Sismo·paragraphe [19 01]
Vous faites descendre les étoiles et les corps célestes sur terre pour des gens comme moi. Laissez-moi vous rappeler comment ça fonctionne. J’ai toujours aimé la lune et les étoiles et la Voie lactée, j’ai toujours voulu être une étoile, depuis toute petite, mais ça n’a pas vraiment marché, alors j’ai fait de la pâtisserie. Je suis aussi à la recherche des ouragans. À la saison des ouragans je n’ai plus de vie. S’il y a un ouragan j’y suis. On peut dire que vous êtes une chasseuse de tempête ? Oui, j’adore ça. J’imagine que l’heure et la distance sont importantes, non ? Je voudrais savoir : comment se positionner ? J’ai tout un répertoire de lieux. J’ai convaincu des gens qui possèdent une vue sur la ville de me laisser entrer chez eux, et donc je dois faire du porte-à-porte, c’est assez drôle. Je photographie à travers les clôtures, quand il y a des vents violents. Je suis nerveuse. Une semaine avant le jour J je ne peux plus dormir. J’ai peur que la terre tremble. D’un coup, c’était devenu clair, gigantesque et ça sortait de nulle part. J’ai cru que l’orage était fini mais il a recommencé, avec des éclairs comme des tentacules autour des immeubles. Je pense qu’il y a là aussi une histoire. Je chasse aussi les arcs-en-ciel. Je suis arrivée juste au bon moment. J’ai dû réfléchir très rapidement. Ayez une idée de ce que vous voulez transmettre, voilà le conseil que je peux vous donner. C’est difficile de parler de son travail sans parler de visions. Parce que les visions dominaient tout. Elle n’était pas hypocrite. Elle n’envoyait pas un message à caractère commercial. C’était une croyance sincère. Ce genre de croyance et de passion qui nous apporte une substance, que nous soyons d’accord ou non avec le message. Elle fabriquait des pancartes. Avec les mêmes couleurs que les livres d’images du dimanche. Elle travaillait de mémoire. Elle s’habillait complètement en blanc. Je ne l’ai jamais vu porter autre chose que du blanc, dans le froid et dans la chaleur. On ne voit plus beaucoup de femmes têtues, fortes, dans les rues, avec un message. On dit toujours que, pour faire quelque chose de compréhensible, il faut être investi soi-même et donner un morceau autobiographique de soi. Cela peut ressembler à une sagesse que nous adopterons un jour ou l’autre. Je vous promets que nous entrerons dans cette maison pleine de sons. Le lieu est singulier, parce qu’il y a beaucoup d’espace pour respirer, non ? Chaque conversation soigne, j’en suis convaincue. C’est le travail qui parle. Beaucoup de gens ne me croient pas, mais l’herbe ici était pleine de trèfles à quatre feuilles, vous devez comprendre qu’à son époque c’était une couverture de trèfles à quatre feuilles, rien que des trèfles à quatre feuilles. Elle sentait qu’il fallait nous avertir, elle pensait que le monde allait droit en enfer. À la fin elle n’utilisait pratiquement plus que l’alphabet. Il y a une merveilleuse citation d’elle dont je ne me souviens pas mot pour mot. Voilà, nous sommes ici dans sa dernière demeure. Une clôture piquetée entoure ce qu’on appelle le champ du potier, ce n’est pas la partie 1ère classe du cimetière. C’est là qu’on enterre ceux qui n’ont pas les moyens. On a fait venir un orchestre de jazz sur sa tombe, elle le méritait. On fait des promesses, on offre des récompenses. Mais les gens qui arrivent sont déboussolés, perdus. On leur apprend la langue pour qu’ils puissent obéir aux ordres. Tous les clichés qui passent alimentent les mythes. C’est d’une violence extrême. Nous devons être prudents. Il n’y a pas de retour possible, et peut-être pas non plus de réponses. Si je te dis que je ne sais rien, est-ce que tu me crois ? Je dors très mal. Je lui ai dit que j’avais fini d’écrire le livre, j’ai menti. Elle a dit « Oh c’est très intéressant, racontez-moi », et le livre s’est écrit ce jour-là, en lui parlant. Ensuite, je n’ai plus eu qu’à recopier. C’était ce dont j’avais besoin. C’est logique, tellement logique, la place des autres, le besoin des autres, nous sommes des animaux sociaux qui ne peuvent pas se passer de l’autre. Regarde, on dirait une masse de pierre. Elle pourrait foncer sur nous, mais non, elle ne le fera pas. Il y a certains moments où la confiance suffit.
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mode d’emploi d’un sismo·paragraphe