Nig le chien [1 & 2]

13b Nig le chien [Éric Darsan]

Que l’on ne me parle pas du chat à neuf queues, du chat à neuf vies :
homme libre réduit en esclavage, cette seule vie de chien m’eût suffit.
Chassé de la maison et de ce bas monde
avec Benjamin Pantier — ce cynique ! 13
Condamné à partager avec lui l’arrière-salle de son bureau
puis l’étroitesse de cette tombe — par une femme aigrie ! 14
Au point de ne plus distinguer
qui de lui était moi
et qui de moi était lui — moi qui lui soufflais ses adages, lui qui exhalait son whisky !
Ô Pauvre Nig ! Pauvre lui ! Pauvre moi !
Chien nègre mort à l’attache, âme sœur,
étranglé dans son sommeil par son maître aviné — ses mains comme un collet,
mes yeux injectés de sang — Canis canem edit et spiritu sancti !
Le regard pour seule voix, le silence pour seule vie,
vie de chien — battue dont je serais la proie !
Le mythe de l’individu et tout ça — des conneries !
Un jour quelqu’un de clairvoyant écrira
combien parfois il pouvait être gênant
que le chien de trois heures quatorze (vu de profil)
eût le même nom
que le chien de trois heures un quart (vu de face).
Et il me rendra grâce de le lui avoir soufflé.



13b Nig le chien [Anne Mulpas]

Il est des hommes comme des chiens
— leur naissance scelle leur sort.
L’un connaîtra niche soyeuse et capitonnée,
s’oubliera dans l’Illusion dorée.
L’autre n’aura pour seul refuge
que sa • triste vérité.
Ci-gît Nig le chien, son maître repose avec lui.13
Patte fidèle dans le pas du repli, il fut
témoin et confident
de chaque défaite, chaque heure d’abandon.
Il fut ce que l’on attendait de lui, compagnon et ami.
Ne t’y trompe pas,
nulle plainte, nul regret de ma part, voyageur !
Il est des chiens comme de trop peu d’hommes
— le reproche leur est étranger.



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1er mars 2017
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