« le chant raisonnable des anges  »

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Mardi 1er février. - J’ai lu ces jours-ci L’Analphabète, un récit autobiographique d’Agota Kristof. Elle raconte comment elle a dà» apprendre des langues « ennemies  » : l’allemand pendant l’occupation de la Hongrie, par les armées nazies ; le russe pendant l’occupation de son pays par les armées de libération russes ; le français, en exil àLausanne.

Dans un entretien avec Bertrand Poirot-Delpech (janvier 1982), Jean Genet raconte que, pour se faire entendre de l’ennemi, il lui a fallu écrire dans sa langue, celle de l’ennemi, àla différence de Louis-Ferdinand Céline, ajoute-t-il, qui, « docteur et médecin des pauvres  », pouvait se permettre d’écrire en argot. Lui, Genet, il lui « fallait être entendu de Ronsard  ».

La langue « ennemie  » c’est celle qui envoie le père d’Agota Kristof en prison (le russe) et Jean Genet àla colonie pénitentiaire de Mettray (le français du ministère de la Justice).

Parmi les « marques d’usage  » qu’indique le Robert - vieilli, régional, familier, populaire, rare, courant, moderne, didactique, littéraire, péjoratif, etc. - je me demande combien qualifient des mots « ennemis  », lesquels et pour qui. Et s’ils le sont àl’oreille ou dans la bouche, ou les deux.
(Suite, voir Bibliographie en fin d’article.)

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Aujourd’hui, Delphine a choisi de nous lire « Les reparties de Nina  » parce que ce poème parle de l’amour et des amoureux.

Ce qui arrive : l’un ou l’autre stagiaire lit ou déchiffre un mot àvoix haute, par exemple peignoir (« ton blanc peignoir  »), aimablement (« rose églantier qui t’embête aimablement  ») ou lumière (« blanchissant sous quelque lumière  ») comme s’il ne le connaissait pas. En réalité il le connaît mais un déclic est nécessaire pour que le « branchement  » (le terme est de Rabea) se fasse entre le mot lu, le mot entendu et sa compréhension, comme un nom sur quoi on ne peut pas mettre un visage et qu’on reconnaîtra pourtant en le revoyant.

Je leur conseille de lire àvoix haute chaque jour un moment afin de consolider le « branchement  ». Une jeune femme, qui parle mais ne lit pas l’arabe, me montre le fascicule qu’elle lit en français : « Prières contre les pratiques de sorcellerie  » (l’édition est bilingue).

Nous reprenons les textes commencés le 18 janvier àpartir du roman de Le Clézio, La Quarantaine. On va le lire : dans les cafés on se bagarre, parfois entre poètes (ce qui relève, selon Juliette, de la littérature de gare), pas seulement, on échange quelques mots avec un jeune garçon, et même, on y rencontre un ange protecteur.

Samah a écrit :

Dans le café

J’étais complètement saoul.
Je reste devant la porte.
Et je vois tous les hommes.
Et tous les hommes me regardent.

J’ai commencé àfaire la bagarre.
Je prends les chaises et je menace et j’insulte et ma veste est déchirée et je demande au garçon :
« Donne-moi une bière sinon je te casse la figure.  »

Ce qui m’a surprise, c’est Madame Dominique qui calme Rimbaud et demande au garçon :
« Donnez-lui une bière, s’il vous plaît.  »

Juliette a écrit :

Dispute entre Paul Verlaine et Arthur Rimbaud

Autour d’une table, attablés avec des poètes maudits que nos compères appelaient « mauvais poètes  » ou « vilains bonhommes  » du Cercle zutique, avec un regard noir, de biais, les autres se demandent quand le suspense s’arrêtera.

Paul Verlaine était soi-disant malade et avait écrit une lettre de détresse àlaquelle Rimbaud a répondu. « Si Mathilde ne vient pas, je me suicide.  » Arthur était tellement affolé, il a pris le premier train pour Bruxelles. Il accourt aussitôt afin de le supplier de ne pas se donner la mort. Paul était alcoolique et Arthur était saoul aussi. Ils faisaient tout pour se rendre voyants le plus possible.

Mais Arthur s’est tu jusqu’àmaintenant, ayant pris soin que Verlaine termine son monologue lancé, une déclaration enflammée, et il ne veut pas le quitter.

Tout àcoup il décide de pousser des jurons en criant pour le provoquer. Ils se donnent en spectacle.
« Pseudo-écrivain ! Pseudo-poète !  »
Verlaine répond en l’insultant et en le menaçant :
« Rustre provincial ! Sale môme ! Tu vas voir de quel bois je me chauffe !
— Zut, ferme-la, tu vas payer !
— C’est ça ! Je vois que tu n’es pas capable de m’affronter, lâche !  »
Et Arthur le gifle en disant ça.
Il y a eu un bref silence des deux amants passionnés maudits.

Paul se bagarre avec Rimbaud qui en a vraiment assez de cette relation amour/haine avec Paul. Arthur réagit et agit en mettant un magnifique gauche, des coups de pied. Verlaine se défend en lui faisant un croche-pied et en battant avec toute la fougue et la violence qu’il a en lui.

Mais àla fin Paul tire sur Rimbaud deux coups de revolver dans son bras gauche et il sera tout de même conduit en urgence àl’hôpital.

C’est làque finit leur amitié particulière.

Ensuite il porte plainte contre Paul Verlaine.

Pendant deux ans Verlaine restera en prison en attendant la décision de la justice. Il sera sans doute reconnu coupable si Arthur continue dans cette voie.

Un mauvais Harlequin !

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Hacène a écrit :

Le café de Paris

Je suis parmi les consommateurs et j’ai vu un client se tenir dans l’encadrement de la porte. Il avait l’air d’avoir déjàpas mal consommé ailleurs. Il nous regarde méchamment et il nous regarde de travers et il commence ànous insulter et ensuite il y avait deux jeunes filles qui étaient au fond du café et qu’il n’avait pas vues.

Dès que ses yeux se sont posés sur ces jeunes filles, il leur propose un verre. Elles ont accepté de justesse mais Rimbaud n’avait pas vu qu’elles étaient accompagnées, et là, il se met en colère et il dit directement au barman que les verres il ne les paiera pas.
Il se dirige vers moi et il me dit qu’il m’a déjàvu.

J’étais sà»r qu’on ne s’était jamais vus mais comme il n’était pas aussi méchant que ça nous avons pris un verre ensemble et après, nous avons joué une partie de cartes.

Et là, nous sommes sortis du café.

Et là, nous avons échangé nos coordonnées.

Et là, le chemin nous a séparés en nous promettant de nous revoir.

C’était une très bonne rencontre.

Ce qui m’a surpris c’est de voir un garçon de dix-sept ans installé au bar avec une bière àla main et une cigarette dans l’autre main.

Delphine a écrit :

Le café de l’Univers

Je vois dans le café de l’Univers des gens qui parlent, qui fument, qui jouent. Soudainement un homme rentre et se tient sur le pas de la porte. C’est Rimbaud. Il commence àinsulter les gens qui boivent, il dit des méchantes phrases, parce qu’il déteste les gens comme ça. Il est contre l’alcool et le tabac. Les gens dans le café sont tous étonnés. Ils se demandent quoi. Ils sont tous choqués de sa présence.
Après, Rimbaud est reparti et il est venu vers moi.

Il m’a dit qu’il était méchant quand il voyait des gens dans le café qui boivent qui fument. Il est contre ça car il y a beaucoup de gens qui meurent dans le monde àcause de ça.
Après il m’a dit au revoir et il est parti.

Ce qui m’a surprise, c’est qu’il y avait un ange au milieu du café car un ange, c’est celui qui arrange tous les problèmes. Cet ange a aidé les gens et Rimbaud àrégler l’histoire, tout s’est arrangé.

Bibliographie : Ce stage de réinsertion sociale et professionnelle entre dans le double cadre de l’année Rimbaud (2004) et de la lutte contre l’illettrisme. Jusqu’àprésent la bibliographe a évoqué Rimbaud, elle va aujourd’hui donner quelques pistes de lecture concernant l’illettrisme :

Recensement nécessaire, tant le vocabulaire est confus, des définitions des mots « illettrisme  » et « analphabétisme  », bibliographie.

Sur le site de l’ANLCI (Agence nationale de lutte contre l’illettrisme), créée en octobre 2000, dossiers (en format PDF) : « Lutter ensemble contre l’illettrisme  » (cadre national de référence) et actes du Colloque de Lyon (novembre 2003) sur « L’évaluation des bas niveaux de compétence àl’écrit  ».

Sur le site de l’IUT de Marne-la-Vallée, liens et bibliographie.

Sur le site gouvernemental du Premier ministre Programme Insertion et lutte contre l’illettrisme (16.08.2004).

Dossier Illettrisme et Analphabétisme et bibliographie.

Informations sur le site en construction du Conseil général des Ardennes, àCharleville-Mézières.

On reviendra prochainement sur ces sujets dont l’évocation doit beaucoup àl’intérêt généreux et passionné que leur porte Annie Gilles, que je remercie ici.

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« Ã‰crire, c’est peut-être ce qui vous reste quand on est chassé du domaine de la parole donnée.  » (Jean Genet, Entretien avec Antoine Bourseiller, 1981, dans L’Ennemi déclaré.)

6 février 2005
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