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au café parlé

de Berteaucourt-les-Dameson

on devait parler

de la retraite

mais en fait on a surtout parlé

du travail

de sa dureté

partir et mourir

l'année suivante

les poumons pleins de goudron

à 54 ans

la poussière, le bruit

une personne qui travaillait au goudronnage

elle n'avait pas besoin de fumer

elle avait la moitié des poumons usés

et un an après elle sentait encore le goudron

 

ou encore on parle

de tout ce qu'on n'avait jamais appris

et qu'on voulait tellement apprendre

mais on n'avait pas le temps

parce qu'on travaillait en équipe

comme : nager

 

et le grand OUF qu'on a dit

le premier jour de la retraite

ouf je n'y vais plus

ouf c'est fini

ouf cette vie-là

 

mais la retraite ?

le temps de la retraite ?

 

eh bien c'est le jardin

les cartes

le café avec les copains

la famille

les petits-enfants

 

alors justement à propos des petits-enfants

qu'est-ce qu'on leur transmet, aux petits-enfants ?

 

est-ce qu'on leur transmet un patrimoine ?

les cités ouvrières ?

les murs et les briques

est-ce que ça fait un mode de vie

que l'on peut transmettre ?

mais un patrimoine sans parole est mort

et d'ailleurs, dit Nadège, dans ma cité

on n'est plus que deux anciens

 

alors est-ce qu'on transmet les valeurs

qu'on a soi-même héritées des parents ?

ah, dit Marie-Thérèse, plutôt le contraire

ma belle-mère voulait pas de chauffe-eau

elle n'avait pas connu

elle voulait pas

pour elle, ce qu'il fallait

c'était : pas dépenser

le fameux "sens de l'économie", non, non, non

 

mais alors

si ce n'est pas un patrimoine

ni des valeurs héritées

qu'est-ce qu'on leur transmet

aux petits-enfants

voilà ce que j'aimerais vraiment entendre

 

 

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