Thierry Metz, présentation par Jean-Gabriel Cosculluela
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Terre avant les oiseaux, avant les étoiles

à Thierry,
pour une soirée partagée
le 2 novembre 1990
“L’homme est venu à l’aube, n’a
pris que trois pierres puis il a
chanté. Un autre écoutait: ses
mains ont souri”. (T.M.)


De Thierry METZ, Jean GROSJEAN notait en 1989: “C’est que vivre a quelque chose de terriblement élémentaire... Chaque soir, quand la fatigue ne l’a pas anesthésié, Thierry METZ note la part respirable des heures qu’il a traversées”.

Né en 1956, Thierry METZ s’est donné la mort le 16 Avril 1997.

Thierry METZ reste l’auteur de peu de livres, mais à mon goût essentiels. De Dolmen (Cahiers Froissart, 1989) à Terre (Opales/Pleine Page, 1997), tout juste neuf livres, tous nés de la nécessité de s’inscrire dans l’attachement et l’arrachement à la vie, de s’inscrire dans les tracés fragiles de gestes simples: ceux du maçon manoeuvre, ceux de l’ouvrier agricole, ceux d’agent dans une bibliothèque (à ranger, à classer des livres) et ceux qui traversent tous les précédents et les reprennent, les gestes de l’écrivain. “Se pencher pour écrire, pour retenir, peut-être, ce qui était plus penché que lui” . Thierry METZ n’affichait pas outrageusement la vie en écartant, en isolant l’ autre, il la laissait à l’intérieur, attentive, silencieuse, extrêmement.

“Croire être du clan, branché et au courant de tout. Connaissant tout le monde littéraire et provincial” (1) ne furent jamais ses préoccupations premières. Il portait les mots hors les modes d’écrire et de vivre, il les portait en silence, et à l’instant de dire pesait chaque mot en portant un regard à l’autre. De lui, j’ai envie de garder cette exigence, ces instants où il nous parla de ses livres en 1990: à Annonay, à Étables, à Tournon-sur-Rhône, à Villevocance, où il nous parla de ses lectures, de l’écriture. Des chantiers de vivre, il parla souvent de mains et de visages et de “marcher, toujours. Sans s’éloigner””

Vers la fin de sa vie, Thierry METZ écrivit dans le resserrement de soi, retenant la vie élémentaire, les demeures de terres, à peine quelques objets lui suffirent: “un va-et-vient de petites choses” , “le blanc enfoui de la page pour enfouir la lumière” , un livre de Roberto JUARROZ, quelques feuillets, quelques brouillons, “ce papier et quelques cigarettes pour ouvrir l’oeil”, un air de guitare, du café, du pain, “du langage manqué”, “aucun baiser le soir”. Il suffirait de lire l’un de ses derniers livres, dans le souvenir de celui qui griffait, dessinait les murs, Alberto GIACOMETTI: L’Homme qui penche. Thierry METZ y rassemble ce qu’il a à dire en quelques poignées de mains, en quelques limites de regards. Son texte s’amuït, il laisse encore quelques mots dans l’intensité, la lucidité.

À Thierry METZ, avant tout, il importa de “tendre le bras, l’élever...cueillir ce fruit haut placé, arriver avant les oiseaux, avant les étoiles”. Des chantiers et des terres où il travailla, des bibliothèques où il classa, rangea des livres,Thierry METZ garde ce geste: tendre la main, au plus haut. Il ne spécula pas, ne calcula pas sa vie, la vie. Nous reste à tourner les pages de ses livres, qui sont déjà les nôtres, mais lui laisser les derniers mots. En silence.

© Jean Gabriel COSCULLUELA

1er Mai 1998(1) Patrick CLOUX “ Un Lien réel” in Ecrivains en campagne, Cheyne éditeur, 1998
Les autres citations sont extraites de L’Homme qui penche, Opales/Pleine Page, 1997

De Thierry METZ, Lire
- Dolmen, Cahiers Froissart, 1989
- Sur la table inventée, Jacques Brémond, 1989
- Le Journal d’un manoeuvre, Gallimard/L’Arpenteur, 1990
- Entre l’eau et la feuille, Arfuyen, 1991
- Lettres à la bien-aimée, Gallimard/L’Arpenteur, 1995
- Le Drap déplié, L’Arrière-Pays, 1995
- Dans les branches, Opales, 1995
- De l’un à l’autre, Jacques Brémond, 1996
- L’Homme qui penche, Opales/Pleine Page, 1997
- Terre, Opales/Pleine Page, 1997
- Sur un poème de Paul Celan, Jacques Brémond, 1999