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Mâkhi Xenakis modèle des formes et des mots

 
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Renaud Donnedieu de Vabre, ministre de la culture et de la communication, s’est déplacé lui-même, mardi 31 août, jusqu’à l’exposition de Mâkhi Xenakis, qui se tient en ce moment dans l’enceinte d’un grand hôpital parisien du 13e arrondissement.

Titre de la manifestation : “ Les folles d’enfer de la Salpêtrière ”, un ensemble de 260 sculptures en ciment présentées dans la chapelle Saint-Louis de ce bâtiment construit sous le règne de Louis XIV afin d’y rassembler, interner, contraindre, briser, dissimuler femmes, mendiantes, folles, criminelles, orphelines, filles de joie, sorcières, homosexuelles, juives, épileptiques, aveugles, adultérines… dont la société ne pouvait supporter la simple vue.

Mâkhi Xenakis, fille du célèbre compositeur de musique et de la romancière Françoise Xenakis, s’est lancée dans la littérature et dans la sculpture car, pour elle, l’une et l’autre offrent un point commun : le plaisir de modeler des formes et des mots.

Son dernier livre, “ Les folles d’enfer de la Salpêtrière ” (Actes Sud, août 2004), est le récit implacable d’une plongée en apnée littéraire dans ce cloaque psychiatrique :
“ il y a aussi les folles tranquilles parquées dans des cours
attachées à des bancs de pierre
l’observateur de police dit qu’il y en a qui ont vécu là
trente ans exposées jour et nuit été comme hiver
et qu’à la folie près elles n’avaient aucune infirmité ”


Les statues, rouges, oranges ou blanches, représentées par l’artiste sont ainsi les images capturées à rebours du temps, photos en relief rugueux, de toutes les femmes qui ont dû subir l’enfermement carcéral (dit paradoxalement “ hospitalier ”), jusqu’à ce que la psychiatrie cherche et trouve certaines voies de la réinsertion sociale, voire de la guérison individuelle.

Frappant ce groupe de silhouettes concrètes comme venues d’ailleurs, serré sous la voûte immense de la chapelle Saint-Louis, une lumière pâle transperce les vitraux. L’environnement sonore psalmodie les noms des captives, la liste des condamnations, les dates de décès…

Du 11 septembre au 30 octobre, les statues seront autorisées à aller gambader sur les pelouses devant les quelques malades qui prennent l’air doux de ce début matinal de septembre.

Car dehors, le parc immense, où des jets d’eau jouent à se mirer dans le soleil, est désormais paisible. Nul cri d’hystérie, aucun hurlement de souffrance : tout est en ordre. Un passé révolu ?

Devant la Salpêtrière, le médecin Philippe Pinel (1745-1826) donne asile, imperturbablement, à un pigeon sur sa tête. Mais il surveille aussi en permanence le métro aérien : et si une “ folle ”, un jour, tirait la sonnette d’alarme juste en passant devant lui ?

D.H., 2 septembre 2004.

Au-delà des chaînes
http://www.actes-sud.fr/
http://www.iannis-xenakis.org/
http://www.ch-charcot56.fr/histoire/biograph/pinel.htm