Tammam Tellawi et François Bordes

Tammam Tellawi

Image syrienne

1
l’hiver est maintenant passé
il fut très pénible
nous étions loin l’un de l’autre
personne n’a prêté attention à nos frissons sous la couverture de l’obscurité
tu dis : c’est le froid
je dis : c’est la peur
nous n’avions pas compris que la fièvre de la nostalgie s’était emparée de nous
dans la cour de la maison nous n’avons pas protégé les fleurs
de la pluie de balles et du grondement des canons
dans les rues les eaux chargées du sang de mon frère et du tien coulaient dans les égouts
l’hiver est passé
aucune voix ne s’élève hormis les cris des soldats et les ricanements des officiers

2
si tu pleures par peur des guerres
retiens tes larmes jusqu’à l’instant de ma mort
mon ami, ton pays est maudit
toutes ces maisons sont maudites
si j’arrive un peu en retard au rendez-vous
si tu arrives en retard au rendez-vous
les bombardements pourraient nous surprendre entre deux verres de vin
tu verrais le mégot de ta cigarette
collé au plafond de la pièce
et nos lambeaux sanglants pendus aux cordes à linge
et une toile d’araignée


Tammam Tellawi, poète, médecin syrien, né à Homs en 1977, a publié plusieurs recueils de poésie : Une maison remplit des absents, 2000 ; L’explication de ton corps dans les dictionnaires, 2008. Il habite en Arabie Saoudite où il travaille comme médecin.


François Bordes
réponse au poème de Tammam Tellawi

1.

bello fame peste
l’hiver le froid la peur
les voilà
qui reviennent
dans les jardins les cours
les rues
bello fame peste

2.

il disait

je parle pas français
mon pays la guerre
moi je veux l’Angleterre
ma famille des gens là-bas
if you speak english, I tell you

il m’a tout raconté
son départ précipité
sa fuite à travers
les montagnes les déserts
cent huit sur un canot
le naufrage le sauvetage
He told me everything
les sales boulots les sales rixes
les coups durs les coups de pot
la peur la peur la peur

fortunately I was late
I was in my school
they came at my home
to kill me to kill me to kill me
I was not home I was not in my house I was at my school
I was late
I had a work to do
I was late

son retard l’a sauvé
et quand il est rentré chez lui
some friends told me
go away go away !
they want to kill you

il est parti il a fui
il parle il vit
il construit des maisons

Paris, 7 février


شتاء، وبرد، وخوف
هذا كلُّ ما يملأ الحدائق
والساحاتِ
والشوارع

كان يقول : أنا لا أتحدث الفرنسية
بلادي هي الحرب
أرى إنكلترا
عائلتي والناس هناك
إذا كنت تتحدث الإنكليزية فسوف أخبرك

روى لي كلَّ شيء
رحيلهُ الهلِعَ
هربَهُ في المسافات
الجبال
الصحارى
"مئة وثمانون شخصاً على متنِ قارب"
الإنقاذُ من الغرق
حدثني عن كل شيء
الأعمال القذرة
وقذارة الشجارات
الضربات القاسية
الخوف

من حسن الحظِّ أنني كنت متأخراً
كنت في المدرسة
جاءوا إلى البيتِ ليقتلوني
لم أكن في المنزل ولا في البيت ولا في المدرسة
كنت متأخراً
وكان لديَّ عملٌ أقوم به

تأخره أنقذه
وعندما عاد إلى الوطن
بعض أصدقائه قالوا له : اذهب بعيداً لكي لا يقتلوك.

غادرَ، هرَبَ
والآنَ ها هو يتحدَّثُ، يعيشُ ويعمِّرُ بيوتاً

24 février 2017
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