Joël Brisse | La femme suspendue

Regarde où tu vois, on dirait une aviatrice. Elle te dévisage ouvertement, tu ignores sur quel pied danser. Tu lèves le nez à tout hasard. Charivari des échelles. Tu ne sais sous quel angle te mesurer à un personnage en robe rouge, une branche de rosier, une arme à feu. Sur la taille, évite de te planter. Procède ainsi : évalue la distance à hauteur des yeux, combien de pas entre elles et toi. Mais oui, il te faut quitter le niveau de référence – air, ciel, terre – et te placer à leur perpendiculaire. Un exercice de voltige - vais-je tomber du haut ou du bas dans les figures peintes ? Des ombres passent entre tes cils, deux silhouettes noires, de dos, face à toute une nudité sans bras – clown peut-être. Celle-ci me dit-elle, l’aviatrice sous la fleur coupée à longue tige, et celle-là, derrière les trois chiens morts éparpillés sur la nappe rouge, qu’y a-t-il d’elles que tu ne voyais pas et que rassemblent leurs présences ? Instants de suspension dans les postures gauches. Femme en chignon qui se tient au pilier pour ne pas glisser. Gâteau d’anniversaire, mur des gris, jardin des verts. Les surfaces traversent les couleurs à longueur de temps. Petite fantôme en veille dans une chambre aux rideaux blancs. Robe fleurie, robe blanche, corsage bleu. L’une se profile, l’autre se penche. Pieds nus, pieds chaussés sur le sol vertical. L’une flotte, l’autre rêve. Approche, approche. Elles attendent quelque chose aussi bien que rien, approche-toi encore.