Mon cul sur la commode de Delfeil de Ton (vidéo)

LES EFFETS DE LA PUBLICITÉ

On était en avril. En 2013, si je me souviens bien. Un samedi, sûrement. (Je travaillais les autres jours de la semaine.) Sur la porte d’une librairie parisienne était annoncée une rencontre avec un gars qui venait de sortir un livre, Mon cul sur la commode. J’étais entré. Je n’avais a priori pas l’intention d’acheter ce livre, mais ça ne coûtait rien de regarder. L’auteur riait à côté d’un barbu. Une dame lisait des extraits. C’était drôle. Et bien écrit. Le barbu et l’auteur étaient sympathiques. On pouvait boire à l’œil. Le public applaudissait. Il y avait des scènes cochonnes. On voyait les genoux de la dame. J’étais séduit. Mon cul sur la commode, de Delfeil de Ton, je me souviens du nom maintenant. Pacôme Thiellement, le barbu. Le Monte-en-l’air, la librairie. Wombat, l’éditeur, ça me revient en mémoire. Un petit livre à couverture blanche, avec un bandeau "porno chic". Ça n’arrêtait pas de baiser sur une commode.

La publicité suscite des réflexes d’achat compulsif. Ce samedi, j’étais descendu dans la rue pour me promener, et voilà que mon portefeuille me démangeait. Le désir de posséder, même l’inutile, juste pour accumuler. Victime de la société de consommation, je ne luttais pas. Je quittais la librairie. Direction Ikea. J’achetais une commode.
Bernard Joubert


Dans le cadre de sa résidence SATAN TRISMEGISTE au Monte-en-l’air, Pacôme Thiellement a accueilli Delfeil de Ton, vendredi 5 avril, pour une soirée consacrée à la sortie de son roman aux Nouvelles Éditions Wombat : Mon cul sur la commode. La soirée était ouverte par une lecture dudit roman par Lætitia Dosch.

Mon cul sur la commode : ce livre, commencé en 1975, terminé en 2012, longuement mûri, comme on voit, est né d’une circonstance : un grand hebdomadaire, à grand renfort publicitaire, se lança dans la publication en feuilleton du roman érotique le plus célèbre du vingtième siècle. Il s’agissait de L’Express, dont la cofondatrice occupait alors la toute nouvelle fonction de secrétaire d’État à la Condition féminine, et il s’agissait d’Histoire d’O. Justifier cette opération commerciale, de la part d’un journal qui s’était fait le champion des luttes féminines, n’était pas chose simple : il lui fallut se livrer à des contorsions intellectuelles du plus fort calibre, en matière d’hypocrisie morale, pour associer ainsi, dans un même mouvement, « bonheur dans l’esclavage » et « libération de la femme ».

Le journal Hara-Kiri, qui se proclamait sans honte, lui, « bête et méchant », ne pouvait laisser passer le cynisme d’un pareil coup éditorial sans en faire son miel et publia aussitôt une charge, sous le nom de « Mon cul sur la commode », à la fois parodie d’Histoire d’O et célébration outrée des nouveaux (et nouvelles) thuriféraires d’un sadomasochisme dont le grand public, jusque-là, avait ignoré les vertus libertaires. Christian Bourgois, de son côté, en donna une édition à tirage limité.

Quatre décennies avaient passé. Il apparaissait que Mon cul sur la commode n’avait rien perdu de sa drôlerie ni de sa pertinence, et Delfeil de Ton, à l’instar de Pauline Réage avec « Retour à Roissy », n’avait plus qu’à en écrire la suite et fin inédite, c’est « Retour à Passy ».

Delfeil de Ton
Delfeil de Ton entre à Hara-Kiri en 1967. Il restera fidèle au journal jusqu’à sa disparition en 1986. Cofondateur de Charlie Hebdo en 1970, il le quittera cinq ans plus tard pour Le Nouvel Observateur où il signe toujours ses « Lundis de DDT » dont un premier recueil (1975-1977) est paru à L’Apocalypse en 2012. Il a également participé à L’Autre Journal, Siné Hebdo et collabore aujourd’hui à L’Impossible.

Lætitia Dosch
Actrice de théâtre et de cinéma, Lætitia Dosch est la co-auteur, avec Anne Steffens, d’un one-woman show hallucinant et glacé, à mi-chemin de Zouc et d’Andy Kaufman, Lætitia fait péter Ardanthé. Elle a joué dans les spectacles dansés de Marco Berrettini (Iffel) et de La Ribot (Paradistinguidas), a reçu le prix d’interprétation au festival Côté Court pour Vilaine Fille, Mauvais Garçon de Justine Triet en 2011 et joue le premier rôle dans La Bataille de Solférino, long métrage de la même réalisatrice qui sort cette année.

Librairie Galerie Le Monte-en-l’air

71, rue de Ménilmontant / 2, rue de la Mare, 75020 Paris

Tél. : 01 40 33 04 54 , Contact : lemontenlair(@)free.fr

Métro Ménilmontant, Bus 96

11 avril 2013
T T+