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raînant sa carcasse de vieille femme indomptable, invaincue, irréductible, immuable, avec son éternel châle en grosse laine serré sur les épaules été comme hiver, paraissant de plus en plus petite, comme si, les années passant, elle n’était devenue ni plus vieille ni plus faible, mais seulement plus petite, de plus en plus courbée et de plus en plus indomptable, le corps tassé sur lui-même comme par une volonté d’économie, les os de sa figure semblant vouloir traverser sa peau, ayant passé sa vie àtrimer pis que bête, dans le froid ou sous un soleil de plomb, àsouffrir en silence, àmanger chichement et boire de même, obstinément fidèle aux vieux usages et aux souvenirs des souffrances passées, àencaisser les rebuffades du vieux toujours avec son éternelle clope roulée de gros gris (ces paquets de mauvais tabac enveloppés d’un grossier papier gris de marque CAPORAL qu’il envoyait parfois chercher chez le buraliste, sans oublier les feuilles àrouler JOB « non gommées  » comme il le précisait avec insistance àchaque fois, comme si les cigarettes grossières, ventrues, bosselées, àla mince enveloppe de papier imbibée de salive, teintées d’un brun jaune répugnant et roulées sans application ainsi obtenues étaient seules dignes d’être fumées) collée àla lèvre supérieure àforce d’y rester sans se consum



5 juillet 2011
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