La poésie, pour apprendre à vivre |
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"Et plus vaste en avant de moi..." |
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Peser
de tout son poids sur le mot le plus faible pour
qu'il s'ouvre et livre son ciel Le dossier constitué par remue.net en hommage à André du Bouchet, donne l'occasion de revenir sur l'intitulé de ces chroniques « Comment la poésie nous apprend à vivre ». Ce "générique" retenu par François Bon, dès la seconde de ces chroniques -voir le post-scriptum , je ne l'ai jamais démenti, tout en étant conscient des ambiguïtés qu'il pouvait éventuellement charrier -il n'est bien sûr, pas question d'administrer de leçons, mais d'en recevoir du poème ou de l'écriture poétique. Précisons le sous-titre : Ouverture d'une parenthèse
sur les questions posées et les
réponses données dans Et ( la nuit
d'André du Bouchet Il s'agit d'une contribution d'Elke de Rijcke qui dirigera le colloque altérités de la poésie l'été prochain - au collectif de la Rivière échappée 8-9, 1997 animée par François Rannou. Pour faire bref il s'agit d'une lecture que l'on dira politique du poème d'André du Bouchet tel qu'il s'inscrit dans le recueil Qui n'est pas tourné vers nous publié en 1972 au Mercure de France . On peut dire que la figure d'Alberto Giacometti y occupe une place privilégiée et cela n'est pas indifférent pour saisir (ou plutôt se laisser saisir par) la manière du poète. Spectres de Marx (Galilée, 1993) de Jacques Derrida constitue la grille de lecture essentielle adoptée par Elke de Ricjke, une approche de «cet autre qui hante notre langage et qui nous hante comme un spectre [et qui], est désigné dans Et (la nuit par le terme de cela. » Clément Layet à qui
on doit un récent et lumineux « Poètes d'aujourd'hui
» chez Seghers
s'attarde volontiers sur une note développant cet aspect (nous
y renvoyons), dans son étude de «Poussière sculptée
» la version 1998 pourrions-nous dire de Et (la nuit (in
l'Ajour, Poésie/Gallimard). Il ajoute ceci, à quoi
nous tenons :
« Tout en partageant sans réserve cette interprétation, il ne faudrait pas surinterpréter un texte qui [...] ne dit jamais, au moins explicitement, quoi faire ou comment se comporter. André du Bouchet ne professe rien. Il place simplement le niveau d'exigence au plus haut. Au travers de ce qui est dit, cela ---- qui doit se faire
jour, Ceci nous permet également
de signaler à l'attention le travail de Clément Layet. Dans
la collection « Poètes d'aujourd'hui » était
déjà paru en 1979 un « André du Bouchet»
sous la plume de Pierre Chappuis (Son essai reparaît aujourd'hui
chez José
Corti , avec un autre consacré à Michel Leiris,
mais sans le choix de textes auquel il servait d'introduction).
Clément Layet a repris à
nouveaux frais - et avec le parrainage de Pierre Chappuis- l'introduction
à André du Bouchet au travers de cinq études très
convaincantes et d'une anthologie qui en fait aussi une lecture personnelle
en quatre parties : les poèmes et proses; les traductions, les
textes sur la peinture, les textes sur la poésie.
Alors étudiant en philosophie,
Clément Layet a rencontré André du Bouchet dont il
confrontait les écrits avec la pensée d'Heidegger. On doit
à l'amitié qui s'en est ensuivie ce remarquable essai, à
faire figurer dans toutes les bibliothèques de lycée, les
BU et autres lieux de la lecture publique !
Une note de cet ouvrage (2, p 240)
attirait l'attention sur André du Bouchet lecteur de Hugo :
« Sa lecture est précise,
son écriture, très affirmée. Il suffit de lire à
ce titre l'anthologie qu'il propose des textes de Victor Hugo, en 1956
chez GLM :
L'Oeil égaré dans les plis de l'obéissance au vent.
Du Bouchet isole des paragraphes, des phrases, voire quelques mots des
poèmes et romans, puis compose à partir d'eux un recueil
inédit, susceptible de renverser toute lecture antérieure
de l'uvre de Hugo. Les éditions Seghers viennent de rééditer
ce recueil , suivi d'un article, L'Infini
et l'inachevé, publié en novembre 1951 dans le n°
54 de la revue Critique, ou du Bouchet élabore les principes de
son approche.
Cela est parfaitement juste à quoi il faut ajouter la postface d'Yves Peyré, dont on sait qu'il a souventes fois accueilli des poèmes d'André du Bouchet, dans sa revue l'Ire des Vents, et auquel il a consacré un essai de très haute tenue : A hauteur d'oubli (Galilée, 1999). Le petit livre édité
chez Seghers (on regrettera son prix pour un quasi poche) particulièrement
probant est sans doute susceptible de lectures dans un ordre différent
de ce qui nous est proposé. Ce qui tendrait à démontrer
si besoin était que lire c'est aussi se lire, tout en sachant que
« telle doit être notre lecture, de reprise en reprise libre
sans cesser d'être rigoureuse, vigilante, à son tour refusant,
face à l'inconnu, tout encadrement, soucieuse seulement, dans le
silence intérieur, de servir d'écho à cette voix
dont nous attendons qu'elle continue de nous accompagner » ainsi
que l'exprime Pierre Chappuis, en avril 2001 en postface à la réédition
de l'essai de 1979.
Ces reprises, on les retrouvera dans
trois notes de lecture de Tracés
d'incertitude du même auteur qui mettent comme un point d'orgue
à cet essai :
- La parole en avant d'elle-même (à propos de Qui n'est pas tourné vers nous) - L'instant irréductible (Rapides,
Défets, les Hauts de Bühl)
- Réitération dynamique
(Peinture, Ici en deux, Une tache, Axiales)
Si c'est à la lecture des essais récents que l'on conviera en priorité, l'on n'omettra pas de signaler un entretien d'Antoine Emaz avec Emmanuel Laugier dans le Matricule des Anges à l'occasion de la parution de Ras où l'auteur de C'est nous indique sa dette envers son aîné. On n'aurait garde d'oublier le numéro 96 de la revue Po&sie (2°trim. 2001) qui comporte des hommages à André du Bouchet, mais aussi celui qu'il avait réalisé pour son ami Louis-René des Forêts. (homme enfant rien) Enfin ceux qui aiment à conjoindre
espace
du poème et espace de la peinture pourront parcourir
le catalogue de l'exposition de Toulon (Hôtel des arts nov 2002-janv
2003). Ils y trouveront outre les peintres aimés des pages des
carnets manuscrits et aussi l'état des derniers poèmes écrits
(composés ?) à Paris et à Truinas.
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