De la syncope Emmanuel Laugier : Mémoire du mat Jean-Marie Barnaud : Vers la syncope Philippe Rahmy: le "je" et la joie |
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en accompagnement de l'entretien Jean-Luc Nancy / Emmanuel Laugier,
des extraits d'un poème inédit (autre
extrait publié dans le Matricule
des Anges), avec une étude de Jean-Marie Barnaud sur le récent volume
"Singularité du poème" qu'on dirigé chez Prétexte Lionel Destremeau et
Emmanuel Laugier, et un commentaire de Philippe Rahmy: au centre de tout
cela, la notion de syncope.... Jean-Marie Barnaud: Vers la syncope page Emmanuel Laugier sur remue.net |
Philippe Rahmy / Laugier : le « je » et la joie en écho à l’article de Jean-Marie Barnaud : « Laugier, vers la syncope juste » L’article de Jean-Marie Barnaud sur Laugier touche très exactement là où se joue la question de l’identité du verbe en tant que lieu et temps de partage comme de distanciation entre l’homme et le monde, en tant que vestige et promesse d’une vérité qui, bien qu’infiniment problématique et en raison de son irréductibilité, renvoie toutes nos facultés (jusqu’à l’expression de notre voix la plus intime) à leur fond de merveilleux. Je n’entends pas, par merveilleux, une échappée vers l’ailleurs, vers le hors-monde, mais un recours mesuré à cette part de raison qui combine, dans un mouvement alterné de parole et de silence, entrevision (au sens bonnefidien) de l’absolu et conscience de la finitude, une joie et une peur. On ne peut dire mieux ce rapport entre joie et peur lorsque la subjectivité se comprend à l’expérience de la traversée du « dehors » et que cette trajectoire, tendue entre surgissement et introspection, se donne en tant que rencontre problématique de notre intimité avec l’intimité du monde. Mais il y a aussi, dans ce rapport, quelque chose qui refuse de se laisser contraindre par l’esprit, cet esprit fût-il viscéralement opposé à toute tentative d’enfermement. Quelque chose se refuse à trancher, à détruire la subjectivité pour laisser béante la parole, à morceler le « je » comme on démembre un corps pour l’empêcher d’être trouvé, d’être vu, et à jeter au loin ses yeux pour l’empêcher de voir. Car le « je » est l’organe de la vision par excellence. C’est par le « je » que la vie échange avec nous sa lumière, qu’elle devient, à proprement parler, une extase. « L’extase n’est autre chose qu’une sortie, un dépassement de soi, […] une sortie hors de soi-même » (Valente). C’est pourquoi le « je » fait peur car avançant seul au devant de lui-même, il cherche sa mort pour ne garder que la joie. Se perdre pour la joie. « Je » veut sa part d’humanité, mais il ne vient rien prendre ; cette part, c’est sa vie qu’il vient donner. Le sacrifice du « je » annule l’obligation d’affronter, sinon de résoudre, la déchirure entre la compréhension et l’intelligible. Abolition du discours, le « je » ouvre chaque vie à l’expérience du poème. C’est pourquoi «je» fait peur car il est le nom de l’homme lorsqu’il risque la joie. Joie comme alternative à la souveraineté de la peur, joie qui disloque toute force, toute volonté, tout désir, joie qui elle-même se défaisant sur son centre, trouve la mesure de la parole au cœur du silence. C’est pourquoi «je» fait peur car il est le nom caché de la parole, car « je » appelle un dépouillement qui, révélant l’inanité de toute lutte de l’intelligence contre le verbe, permet l’individuation d’une parole rendue à sa simplicité et trouve, dans cette simplicité, mesure humaine à « l’ouvert ». « Je» peut alors être nommé vérité, ou « restance » positive (Laugier), en ce qu’il donne à l’indéfini dimension de parole, à l’infini profondeur de silence. Dans la peur de la subjectivité, comme dans celle de la mort, n’est réelle que la possibilité d’une joie, une fois apaisés le souci de l’abri comme le besoin de la course, une fois vaincue l’angoisse de parler. © 2003 - PhR |
Emmanuel
laugier / Mémoire
du mat (extrait) —————————————————— or ————————————————— pour Alain et si l'on ne sait jamais d'avance —————————————————— passera donc — aura conduit —————————————————— pour Antoine car certaines —————————————————— et
d'autres relèvent —————————————————— ainsi : —————————————————— n'existe
plus —————————————————— voilà bien
ce qui te suit —————————————————— tout
ce clong-clong vide —————————————————— c'est
la seule chose où la main —————————————————— car dehors tu te serais égaré ou —————————————————— là que monte et —————————————————— là que
se montre – ici —————————————————— pour M. CH la même chose des choses —————————————————— or
lamellé comme —————————————————— voilà la coupure —————————————————— montre-moi ce même —————————————————— là que tu commences —————————————————— même
si brille le blanc de la chaussure —————————————————— de
sorte que — —————————————————— ainsi
il y a carbone — —————————————————— ainsi
de même il aura dit —————————————————— c'est
pourquoi recommencer —————————————————— et
la page est rouge — oui — —————————————————— toujours
le même revient —————————————————— aussi
l'autre jour avait vu dans la tête —————————————————— étrange
somme —————————————————— vivre
dit très bas souvent |