réponses à 10 questions (J. Faerber, 2)

et voici la suite des réponses de Johan Faerber à mes 10 questions (les cinq premières sont à lire ici) ;

6. Quel mot relatif à la cuisine et à la nourriture (quelle que soit la langue) aimez-vous / détestez-vous / vous intrigue le plus ? Pourquoi ?

Garbure. Je trouve que ce mot est d’une laideur sans faille. Ça ne ressemble à rien. La sonorité est épouvantable et comme dit ma mère, ça fait pauvre, c’est atroce, c’est déprimant. Pas la peine de cuisiner longtemps pour avoir l’air d’un pauvre. Je ne sais même pas bien à quoi ça correspond. Je ne connais pas bien le sens. En fait, mon ignorance lexicale me convient tout à fait. Tout ça sent la France.

7. Un beau matin (ou soir, au choix) vous vous retrouvez transformé en repas… En quel plat vous êtes-vous transformé ? Pourquoi ?

Je serais transformé en quiche.
En quiche lorraine. Parce qu’en fait la culture française de la quiche me fascine assez. En Italie, on ne connaît pas ça du tout. Nous à la maison on ne mangeait pas de quiche. C’est une sorte d’absolu exotique, et d’exotisme avéré. Je me souviens surtout précisément quand je commençais à sortir dans les fêtes étudiantes dans ma prime jeunesse, toutes les filles disaient : pas de souci je te ramène une quiche. Et là, je les voyais débarquer avec des quiches dans des plats, avec la légère collerette du papier sulfurisé pour passer au four. Et elles savaient toutes en faire. Mêmes les garçons. Qu’elles soient en dissidence avec leur famille, la quiche, il faut savoir la faire : c’est un savoir bourgeois, l’essence et le résumé de la bourgeoisie de province. Ma sœur et moi achetions des pizzas surgelées, on savait pas faire ça. Mais un jour ma sœur est revenue à la maison en criant Victoire, je sais faire une quiche. Ce qui pour nous a été un événement sans précédent. Ma mère et ma grand-mère furent médusées. Personne ne s’en est jamais remis. On savait faire des quiches.
Du coup, j’adore les quiches. Et les tourtes, ça en revanche, ça me fait rêver.

8. Avec quel auteur (vivant ou mort, tous genres littéraires confondus) voudriez-vous dîner ? Et autour de quel plat ?

Alors si c’est un auteur mort, ce serait Proust, parce que Proust dînait avec une excellence totale : une sole et une pinte qu’il faisait chercher au Ritz. L’idée me plaît beaucoup.
Avec un auteur vivant, ce serait avec Tanguy Viel : quand on est au restau on prend toujours la même chose, un steak frites, des profiteroles, et une bouteille de Brouilly. C’est simple et efficace, et ça laisse le temps de parler.

9. Dans quelle langue voudriez-vous être traduit (ou êtes-vous heureux d’avoir été traduit) ? Pourquoi ?

Alors moi j’ai eu la chance d’avoir été traduit par Vila-Matas pour mon texte sur la Photo Minuit. C’est un peu une chance extraordinaire. De la même manière, j’ai su que Gus Van Sant s’était faire traduire un article que j’avais écrit sur lui et Last Days en particulier. Bon, hélas, je ne sais pas ce qu’il en a pensé mais la nouvelle m’a renversé !

10. Demain c’est la fin du monde – que voudriez-vous manger pour votre dernier repas ?

Alors j’aurais 4 plats en tête, et pas un seul, sinon ce serait trop déprimant : je voudrais les gnocchis de ma grand-mère une dernière fois, le risotto de Simona une dernière fois, le lapin sauce forestière de David et le boeuf bourguignon de ma maman. Ce serait un peu un film de Ferreri, mais ça me convient assez.
Merci à vous.

24 octobre 2011
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