André Markowicz / "Une langue libre, émotionnelle, partiale..."

hommage à l'homme-continent

André Markowicz a renouvelé en profondeur notre rapport à la littérature russe, en nous l'approchant dans son obscurité, ses mouvements profonds, et dans une intuition ouverte de la langue française, une secousse syntaxique qui a exigé de lui un travail de poète, d'écrivain, bien au-delà de l'idée classique du traducteur

avec Françoise Morvan (qui partage en particulier avec lui les traductions de Tchekhov), il ne se contente pas de fournir au théâtre les outils de langue pour entrer de façon contemporaine dans les pièces du répertoire, mais il nous propose, là encore bien au-delà du rôle de traducteur, d'entrer dans des oeuvres dont nous n'aurions même pas sans lui soupçonné l'existence, et l'intérêt parfois majeur

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nouveau:

en mars 2002, parution chez Actes Sud de l'ultime pierre à la reconstruction de Dostoievski

les Karamazov, traduction Markowicz
un extrait en avant-première

ci-dessous : quelques réflexions sur L'Idiot
et nouveau aussi
François Bon : Indiscrétions sur Markowicz

parmi les traductions les plus remarquées d'André Markowicz:

de Dostoievski : Carnets de la maison morte / Crime et châtiment / L'Idiot / La Douce / Le Sous-Sol et d'autres

de Gogol : Le Révizor

de Tchékov : une grande partie du théâtre, en collaboration avec Françoise Morvan - à paraitre en mai 2001 : Drame de chasse, un roman méconnu de Tchékov

d'Ossip Mandelstam : La quatrième prose

d'Alexandre Blok : Les Douze

d'Ilia Kroupnik : A l'aveuglette, nouvelles presque réalistes

d'Andréï Tarkovski : oeuvres cinématographiques, scénarii et projets

de Shakespeare : Hamlet, Macbeth

de Reznikov : Holocaust

traductions non éditées ou réservées aux performances orales : Pouchkine, Dante, Catulle...

une grande partie de ces traductions chez

Actes Sud - collection Babel

à découvrir aussi

un aspect du travail de Françoise Morvan, traductrice avec André Markowicz de Tchékov :

Armand Robin

approches, photos, textes

en collaboration avec la compagnie Cat[@]lyse de Morlaix et Yann-Fanch Kemener

"d'après Pindemonte"
un poème de Pouchkine, traduction inédite d'André Markowicz

exclusivité remue.net
André Markowicz, en rimes et en octosyllabes, relève le défi d'une nouvelle traduction de l'Eugène Onéguine de Pouchkine
Eugène Onéguine, premier chapitre

traduire Dostoievski

sur le site du Banquet du Livre de Lagrasse, la reprise d'un entretien fondamental d'André Markowicz avec Nicole Zand pour Le Monde

"Toutes les traductions sont des approximations. Plus le texte original est beau, plus la traduction ne peut être qu’approximative. On ne peut en aucun cas prétendre à la vérité absolue. Une traduction, c’est une interprétation. Comme pour un interprète d’une sonate de Beethoven. En plus, l’idée qu’on a d’un auteur peut changer, pas seulement à cause des traductions, mais à cause du mouvement des idées qui sont portées par ces traductions..."

à Nancy, le 6 mai 2001, Markowicz raconte....

transcrit par Julie Birmant, comment Markowicz improvise sur sa traduction de L'Idiot... où l'on croise Caroline de Monaco et quelques ânes et mouches au passage

Markowicz traducteur

Le rêve d'un homme ridicule, de Dostoievski

© Actes Sud, collection Babel, 1993

un fragment du chant XXI de l'Enfer de Dante

à la Mousson d'été 2000

Phénomènes et existence, de Daniil Harms, trad André Markowicz

ce qu'on ne découvrirait pas sans Markowicz

un texte fondamental de notre modernité, Ossip Mandelstam écrivant sous le stalinisme qui l'abattra

"la quatrième prose" (Bourgois, 1993) rassemble 16 textes brefs, nous nous permettons de reproduire le 13ème, où Mandelstam, sous forme de brève référence à Dante, positionne la littérature dans son engagement radical - avec, en accompagnement, un texte de Jean-Marie Barnaud sur Mandelstam

Ossip Mandelstam : chapitre XIII de "La quatrième prose"

"Maintenant que j'achève ma vie dans un trou, je me moque de moi-même, car quoi, un homme intelligent ne peut rien devenir - il n'y a que les imbéciles qui deviennent... On vous démontre que vous descendez du singe : pas la peine de faire la grimace - Acceptez-le, qu'est-ce-que vous y pouvez, c'est comme deux fois deux - mathématique..." (Le Sous-Sol, trad André Markowicz)

réflexions sur l'Idiot de Dostoievski (extraits)
notes par André Markowicz

Il me semble que la traduction est aussi une façon de faire de la littérature. D’un côté, c’est une béquille, et je n’ai aucune imagination. Je me rends compte qu’il est tellement plus intéressant pour moi de traduire L’Idiot plutôt que d’essayer d’écrire un mauvais roman. Et puis c’est quelque chose que j’aime tellement. Donc, je suis beaucoup plus utile à traduire. Et, en ce qui concerne l’écriture, ce sont les traductions une à une qui posent la question : comment on peut faire ça en français ? Est-ce que c’est possible ? Mais aussi, petit à petit, j’essaie de montrer l’émergence d’un certain regard, d’une certaine opinion sur les textes, sur les rapports qu’il peut y avoir entre eux, sur la culture russe dans son ensemble.

Dans L’Idiot, on est tout le temps dans l’indéfini entre le rêve et la réalité. Les personnages ne sont pas seulement de chair et d’os. Quand je dis que c’est du théâtre, c’est parce qu’on y trouve une conception de l’œuvre tout à fait particulière, qui est loin du roman russe psychologique.

La structure de L’Idiot, c’est l’épilepsie. C’est décrit comme une longue période d’incubation ; tout à coup, une illumination, ce que j’appelle un " climax ", et la chute, la crise. C’est comme ça que Dieu apparaît aux hommes, c’est trop fort pour que ce soit supportable. Nastasia Fillipovna aime trop le prince Muichkine ; Rogojine l’aime tant qu’il va la tuer, mais Muichkine est un vrai monstre : il est trop bon, il est insupportable, c’est lui qui provoque toutes les catastrophes, pas Rogojine.

Tant que le prince n’était pas là, finalement ça se passait bien ; mais le prince apparaît, il ne dit rien, il est. Son existence rend la vie impossible à tout le monde. C’est-à-dire que l’existence de Dieu est incompatible avec l’existence du monde. C’est insupportable. C’est ce qu’exprime le prince quand il dit qu’il a peur du regard de Nastasia Fillipovna ; il a peur et c’est pour ça qu’il va vers elle, et qu’il se tue. On considère que l’Idiot c’est le Christ, mais ce n’est pas si simple. Tout le roman tourne autour de la question de savoir comment on essaie de vivre avec la présence de Dieu et qu’on ne peut pas.

 

Trois hommes couraient dans une chambre. Ils discutaient. Ils se mouvaient.

Le premier. La chambre ne court pas. C’est moi qui cours.
Le deuxième. Autour des statues, autour des statues, autour des statues.
Le troisième. Il n’y a pas de statues. Regardez, il n’y a pas de statues.
Le premier. Regarde, il n’y a pas de statues.
Le deuxième. Notre consolation, que nous avons une âme. Regardez-moi, je cours.
Le troisième. Fauteuil coureur, divan coureur, maison coureuse.
Le premier. J’ai l’impression que tu te trompes. A mon avis, nous sommes les seuls à courir.

 

 

c'est le début d'un texte hallucinant d'Alexandre Vvedenski, "Conversations autour d'une chambre"

Alexandre Vvedenski, 1905 - 1941, a participé au "mouvement pour l'art réel" (Oberiou) de Daniil Haarms, et comme Harms, Mandelstam et bien d'autres a été victime du stalinisme - comme eux, atrocement, sauvagement, aveuglément

comme, longtemps, circulaient des enregistrements par Rostropovitch des sonates pour violoncelle de Bach, circulent des traductions Markowicz d'auteurs dont sans lui nous ne connaîtrions rien, et qui nous deviennent en quelques lignes nécessaires

André Markowicz ne souhaite pas que circulent ces traductions qu'il continue de peaufiner - je retire donc du site la suite de ces "conversations dans une chambre"

ne nous reste plus qu'à attendre...

(en compensation, A. M. nous a confié "D'après Pindemonte", traudciton inédite d'un poème de Pouchkine)

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