lieux (suite)

Proposition : décrire un lieu que l’on a connu et que l’on n’a pas vu depuis longtemps.





C’est un petit café à la devanture rouge. Il s’appelle « chez Popol » et le patron est jeune, disons la quarantaine, moustachu et bavard. Trois tables sur le trottoir, dehors, accueillent au soleil ceux qui veulent accompagner leur café ou leur pastis d’une cigarette. Popol, le patron, est d’origine méditerranéenne. Il est souvent sur le pas de la porte, à tenir la jambe aux passants, ou un brin de causette avec les clients. Autour des fenêtres du café, il y a de jolis rideaux à carreaux jaunes, de tissu vichy comme on n’en fait plus. Il faut dire que c’est un bistrot un peu vieillot, que Popol a hérité de son Grand-père, et où venaient les ouvriers du quartier. Maintenant c’est un peu plus bobo, mais on y aime prendre un verre au bar où il y a de hauts tabourets et les quotidiens du jour.
Julie, sa fille, une jolie brunette de 17 ans, l’âge de Rimbaud, écrit de la poésie et déclame ses vers à qui veut bien l’écouter, durant les soirées d’été, sur la terrasse animée.
Le petit noir est à un euro, ce qui n’est pas cher. Parfois il y a de la musique, car Popol joue du violon à ses heures. Des pots de géraniums délimitent la terrasse, qui n’est pas grande, mais chauffée en hiver.

Anne


Au café des Délices
On pousse la porte.
Alors dès l’entrée ; une petite lumière comme en clair-obscur
Au café des Délices ; quand il pleut

Une lumière comme diffuse
On entend alors les bruits du bar.
Celui de la cuisine ;
Des hommes et femmes s’animent
Dans cet espace bruyant.

A la gauche ; il y a une table ronde
Et des chaises.
Le tout est en bois rustique.
Sur le bar, un vase à fleurs ;

Certaines femmes sont légèrement vêtues
Elles portent des bottes ;
Certaines clientes posent leurs sacs sur les nombreuses tables de la salle.

Elles posent aussi leurs écharpes
Leurs manteaux.

Elles portent des jupes plissées et des sous-pulls bordeaux

Puis elles disparaissent au fond de la salle ;

Au café des Délices ;
On entend des sonneries de téléphones ;

On peut aussi voir
Plus loin dans la salle de petits bancs
En rustique aussi.

Pour s’asseoir il y a des petits coussins rouges à fleurs ;

Denise ; une des plus anciennes cliente, va près de la table ronde ;
Et déballe ce qu’il y a dans son sac ;

Henri, lui aussi, fait partie des plus anciens clients ;

Denise et Henri
Sont les principaux clients du café ;

Henri est parfois très soûl
Tous les soirs !

Denise fait des va-et-vient tout en continuant de parler ;

Elle a de jolies choses sur elle.

Pourtant Denise a aussi ses gosses ;
Elle a l’accent parisien ;
On entend des bruits de toutes sortes.

Denise revient à table et
Dispose une coupe à fruits
Des oranges et des pommes ;

En passant près de la table
Elle allume la radio ;

Tout près, on entend une valse jouée
A l’accordéon et chante ;

Denise sert les clients elle époussette les tables ;

Un fond de musique
Au fond du café
Voilà qui met du bonheur dans le cœur de ces clients ;

Denise ; elle a la quarantaine.
Les cheveux roux flamboyants ;
Elle prend dans son sac une cigarette
Qu’elle allume
Et fume ;

Denise reçoit souvent des nouvelles de sa tante Léonie
Qui habite Le Havre et qui lui passe le bonjour.

Tante Léonie
Vient de rentrer de Marseille. Où elle a passé d’agréables jours ;

Ici c’est calme et on rigole bien, dit Henri.
En s’adressant à moi ;

Tante Léonie
Elle est contente
Que mes cours de sténodactylo marchent bien.

A propos, dit Denise
A Henri :
Dites à tante Léonie
Que je serai là pour sa noce.

Quant à moi, dit Denise
Je pense que je vais à Montpellier
Avec les copains cet été !

Saliha



Le Mont Saint-Michel

Nous nous rassemblons à la limite des genêts et de la plage. Le guide vient à notre rencontre. Après avoir palabré un moment, il prend les devants. Nous pouvons distinguer les endroits ou le sable est gorgé d’eau, car il brille. Le chemin passe là où le sable est sec. Mais le sable peut être mouvant quand même. Notre guide connaît le chemin par cœur. Touristes ou pas, il le parcourt tous les jours, car le chemin change. Nous avançons dans la baie. Le mont est encore loin. La marche prend deux heures ; la mer monte. D’abord, cela ne se voit pas. Et subitement, la mer est partout. Sauf devant nous, où une langue de sable nous mène au pied du mont. Nous arrivons.
Le reste de la visite m’a déçu : il y a plein de monde dans les rues du Mont Saint-Michel, on ne voit pas grand-chose. Heureusement, je me suis rattrapé le soir en visitant l’escalier de dentelle. La vue de la merveille et de la baie autour depuis son faîte est sublime.

Benoît



Pavés irréguliers qui font hésiter les pas. Vent d’hiver s’engouffrant dans la ruelle et portant avec lui cannelle, orange, girofle… un bain d’épices réchauffant les nez froids.
Hautes bâtisses, façades baroques, rouges, jaunes, ocres s’estompant dans la naissance du crépuscule. En face, suspendus entre les hauts murs, de gros pavés de glace, pleurant en silence dans la lumière dorée.
Goutte à goutte scintillant, rideau de larmes glacées entre les passants et la cathédrale en robe rouge, majestueuse au bout de la rue.
Elle semble régner sereine au-dessus de ce petit monde chuchotant dans la lumière tamisée, se laissant porter par les rondes odeurs de Noël, faisant claquer les talons sur les pavés, se laissant résonner au loin.

Au pied de la cathédrale, accroupie dans un recoin, à l’abri du froid et trop recroquevillée pour que les passants joyeux y prêtent attention, une vielle femme. Le dos courbé, un fichu de laine usée sur la tête, elle observe, les yeux brillants, cette foule calme glissant sur les pavés brillants d’hiver.
Appuyée contre les hauts murs de pierre rouge elle semble terriblement petite et fragile, sortant tout juste de l’ombre quand un faisceau de lumière dorée l’intercepte. Creusé par les années et les sourires, son visage scrute, concentré et serein, les passants, devinant leurs pensées, leurs vies au fil des pavés. Elle croise le regard d’une fillette, de grandes boucles blondes maladroitement prises dans un bonnet rouge. Elles se regardent, une seconde qui les réchauffe, un je ne sais quoi de douceur, vite effacé par d’autres silhouettes, d’autres pas…

Sophie



C’est une petite maison faite de parpaings et peinte en blanc, avec une porte, une fenêtre ou deux, un toit triangulaire et une chambre.
Une vraie maison comme un dessin d’enfant. D’un côté, une dalle en béton attend que s’y installe une terrasse en béton, dans le fond un grand barbecue, certainement en briques. Le barbecue a lui-même un petit toit et une cheminée. La porte de la façade est en bois et sur le mur à côté, une plaque en céramique dans les couleurs noir/vert brillants. C’est le nom de la maison : EL BERRETIN. Ça voudrait dire lieu de stockage d’armes, faisant référence à la résistance pendant la dictature uruguayenne...
Tout autour de la maison, du vague, du terrain vague fait de sable, d’herbes sèches, de troncs sur lesquels grimper, de pins et d’eucalyptus. Entre la route en graviers et la maison, un petit chemin permet de traverser le fossé entre les herbes folles. Dans ces herbes, des « abrojos », des boules pleines de piquants, petites comme des petits pois qui s’accrochent à tout ce qui bouge.
Certainement, quelque part à côté de la maison, une voiture garée, comment a-t-elle traversé le fossé ?
Des vélos d’enfants sont appuyés contre le mur de la maison. Un vieux bmx rouge. Traînent une serviette de plage, une chaise de jardin. Entre les eucalyptus, une tente igloo argentée, c’est là que dorment les adolescents.

Édeline



C’est une grande maison entourée d’un jardin. Derrière, vers la petite rue silencieuse, le potager abrite un cerisier, un poirier, des cassis, des groseilles à maquereau. Devant, vers la ville, on voit un grand noyer qui nous nourrit de noix toute l’année, étalées sur le plancher du grenier. Vers le potager, il y a les tables et le banc de jardin sous un saule pleureur. Le perron nous fait entrer dans le couloir carrelé, rouge et blanc. Là, la cuisine pleine d’ustensiles anciens, des cuivres dans lesquels sont en train de mijoter des gelées de mûres et de groseilles confectionnées par ma grand-mère. On entre dans la salle à manger avec ses chaises de bois et sa toile cirée râpée. Une baie vitrée la sépare du salon, lieu sacré utilisé pour les fêtes, où les fauteuils sont recouverts de tissus blancs. Au fond du couloir, c’est la pièce de la couturière et des enfants. C’est clair, la fenêtre donne sur le noyer à l’ample verdure. On y joue, on y petit déjeune d’ovomaltine et de kouglouf aux noix et aux raisins secs, spécialité alsacienne de mon grand-père.
L’entrée principale de la maison, sombre, austère, est apprêtée d’un miroir, de porte-manteaux d’un porte-parapluies et d’une cloche que mon grand-père fait tinter pour les repas. Là, à droite, la porte de la cave donne sur un obscur escalier où les enfants ne vont jamais. C’est un lieu qui fait un peu peur, qui recèle des mystères et qui nous inquiète. Seuls les adultes y descendent chercher des vins millésimés, des outils de bricolage ou des bocaux de conserves.
Montons au premier. Dans l’escalier, des vitraux modern style représentent des oiseaux aux plumages colorés, des végétaux très arrondis. Les couleurs, avec le soleil du dehors, se reflètent sur les marches luisantes de bois ciré. Les chambres sont grandes, les lits sont recouverts d’énormes édredons. Celle de mes grands-parents est presque tabou. Personne n’y entre. Elle est silencieuse et intemporelle : mes grands-parents n’ont pas d’âge. Dans la petite chambre claire où je dors avec ma sœur, la fenêtre donne sur le saule, où l’on voit la table de jardin et les dames qui y prennent une citronnade, l’été. Dans la chambre de mon frère, il y a une grande armoire qui recèle des trésors : des livres d’autrefois pour les enfants, où nous fouillons avec délices les pages cornées, les illustrations désuètes, les aventures d’une époque révolue.
Le lieu de jeu le plus passionnant se trouve au grenier : on y monte par une petite échelle, et là, sous les combles, une immense pièce pleine de coffres et de toiles d’araignées nous accueille pour des heures de découvertes, de rêves éveillés où nous inventons des histoires : nous déguisant des vieux tissus d’ancêtres, farfouillant dans des écrits du siècle de nos aïeuls, nous jouissons ici d’une totale liberté d’invention et d’aventures imaginées. Nous descendons rejoindre les adultes au jardin, vêtus de guipures dentelées, d’ombrelles colorées, fiers de nos découvertes, étonnant les parents qui nous permettent ces jeux dans l’autrefois de la maison.

Anne

2 juin 2015
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