Archives gamma
Développé dans le cadre de l’exposition Demi-vie, consacrée à l’imaginaire nucléaire et présentée cette année à Nantes, au Lieu Unique, le projet Archives gamma a vu le jour en 2020. Il s’est déployé au fil des recherches qui accompagnent la rédaction de Zone bleue et la préparation de l’exposition. Aujourd’hui, sur un site appelé http://www.archivesgamma.fr/, elles cumulent près de 700 entrées. 700 articles, coupures de presse, extraits de livres, de manuels, de vulgarisation scientifique, de thèses, de guides, de tracts, de textes promotionnels. 700 histoires folles, de catastrophes, de projets scientifiques, d’œuvres d’art, de machines nucléaires, de grandes découvertes, de découvertes absurdes, de programmes atomiques, de rêves et de cauchemars auxquels l’uranium a donné lieu depuis sa découverte en 1789, dans les monts de Bohême, et la mise au clair, un siècle plus tard, des rayonnements qu’il émet. Les Archives gamma composent un fonds entièrement original, en perpétuelle évolution, fait pour documenter les usages et les métamorphoses de l’atome, sous toutes ses formes. Volontairement éclectique, souvent ahurissante, cette encyclopédie parcellaire est une œuvre en soi. Elle dessine ce que nous avons eu tendance à considérer au fil de nos recherches avec Stéfane Perraud comme une civilisation nucléaire, qui irradie tous les champs du savoir humain, de l’archéologie à la médecine de pointe, de la physique élémentaire à l’astrophysique, des sciences humaines aux beaux-arts, de la littérature à la géopolitique. Ce fonds d’archives révèle que tout ou presque, en fait de modernité, est nucléaire. Avec ces archives, nous avons entrepris de dresser la carte de cet empire.
À Nantes, dans le cadre de l’exposition Demi-vie, ce travail de recherche a pris la forme d’un grand rouleau de papier brûlé au laser. 17 mètres d’images, de machines, de bâtiments, de ruines, de centrales, d’observatoires, de corps marquées, de paysage irradiés, de vies étranges, dont les histoires sont racontées aux murs, sur de petits cartels, en quelques lignes, comme autant de micro-fictions - toutes authentiques. Ce grand rouleau ressemble à un parchemin, à un manuscrit de la mer Morte, à un volumen de papyrus, aux premières traces écrites, aux premiers signes de cette humanité, qui est la nôtre depuis plus d’un siècle. Traces d’une écriture en devenir, faite de rayons gamma, de bombardements neutroniques et lisibles pour l’éternité.
Image : Archives gamma au Lieu Unique, Nantes, exposition Demi-vie, © David Gallard