àla longue. les vieilles aux bêtes ! les cinglées aux chats – j’en ai ras le cul, mais jusqu’aux cils ! et sacrée tombe ! – on sait jamais avec elles ! maboule absente – oui, même archi-folle – oui aussi, mais on sait rien ni jamais avec ! l’air de rien elle me regarde, mange jamais, télé àfond, elle gueule au téléphone pour couvrir la télé ! et puis elle se met àchercher son hier ! son avant-hier. toute seule d’abord, puis – elle m’appelle, et voilà– àdeux on cherche son hier ! on fouille partout ! bien sérieusement ! même sous le canapé ! mais on trouve rien, sinon – poussière ! congères ! on tombera jamais sur sa raison… jamais. mais on la cherche. voilà– comment on vit. elle-moi. deux mains se lavent mieux qu’une, non ?
Mais parfois c’est calme. même trop. c’est la bonasse àreculons ! je m’attends àtout ! j’ai appris àbouffer en chat de gouttière ! àl’oreille dressée ! mais elle – tranquille, l’œil d’une poule qui somnole elle écoute la télé qui hurle àréveiller tous les asticots du quartier ! àressusciter leur bouffe aussi ! bon, d’accord ! – elle est ouffe et tout ça, et puis – absente ! eh comment ! face àmoi - elle est àtrente mille années lumière d’ici ! je peux toucher sa main mais son âme est sur Sirius ! et puis - putain et cieux ! quand elle revient – elle revient ! àtrois heures du matin ou de la nuit, je ne sais plus l’heure – la lumière brille comme au Kremlin ! plus forte qu’au mont Thabor ! et la musique ! et Bach ! et l’orgue ! réveil àl’Armée rouge ! on s’habille en 45 secondes ! plus vite qu’une allumette brà»le ! et puis elle est là, silencieuse, et elle danse ! danse vraiment ! robe de chambre et tout ! ébouriffée comme Baba Yaga en détresse ! sorcière larguée, elle tournoie tout lentement… fascinante presque ! oui. en tournevis dans la main d’un dieu devenu aussi ouf ! et puis elle vieillit en éclair ! chaque fois elle prend cent ans après ses danses ! et ça s’arrange pas… mais elle tient le coup ! il y a encore deux semaine elle m’a dit « quand je serai vieille – je voyagerai partout !  » ah oui. c’est bien parti ! encore cet hiver - elle était là, toute souris, je me suis dit, là– c’est bon, l’âme enfin pose sa valise fatiguée. et puis non. juste une trêve. un cesse-feu. mais c’est fou ça ! elle était si tranquille… faisait du sudoku dans son coin ! couronnée de fleurs de géranium ! la reine de la jungle ! idole aux deux paires de lunettes sur le nez… je la vois encore – profil d’un vieux corbeau, savant et fou. une semaine comme ça – je respirais àpeine ! j’ai eu la trouille que tourterelle de la paix s’envole ! que la folie revienne ! ce qui se passait. et voilà– Bach Bach Bach toute la journée ! la nuit ! l’aube ! l’orgue l’orgue l’orgue ! j’ai failli y passer ! pas de blagues ! je voyais déjàdouble ! deux folles ! deux oufettes qui dansent ! qui sont plus ici et qui dansent ! même pas au milieu du Styx ! ah non ! plus loin ! et pas sur les eaux ! carrément de l’autre côté du Styx ! de l’autre côté de tout ! avec toute la famille des Bach ! elle déteste Beethoven ! « j’aime les chats pour la même raison pour que les sourds les – détestent. ils font pas de bruit…  » et c’est elle qui parle ! Bach àfond ! on finira ici en Beethoven, c’est sà»r !

Dimitri Bortnikov

13 février 2014
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