Sylvie Durbec | La Lessive de la folie (2)
On poursuit.
Celui qui fait ce scandale du lavoir. Après on change de cible.
La poursuite du bleu est dans la lessive et les mains.
Rougies de froid. Epargnées par le serpent blanc issu du coussin.
Personne ne sait où se cache le savon. De Marseille.
Pas même la folie le sait.
Si le fou a disparu, elle non.
Ophélie cherche de l’or au fond du lavoir. Sans lumière venue d’en haut.
Une maison. Celle du fou.
Le pendu s’appelle Judas Iscariote et joue aux tarots avec l’eau des puits et des sources.
Permet de faire bien propre la lessive.
Car ça s’avance noir et immobile, ça se noie là dedans à l’angle du lavoir, des yeux sans un regard. Sans le corps du fou sans ses habits à lessiver de frais.
Pierres des puits si froides à caresser.
Bras sans manches, corps sans chemise.
L’odeur du linge séché au soleil.
Petites chemises de la faim que la folie désosse patiemment avant.
De les jeter aux orties loin des regards des villageois.
En attente d’être revêtues d’un corps, celui du fou et de sa lessive.
Qui exaspère les voisins et les villageois qui n’aiment la propreté que si vraiment nettoyée de celui qui la porte.
Elle n’est pas le fait des fous.
Alors c’est trop tard pour faire sa lessive.
On parle conférence à des gens lessivés de fatigue.
Qui vont aller s’allonger au fond.
Du lavoir.
Si tu regardes bien, tu aperçois la huppe bleue venue chercher.
Le fou et sa lessive.
Tous les deux bien propres et elle. La huppe.
Un oiseau dont la grande sagesse n’est plus à démontrer. La voilà bleue dans le lavoir.
Conférence entre elle et son fou, entre le fou et sa lessive.
Sans toi.
(Lire la première partie)
Sylvie Durbec est poète, auteure de nombreux livres (voir sa bibliographie complète ici
Lire sur remue.net, ce texte consacré à Robert Walser, et ses incroyables traductions de l’italien : Sento le voci.
Lire cet entretien avec elle.