Création d’un projet de littérature jeunesse
Depuis un moment déjà, je cherche à adapter le conte « Le pêcheur mexicain et l’Américain » pour les enfants, sans succès. Je le lis et relis, je le découpe, je l’analyse, je le désosse, j’y pense tout le temps mais rien n’y fait. J’aime le message que ce conte délivre sur la surconsommation et la décroissance et je suis convaincu que cela ferait une belle histoire pour enfants. Reste à trouver l’angle.
Pourquoi une vache ? Pourquoi un cochon ?
Dans un train, entre deux gares mon esprit vagabonde, le pêcheur mexicain n’est pas loin et flotte dans les limbes de mon cerveau. L’image d’une vache qui fait la sieste sous un pommier commence à prendre toute la place, je sors mon carnet d’esquisse et je la dessine.
C’est dans ce train que tout se met en place, tout s’imbrique comme une évidence. L’histoire est là.
Il reste à tout écrire, polir les mots, que rien ne coince, idem pour les personnages, pour ça j’aurai le temps de travailler dessus au cours de ma résidence à l’institut Charles-Perrault à Eaubonne.
L’histoire est là, dans sa totalité, je dois la découper en 12 ou 14 doubles pages et travailler sur les esquisses. Pendant le travail d’écriture, certaines images se sont imposées à moi, et toute la difficulté consiste à faire correspondre ces images mentales et la réalité de mon dessin sur les pages de mon carnet. Travailler la ligne, le décor, la lumière, le cadrage, chercher l’émotion et recommencer, encore et encore.
14, ça sera 14 doubles pages. Les esquisses se mettent en place, la vache fait sa sieste dans son champ de pommes, un cochon qui passait par là s’arrête et lui dit :
– C’est à vous toutes ces pommes ?
– Oui pourquoi…
– C’est juste que vous pourriez les ramasser, faire des tartes, plein de tartes.
Je déroule les esquisses, tout fonctionne. Les personnages sont attachants et le duo fonctionne bien.
Pour le moment j’ai une histoire qui tient la route, et un découpage séquentiel sur un carnet de croquis. Au calme de l’atelier, je choisis un format adapté à mon histoire que je trace sur une grande feuille blanche. Je commence à dessiner avec précision et sens du détail, la première des 14 planches. A l’encre de Chine, je travaille, la ligne pure, du gras, du maigre, trouver la bonne distance, le bon angle, la bonne lumière… Page 1, page 2, page 3 en noir et blanc, je mets au propre mon travail d’esquisses, la couleur viendra plus tard, dans un second temps quand je réaliserai les illustrations finales. Penser à garder de la place pour le texte, ne rien mettre d’important dans la future pliure centrale, le livre prend forme.
Les 14 planches sont dessinées à taille réelle.
Il me manque encore la couverture, la page de titre et les pages de garde. Mais surtout, pour que le livre existe, il manque le plus important, un éditeur, une éditrice. Il va falloir que les mots, les illustrations, ce fragile ensemble trouve sa place dans l’esprit d’un éditeur.
Puis signer un contrat, faire, défaire, réécrire, mettre en couleur, trouver une couverture, la dessiner, scanner en haute définition, laisser travailler le graphiste, faire la mise en page, faire relire, trouver le bon papier, envoyer les fichiers à l’imprimeur, aller au calage machine, imprimer, mettre dans les cartons, envoyer aux libraires, et là… laisser fonctionner la magie.
Puis tout recommencer.
Mais ça, c’est une autre histoire.