L’Eau et les Rêves, Bachelard, 8


 L’eau est la maîtresse du langage fluide, du langage sans heurts : une poésie "qui coule de source". On parle dans la langue de consonnes liquides. Les poètes associent l’harmonica à la rivière. "A" est la voyelle de l’eau : aqua, apa, wasser. Phonème de la création par l’eau. Matière première. Lettre initiale. Lettre du repos d’âme dans la mystique tibétaine.

 Beaucoup de légendes évoquent des cloches englouties qui continuent de sonner. Les gargouilles gargouillent. La rivière chante. La mer mugit. Le chant des merles évoque l’eau : est-il inspiré par l’eau ? La rivière a-t-elle appris aux oiseaux à chanter et aux hommes à parler ?

 Venez, ô mes amis, dans le clair matin, chanter les voyelles du ruisseau ! Où est notre première souffrance ? Celle que nous avons hésité à dire... Elle est née dans les heures où nous avons entassé en nous des choses tues. Le ruisseau vous apprendra à parler quand même, malgré les peines et les souvenirs, il vous apprendra l’énergie par le poème. Il vous redira, à chaque instant, quelque beau mot tout rond qui roule sur des pierres.

4 septembre 2010
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