Étape 2 : le plan
L’arrivée des premiers textes, très différents et portés sur la pure fiction, bouleverse ce début d’agencement. L’idée d’autofiction collective est abandonnée. Elle restera en filigrane, au point de vue du processus de création, mais sans servir de motif.
Deux lignes principales sont prélevées à deux de ces textes, qui seront utilisées comme matrices pour les prochaines étapes :
– la création d’un personnage, Climax, soldat romain qui part construire le mur d’Hadrien (Benoît Vincent) ;
– le procédé d’écriture en tissage que Nicole Caligaris a utilisé, avec quatre récits fragmentés et entremêlés.
A partir de ces éléments, ainsi que d’autres apportés par les auteurs, un plan d’ensemble est proposé, avec six chapitres.
Extraits du deuxième message envoyé aux auteurs
Le premier présupposé est celui-ci : il existe une fiction collective entre nous tous, encore virtuelle, à nous d’inventer l’état d’esprit (general intellect) pour la faire apparaître. C’est-à-dire une façon de travailler spécifique et instinienne à cet objet.
Nous avons essayé de dégager quelques pistes de ces premiers textes pour construire formellement le livre, vous proposer de les poursuivre, de créer des dialogues, échos, mises en abyme. Ceci n’est pas limitatif, nous attendons vos réactions et propositions.Point de départ : Benoît crée un personnage, un soldat qui s’appelle Climax et va construire le mur d’Hadrien pour matérialiser la frontière de l’empire romain avec les barbares. Nicole dans son texte évoque Jean Climaque auteur de l’Echelle sainte (climax = échelle). Croisement.
La polysémie du mot climax, ce personnage de soldat qui part des années sur les routes pour une mission qui le dépasse, ce fonctionnement en échelons, en stations, qui pourrait être la structure du livre (et du coup l’hétérogénéité prendrait un sens), tout cela nous paraît une piste intéressante.
En y ajoutant ce motif du mur, qui fait écho au corps, le désir, la chair et sa disparition (Laurence), corps individuel et collectif (Marc), à la fenêtre et l’absence (Alain), au visage et son image (Sereine, Alain, Laurence), au prisonnier dans son cachot (Sereine). Corps à construire. à retrouver. à opposer. Mur, frontière, ruine. au-delà.
Avec aussi le motif de la guerre, affrontement entre deux clans et deux ontologies (Marc), entre les « barbares » et les « civilisés » (Benoît)
Et le fait de rédiger un traité qui reste blanc (Alain) ou une conférence qui n’aura pas lieu (Nicole). Les choses qui se défont entre ses doigts.
Et la cartographie de Fred Laé, à voir avec celle que propose Benoît, et autres.Donc un personnage : le soldat (génie militaire), ses déclinaisons ou avatars (il peut être aussi général ou se prendre pour), ses discours, ses errances, ses projets, ses rencontres… Personnage mosaïque, diffracté par son voyage.
Un autre personnage : Adèle l’épouse du soldat restée au pays ou pénélope fantôme (Sereine).
Deux peuples opposés.Forme.
Une idée serait de généraliser la technique en tissage qu’utilise Nicole : par ex avec 4 lignes fictionnelles, partir de 1 pour aboutir à 4 en les tissant avec 2 et 3 grâce à des courts fragments : si dans chaque station ou échelon ce fonctionnement était systématisé, alors nous pourrions avoir des éléments hétérogènes en dialogue, avec un travail sur la mémoire du lecteur (très instinien, ça…).Enfin, une autre idée (pour une version numérique) serait de raconter l’histoire même de ce projet d’écriture commun, de ce general intellect, à quel endroit en tant qu’auteurs nous nous plaçons, comment les choses avancent et s’infléchissent…
Maintenant, comment on procède à partir de ce squelette fragile ? Encore une fois nous ne voulons pas précipiter les choses : avant de commencer à répondre avec vous à cette question nous vous envoyons les textes, qui sont évidemment des chantiers, non finalisés. Tels quels on ne pourrait les aligner, cela ferait une compile, ce qui ne nous intéresse pas, et les matières s’annihileraient entre elles.
Certains pourront apparaître dans la version papier, d’autres dans celle numérique, ou encore, palimpsestes, ouvrir sur autre chose.Lisez puis parlons-en, dans la globalité et les détails. Nous fonctionnerons par mails individuels (pas de forum, risque de cacophonie) ou palabres dans cafés.
Ensuite, un plan est esquissé pour former la matière brute de six chapitres, composés de sections distribuées aux auteurs selon leur première contribution. Les chapitres retracent le périple de Climax, tout en utilisant d’autres éléments suivant le procédé de tissage. Une époque et une guerre sont associés à chaque chapitre : ces références seront ensuite abandonnées tout restant plus ou moins diffuses.
Chaque chapitre contient une section nommée « Général Instin », par souci initial de ne pas se laisser aspirer par le personnage de soldat romain et faire signe vers le Général : elle est confiée pour tous les chapitres à un seul auteur, en l’occurrence Nicole Caligaris.