la traductrice de Miguel Torga n'est plus Claire Cayron, immense traductrice,
est décédée brutalement dans la nuit du 2 juillet
2002 à Paris. |
Elle se savait passante. Elle sest voulue passeuse.
Avec le respir dune arpenteuse qui sait la patience, le regard ampleur, acuité, justesse-, léconomie requise du souffle pour atteindre et dépasser la ligne de crête, elle fit franchir les Pyrénées à luvre immense de Miguel Torga, lAtlantique à celles de Harry Laus et Caio Fernando Abreu. Puis, son travail accompli, nous en fit loffrande. Avec rivée au corps la question de la littérature, elle avait apprivoisé son inquiétude de sentinelle guettant ces frontières où la littérature précisément se hasarde au risque de sabolir, se dissoudre, se perdre, et lhomme avec elle. Et na jamais cessé de sinscrire résolument dans un élan comparatiste ayant disait-elle " pour meilleur objectif deffacer les frontières ". Ce choix professionnel, humain, spirituel assumé, elle sest attachée à nous rendre sensible la matière magique, poétique de toute littérature. Lectrice passionnée par lacte littéraire, Claire Cayron nous laisse aujourdhui orphelins dune voix qui sétait mise au service dautres voix, loin de la logorrhée éditoriale et commentatrice dune époque dimpudeurs et de confusions contre quoi lenseignante quelle fut aussi sattachait à prévenir les jeunes esprits. Alors un mot, un seul vient pour dire la reconnaissance : merci. Merci Claire. Merci pour linjonction faite à notre esprit incertain, dispersé, de ne pas se contenter de, et de se rassembler. Merci pour ces mots dits un jour dans la brume du port de Saint-Nazaire, juste avant que la lumière ne la dissolve sans crier garde : " Ya pas de palmiers dans tout ça, et cest ce qui mintéresse ". Le propos sappliquait au choix de traduire Caio Fernando Abreu. Sy entend, simple, abrupt, ce " non " dit à lexotisme. Sy entend bien au delà ce choix de ne se consacrer quaux voix les plus rares, à la " lecture secrète " de cette pulsation du souffle écrivant, tendu vers ce mystère, la création. Merci pour le partage du chant ainsi remonté de la lente traversée du texte. Merci enfin pour avoir en conscience, à chaque instant, que lire, écrire, traduire relèvent du même mouvement. Que toute véritable écriture est traduction. Anne Bihan |
Avec chaque humain qui meurt, ce nest pas seulement tout un passé
qui sen va, cest aussi tout un avenir. Les habitués des lectures de la Bibliothèque théâtrale de Saint-Herblain se souviennent de la rencontre passionnée avec Claire Cayron, le mardi 3 février 1998, pour un hommage à Caio Fernando Abreu, " écrivain de la passion, biographe des émotions ". Le comédien Gérard Guérif avait lu, dans une traduction de Claire Cayron, L'Homme à la tâche (O Homem e a mancha, 1994), pièce (inédite en français) de lauteur brésilien décédé du sida en 1996. |
Lire sur le site Corti les
pages consacrées à Claire Cayron: Un entretien : "Pourquoi
et comment je suis traductrice littéraire" Page Corti sur "Les
petites épiphanies" de Fernando Abreu : Sur le site du ministère des affaires étrangères brésiliennes, une précieuse bibliographie des auteurs brésiliens traduits en français (PDF) Présentation des livres de Miquel Torga (et en particulier La création du monde) sur La République des Lettres : <http://www.republique-des-lettres.com/t/torga.shtml> Sur le Matricule des Anges,
une présentation de ses traductions d'Harry Laus : Et ci-dessous l'hommage de Patrick Kéchichian. FB et RK pour remue.net, avec Bernard Bretonnière (médiathèque Saint-Herblain)
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