Camille Sova | Les branches des autres

Image extraite du film de José Luis Torres Leiva, "The sky, the earth and the rain"

le corps bafoué de la reine bafouée

solitaire devant d’un pas de terre
je n’ai qu’une écharpe de pierres
pour habiller mes joues

j’ai séché mes ronces à la lune

ma couronne est usée

à la maison je m’égrène en trajet jaunissant
et je meurs de ne pas me blottir
dans une autre mémoire

passager c’est moi le pardon
en boule sous les baumes
avec le puzzle de ma nudité sur les cuisses


chirurgie mini-invasive

ils me frottent comme une planète mal entretenue

je l’ignorais
je ne suis pas une perle

novembre m’opère à tas ouvert

l’électrostimulation n’a pas pu chasser les taches
de mon utérus

on nous offre un chocolat chaud
et des biscuits

je pense :

« pourquoi décorer la maladie
avec des épices ? »

nous sommes nombreuses à craindre ses attaques
mais la cannelle n’y peut rien

comment leur dire ?

avant l’endormissement
je dis bonne nuit à l’impact
et non au traitement

je souffre seulement d’être trop femme

et

si peu fille


la toussaint des champignons

la pluie tombe sur son caveau
le pleurote n’est pas bien

il voulait un pied sans plafond
pour bâtir son abîme

assise dans la gadoue
je suis la seule à avoir
du maquillage

ici non comme les fleurs
les cercueils sont d’origine

la pluie tombe sur mon chapeau
je voudrais m’installer dans une sépulture

cimetière dis-moi

parmi les plus mortes
où est ma place ?


l’envol des oiseaux migrateurs

si belle dans sa robe de vent
je prends sa danse dans les mains
rêve d’être d’air aussi
mais le haut n’y est pas

elle aime tellement partir
qu’elle en serait cigogne d’octobre

il y a ce sentier où je marche
qui ne mène jamais jusqu’à sa peau

et au-delà
quoi ?

un autre coeur encore ?

des tisanes suffiront-elles à panser
mon hémisphère ?

ici je ne suis presque rien

simplement l’intervalle
entre le poumon et le froid


les épicéas ne seront jamais jaunes mais ils brulent quand même

j’enseigne aux épicéas à être polychromes
à faire face aux réveils et aux lignes jaunes
mais la rousseur automnale
comme tous
n’aime pas les épines

ce qui naît s’enracine mais n’existe
jamais en nuances

la terre vivante inhumée
dans le premier feu de cheminée
et mon arbre s’abandonne à l’orange

il n’est jamais trop tard pour être d’or

il expire mais va s’imposer

les odeurs de nos morts persistent longtemps

8 décembre 2021
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