« T’es conne ? »

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C’est ma soeur. Elle est petite. Elle est conne. C’est sur la plage. Je lis. C’est sur la plage. Je lis un livre. En Espagne. Elle est conne. C’est ma soeur. Elle est petite. C’est en Espagne. Elle fait des pâtés. Je lis un livre. Elle va dans l’eau. Elle a des bouées. C’est en Espagne. Je lis un livre. Elle revient de l’eau. C’est en Espagne. Elle dit viens. Elle est conne. Je lis un livre. Elle secoue ses bouées. Au-dessus de moi. C’est en Espagne. Elle mouille le livre. Le livre mou. Je dis t’es conne ? Et elle rigole. Je la gifle.

Ça fait deux semaines qu’elle me baratine pour aller sur cette foutue plage. Elle a pas intérêt à me dire en repartant que c’était de la merde sinon c’est fini pour elle. Déjà que je fais l’effort de montrer mon corps cadavérique à des milliers de pimbêches et de kékés qui pètent plus haut que leur cul ; alors si c’est pour me faire des reproches, je l’enterre dans le sable et la laisse se faire cramer par le soleil et bouffer par les mouettes. Je voulais lui faire plaisir pour cette dernière journée hispanique mais je regrette déjà. Puis je la vois là, à faire sa belle en bikini devant ces vautours en caleçon de bain avec une couille qui dépasse. Ils veulent ma sœur mais ils peuvent toujours se gratter le coquillage, avec une Ursula comme moi dans les parages. En parlant de poulpe, j’ai tellement pas envie de finir en beignet de calamar que je remets de l’indice 50 pour la quatrième fois sur mon épave écrue. Je brille encore plus que le soleil pour le coup. Le mot « coup » résonne encore plus quand je sens qu’on me fouette le dos.
« T’es conne ?! Ou tu le fais exprès ? »
Elle ricane en voyant le sable de la serviette qu’elle vient de secouer se coller à mon dos. Je sens qu’elle meurt d’envie de me dire d’aller me baigner pour détruire cette nouvelle plage artificielle. J’ai des frissons rien que d’y penser. Devoir me rincer dans une eau où des gosses ne font que chier et pisser entre deux phrases incompréhensibles mais « Trop mignonnes » me donne la gerbe.
Dans un élan de courage, je m’élance et traverse la plage telle une Pamela sans le facteur sexy. L’eau me gèle le cul au point que j’oublie que je peux potentiellement me noyer. Moi et les cours de natation, ça a tout de suite été le divorce avant même le mariage. Puis, soudain, un éclair me traverse le corps et ma phobie refait surface. Un mouvement lointain et sous-marin. J’en étais sûr, il y a des requins dans la Méditerranée.

Il est 12h30, mon estomac gargouille, j’attends ma sœur qui doit ramener un plateau de tapas de chez José. Je sirote un mojito lorsque je vois une armée de mouettes déféquer sur les touristes néerlandais profitant du soleil de Barcelone. Je finis mon verre de mojito, plie ma serviette et me dirige vers la voiture en courant. Je contemple la catastrophe, des gens en furie qui dévalent la plage, bousculant tout le monde comme s’ils étaient bombardés. Soudain, ma sœur revient, caméra en main, filmant la scène. Elle rigole, ne réalisant pas l’ampleur que les choses ont prise, un vieux a été renversé et il boite au loin.
Je me retourne et demande à ma sœur cadette où sont passés mes tapas. Elle montre les mouettes du doigt. Je pouffe de rire et lui réponds « Les chinois mangent du chien et les espagnols des mouettes, c’est connu ! » Elle sort deux sachets de laxatifs et m’explique qu’elle a jeté mes tapas de chez José à 70 euros le plateau végétarien mixte fourrés aux laxatifs. Une seule phrase me sort de la bouche : « T’es conne ma pauvre sœur. »