ateliers d'écriture : l'écriture d'invention et l'enseignement

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deux textes fondamentaux d'Anne Roche :

une intervention devant les conseillers pédagogiques de l'IUFM d'Aix-en-Provence, décembre 2000

ce sont des notes de préparation, style télégraphique, mais qui témoignent au plus près de la construction de démarche d'Anne Roche...

faire écrire

compte-rendu d'un stage à Hell-Bourg (La Réunion), en 1990, au jour le jour, avec exemples de textes, la démarche d'Anne Roche pour enseigner l'atelier d'écriture

Ateliers d'écriture et enseignement du français
1 décembre 2000
Intervention devant les conseillers pédagogiques de l'IUFM d'Aix-en-Provence

Introduction

Un paradoxe : une pratique longtemps "maudite", plus ou moins clandestine
et brusquement, au B.O. du 17 mai 1990, création (sic), à côté des différents ateliers de pratique artistique, d'ateliers d'écriture
cela en collège (on y reviendra)
Puis, il est subitement question d'en faire une épreuve au bac. On me dit : tu dois être contente, c'est le triomphe de tes idées... Ouais, peut-être. Faut voir.
Beaucoup de choses à inventer, ou plutôt, frayer des chemins dans ce qui existe et qui est peut-être trop touffu : toutes proportions gardées, situation où j'étais il y a trente ans quand rien n'existait. Aujourd'hui, il y a des procédures, des expériences (je parlerai de la mienne et de quelques autres), mais :
- situation d'imposition, non de choix, tant pour les profs que pour les élèves
- trop de possibilités contradictoires, entre lesquelles comment se repérer
- des objections, des inquiétudes : que devient l'enseignement du français ?

I. Que proposent les manuels ?

Par rapport aux derniers manuels que j'ai pu avoir en mains (...), bonne surprise : place faite à l'écriture dite créative, ou d'invention.
Français de 2e et 1e de Belin (Denizot, Gascon, Venderkelen, dir. Laborde-Milaa) 2000
Une partie consacrée à l'écriture créative :
- construire : lecture d'un ensemble de textes sur la guerre de 1914 (poème d'Apollinaire, proses d'Erich-Maria Remarque, de Céline, BD de Tardi, témoignage tiré de Paroles de poilus) : lire, évaluer selon le "choc" provoqué par la lecture, rédiger :
- le discours de 11 novembre du maire
- le récit d'une grand'mère à son petit-fils
- un pamphlet
- un poème
- réécrire : travail sur les genres, proposition : varier les registres. Ex. de l'épopée à la parodie / à partir d'un même fait, changer le point de vue (focalisation interne ou narrateur omniscient), rédiger sous forme de scène de théâtre, de synopsis de film, de brève dans un journal.
- analyser un genre : la nouvelle
lectures, analyse des marques du discours (le temps, le point de vue, le dialogue, les narrateurs...), des titres, des registres (le fantastique...) ;
la notion de recueil
analyser des règlements de concours d'écriture, pour en déceler les présupposés, repérer les contraintes, voir comment y répondre
à partir de l'analyse , mais en y revenant constamment , proposer des réécritures : ex. changement de personne grammaticale et ses effets
- écrire une nouvelle :
à partir d'un même fait-divers, trois auteurs ont écrit trois nouvelles différentes. L'élève en fait une comparaison et écrit le synopsis du fait divers, puis le début de sa propre version
Un début, une fin : écrire le milieu
Ecrire à partir de titres, de quatrième de couvertureLes nouvelles pratiques du français, 2e (Hatier, C.Eterstein et A.Lesot)(2000)
ne comporte apparemment pas de partie sur l'écriture créative. Mais chaque chapitre comporte une "invitation à l'écriture d'invention ou d'argumentation".
ex. réécrire un passage de Vendredi ou les limbes du Pacifique (après avoir comparé avec la version Jeunesse) sous forme d'un journal intime de Robinson.
réécrire la rencontre de Mme de Clèves et de M.de Nemours dans le style de la presse people (!) : ceci me paraît un contresens absolu. Il ne s'agit pas de faire croire à l'élève que les personnages des romans sont "comme nous" ou "comme ce qu'on peut lire dans les journaux" : il s'agit, tout en lui permettant de mesurer la distance linguistique, historique, etc. qui nous sépare, de l'aider à la franchir (?) (optimiste !)
pasticher un procédé :
ex. Prévert, "Un hussard de la farce avec un dindon de la mort..."
A partir d'images :
- rédiger un texte à partir d'une photographie, d'une bande dessinée, d'un calligramme, inventer le synopsis d'un film
Le marché du livre
L'édition, les prix littéraires, les incitations à la lecture...
rédiger une critique littéraire positive ou négative, une quatrième de couverture
Les niveaux de langue :
transposer en langage moderne un dialogue de Manon Lescaut
transposer en langage soutenu un extrait d'Emile Ajar
Travail sur les genres, sur les temps, les points de vue (focalisations), les modes narratifs, etc.
Ce second livre me paraît bien au point de vue analytique, mais les exercices proposés sont souvent trop "larges": le professeur doit préciser les consignes, voire donner des contraintes supplémentaires, s'il veut obtenir un résultat ( et pouvoir l'évaluer ).

Ces manuels supposent peut-être le problème résolu :
Or, l'écriture est bien acceptée dans le primaire, voire en collège ;
à l'Université, elle fait certes l'objet de débats (...), mais elle existe, à la fois comme formation personnelle et comme formation "professionnelle" (A l'Université d'Aix, depuis cinq ans, le Diplôme d'Université de formation d'animateurs d'atelier d'écriture). Entre les deux, le lycée, où apparemment l'écriture fait problème.
On pourra envisager plus loin le type d'objections
(Note d'avril 2001 : dans la discussion, on a analysé et commenté des textes trouvés sur Internet, qui recoupent l'actuelle pétition parue dans Le Monde )

II. Compte rendus d'expériences

1. "Lire, écrire avec les écrivains" sous la direction de Christian Poslaniec (1994) : tentative pour évaluer ce que l'intervention des écrivains dans les classes (du primaire et de collège) apporte.

"Ces compétences peuvent-elles faire l'objet d'une formalisation qui les réunirait en un système cohérent ? La maîtrise de ce système cohérent éventuel peut-elle aider des enfants à mieux maîtriser les difficultés de la lecture et de l'écriture ? Si ce système cohérent existe, est-il enseignable ?"
Parmi les propositions théoriques :
notion de dialogisme (Bakhtine) : désignant "le fonctionnement interne des oeuvres littéraires qui, au lieu d'évacuer au nom des normes et des règles décrétées par une institution littéraire le bruissement contradictoire de la parole vivante, intègre comme facteur de structuration formelle la dialogisation intérieure caractéristique de l'échange oral. Ces formes, dont le roman est, dans la littérature occidentale, la manifestation moderne la plus élaborée, naissent aux époques où s'épanouit le plurilinguisme social, quand une société sait s'interroger sur sa diversité et en jouir." Ex. analysé : Le Vieux qui lisait des romans d'amour (Martine Burgos p.33)
Un groupe de l'INRP analyse de façon critique les consignes données à l'élève : ex. lire p.55 et montre leur insuffisance. Ce qui renvoie au désir d'écrire (dont on parlera plus loin)

2. Interventions d'écrivains à l'IUFM de Lyon

"Le maître et l'écrivain", J.Luc Bayard
(bulletin de la Maison des Ecrivains, 4e trim.2000)

3. Aperçus de ma propre expérience

Rappel rapide des origines :
cf. "Hell-Bourg", compte-rendu d'expérience d'un stage fait en 1990 à La Réunion auprès d'un public d'étudiants de lettres
Autres publics, notamment en formation permanente : femmes en stage de remise à niveau, ouvriers de la réparation navale en pré-retraite , techniciens du nucléaire (Cadarache)...
3.2. Cristallisations de nos expériences de groupe :
3.2.1. Le manuel "Atelier d'écriture" :
les auteurs, les sources, la progression
Ce qui nous distingue
3.2.2. Le D.U. "formation d'animateurs en ateliers d'écriture"
créé en 1995 à la Cité du Livre d'Aix-en-Provence
Co-financement par l'Université et la Cité du Livre (municipalité)
3.2.3. Le travail en maîtrise :
le travail en maîtrise (4e année d'Université)
cf. mon article "Ecrire en je à l'Université", in Cahiers pédagogiques, "Lire et écrire à la première personne", n°363, avril 1998
un lieu clef de la formation
qui ne désadapte pas par rapport aux concours : de bons étudiants de maîtrise ayant écrit un roman (!) ont réussi l'année suivante au CAPES, voire à l'agreg
III. Susciter l'envie d'écrire
Préalable : que le prof en ait envie. S'il le fait en traînant les pieds, parce que ça fait partie, même marginalement, du programme, ça risque de ne pas fonctionner.
Par rapport aux autres ateliers d'écriture (citer le stage des pré-retraités de la réparation navale, qui avaient choisi un stage de plomberie, mais il n'y avait plus de place...) : on peut toujours susciter le plaisir d'écrire, même s'il n'y avait pas de désir au départ
Or, il y a un public qui n'a pas forcément envie de s'exprimer, et surtout pas de lire ou d'écrire, un public qui n'est pas en prison mais qui est "captif" en un autre sens, celui des écoliers, des collégiens, et des lycéens.
Objection possible du prof : on n'est pas là pour s'amuser, mais pour travailler, et pour remplir le programme.
Discussion : voir les objections du texte sur Internet et tâcher d'y répondre
Le lien avec la littérature :
Cf. François Bon, Tous les mots sont adultes (Fayard 2000)
dialectique lecture-écriture

Post-scriptum

Réécrire :
cf. colloque organisé par la BM de Marseille en 1997
difficultés que cela présente :
distinguer en situation extra-scolaire et en situation scolaire :
extra-scolaire :
pour celui qui a écrit : redoute les retours sur son texte, autres que positifs et encourageants (cf. anecdote d'Elisabeth Bing et de son institutrice sur "une certaine odeur de lessive"). Plus : satisfait de ce qu'il a écrit, ou considérant que ça correspond à un moment de son vécu (cf. expérience de Karine Feng à la maison d'arrêt de Luynes, refus de la réécriture).
pour l'animateur, refus de la sanction et de l'évaluation propre au système scolaire, crainte de déstabiliser la motivation du scripteur
scolaire :
même chose pour celui qui a écrit, plus la question de la rentabilité (note)
pour l'enseignant : il ne sait pas très bien quoi évaluer et comment
surtout, il manque de méthode pour faire réécrire.
(On n'a jamais demandé à l'enseignant d'évaluer les oeuvres de Balzac ou de Proust : il peut les aimer ou non, se sentir plus ou moins à l'aise pour les faire apprécier de ses élèves, mais son jugement est en quelque sorte entre parenthèses. Conseiller la lecture de Pierre Bayard, Comment améliorer les oeuvres ratées (Minuit 2000) : il s'en prend à des écrivains consacrés (Voltaire, Chateaubriand, Duras...), analyse pourquoi certaines de leurs oeuvres sont "ratées", et les "améliore"... Cela aiderait peut-être à avancer dans la question de l'évaluation ???)(Sauf qu'à mon avis le texte de Bayard est lui-même discutable, entre autres par le choix du corpus, mais ceci estune autre histoire).
Le prof est parfaitement capable d'utiliser, sur un texte d'élève, les outils d'analyse avec lesquels il aborde Apollinaire, Cendrars ou Diderot.
Manque de recul critique :
la "psycholexie" (Ricardou)
pistes et modèles : Perec, Nabokov (au contraire, Camus, le personnage de La Peste qui écrit tout le temps la même phrase avec une variante infime, dont l'une absurde : la "noire jument alezane")(mais à la limite, il n'a pas tort : "alezan", c'est un qualificatif pour un cheval, donc peu nous importe que ce soit telle ou telle couleur)
Ponge (André Bellatorre)
les opérations de réécriture (à un premier niveau) : remplacement, ajout, suppression, permutation
transformer des opérateurs précis : ex. le temps, le point de vue, le mode, la personna grammaticale... qui peuvent modifier aussi le lexique

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Faire écrire, ici et ailleurs

Hell-Bourg, La Réunion, mars 1990

Les ateliers d'écriture existent aux USA depuis quarante ans au moins : il est courant, dans les universités américaines, que des écrivains viennent, non seulement parler de leurs écrits ( cela, même en France ça arrive ), mais démonter devant les étudiants leur façon de produire des textes et leur proposer des modèles de fonctionnement. Il est courant que des professeurs, écrivains ou non, invitent leurs étudiants à ne pas se contenter de lire, mais à écrire eux-mêmes.

Peut-on importer cette idée en France ? Une autorité comme Bernard Pivot ne semble pas en être persuadée . Son magazine Lire (n°173, février 1990) a mené une enquête sur l'enseignement de l'écriture aux USA, enquête où sont mis en vedette des témoignages d'écrivains-professeurs sceptiques ou rageurs :et pourtant ,William Styron, John Irving et Raymond Carver entre autres sortent des "ateliers" de l'Université de Iowa .Bernard Pivot semble conclure que toute tentative d'acclimater l'équivalent en France sombrerait sous "nos ricanements".

Pour avoir été parmi les premiers, en France, qui après 1968 ont voulu s'inspirer librement du modèle américain, et pour avoir expérimenté des ateliers d'écriture avec des publics très variés , par l'âge, le niveau scolaire, l'insertion sociale, etc. j'estime que ce rejet rapide mérite un réexamen. Il ne s'agit pas de fabriquer des " écrivains " , mais de montrer à des adultes ou à des adolescents qu'ils peuvent écrire , même s'ils ne l'ont jamais essayé . Et, pour des étudiants en lettres, leur donner, par la pratique personnelle de l'écriture, un accès aux grands textes que la seule lecture passive ne permet pas . Ecrire, c'est lire.

Allant plus loin, je pense que la pratique de l'écriture peut débloquer des élèves ou des étudiants en situation d'échec scolaire, en leur proposant des exercices perçus comme ludiques , et peut par là avoir des retombées positives y compris sur leur maîtrise des exercices habituellement requis d'eux comme rédaction, explication de texte, dissertation, commentaire ...

Mon expérience des ateliers d'écriture, qui allait jusqu'ici de femmes en stage de remise à niveau à des ouvriers de la réparation navale en pré-retraite ou à des techniciens du nucléaire ... s'est récemment enrichie au contact d'un groupe d'étudiants de l'Université de St-Denis ; un premier stage, sur une idée proposée par Daniel BAGGIONI , a été organisé en mars 1990 avec la collaboration de Nicole MOTTA ( Lettres Modernes ) et de Nicole BENECH ( Techniques d'expression ). Un autre suivra en avril, destiné à un public non-étudiant . Voici donc le compte-rendu de cette première expérience .


" Je n'ai jamais écrit. Je ne pense pas en être capable."

Quand on lit cela, de la part d'une étudiante qui s'inscrit à un stage d'écriture, on est partagé entre la volonté de relever le défi et la panique : va-t-on, vraiment, leur apprendre à écrire ? D'autant plus que plusieurs d'entre eux annoncent une pratique d'écriture antérieure : journal intime (sept d'entre eux), poèmes ( sept, pas toujours les mêmes), fragments, essais (deux), "petits romans" ( une ) et " tout " ( une autre ).

Alors, d'abord, les dépayser : avec " la prison japonaise ", un classique de la dynamique de groupe. Vous êtes prisonniers au Japon, chacun isolé dans une cellule dont les pierres portent des caractères inconnus de vous ; l'un d'entre vous a pu s'évader, il sait que trois de ces pierres, si vous les découvrez, vous donneront la liberté,mais qu'une quatrième vous sera fatale ( elle déclenche l'inondation de la cellule ), il va donc essayer de vous les communiquer, comment le faire, puisqu'il ne peut que vous les décrire verbalement, sans gestes, sans dessins, sans savoir comment vous l'entendez, car, dans la première phase, le prisonnier évadé n'a droit qu'à une communication unilatérale : les autres ne peuvent ni l'interroger, ni l'interrompre, ni se manifester d'aucune manière.Dans la seconde, avec feedback, les autres peuvent intervenir, ce qui est plus coûteux en temps, mais beaucoup plus efficace ( dans cette seconde phase, tous obtiennent 3 ou 4 réponses justes sur 4, dans la première, aucun n'avait eu toutes les réponses justes ). - Avec tout ça, on n'a rien écrit, on n'a fait que parler ( pour Philippe et Carine, les deux évadés ) ou dessiner sous la dictée , puis reconnaître les signes( pour les autres prisonniers ), mais la discussion ensuite fait ressortir l'importance des codes culturels, la difficulté de passer d'un code à l'autre, le danger d'user de symboles trop "subjectifs" ( tel signe est décrit comme un "sous-marin" où d'autres ont vu un porte-manteau ), l'intérêt du feedback, y compris dans l'écriture, et, déjà, l'idée ( qui sera martelée tout au long du stage ) qu'on est plus malin à plusieurs que tout seul.

Ensuite, un premier exercice d'écriture, pour de bon : le lipogramme. Aucun ne connaît. Je le définis ( contrainte consistant à écrire un texte en en éliminant une lettre, ici le E ), leur donne la marche à suivre ( préparer un stock de substantifs, verbes, adjectifs, ne comportant pas le E, puis réaliser des liaisons syntaxiques, sans se préoccuper du sens, en évitant seulement l'agrammaticalité et la lettre interdite ). L'exercice leur semble un peu difficile ( aucun ne l'a terminé dans le délai prévu d'abord, une heure et quart) mais amusant, et donne d'assez bons résultats : ils sont surpris de leur variété. On enchaîne sur le " Beau Présent ", variété d'anagramme : il s'agit de composer un poème pour le mariage de son meilleur ami, en utilisant uniquement les lettres de son nom. En guise de meilleur ami, chacun prend son voisin ; Annelyne Hoareau, qui a pour voisin David Anda, proteste contre la minceur du nombre de lettres et est autorisée à faire pour David une " Belle Absente " ( c'est la même contrainte inversée ). J'autorise l'écriture phonétique, ce que plusieurs utiliseront avec bonheur. Les résultats sont jolis, souvent affectent le style des madrigaux ou des poèmes de circonstance à l'ancienne, ou de la chanson ( Carole Tambon, Margarette Grondin, Nathalie Salaï ...) Pour conclure, on parle du travail à partir de la LETTRE, je leur demande s'ils connaissent d'autres exercices du même type : ils citent le calligramme, l'acrostiche, le mot-valise, j'ajoute quelques exercices oulipiens ( en expliquant ce dernier terme ). Et, pour que, dès le premier jour, un projet à un peu plus long terme apparaisse, je leur propose d'écrire leur autobiographie imaginaire : racontez un épisode de votre vie en changeant de siècle ( passé ou futur ), de pays , de sexe , ou de registre .

Le second jour, je propose un exercice de rédaction de scénario, à partir d'un roman d'Agatha Christie, Le Cheval Pâle : je fournis un résumé détaillé du roman, une liste des six principaux personnages, et leur tâche consiste à rédiger une scène ( également pré-découpée ) dans la focalisation de l'un de ces personnages, à leur choix. Il n'y a donc rien à "inventer", mais la rédaction doit obéir aux contraintes spécifiques d'un scénario ( sans entrer dans la technique de la caméra, mais tout doit être visuel ou visualisable ) et de la focalisation ( ne pas sortir du " point de vue " du personnage choisi ). L'exercice prend beaucoup de temps, en raison des corrections et réécritures ( ils me soumettent une première version, je leur montre les éventuelles infractions , ils récrivent ) mais donne de bons, voire de très bons résultats. (notamment Sophie Bridier, Carine Chateau ).

Beaucoup plus rapide d'exécution, en revanche, à ma surprise, l'exercice des permutations, qui me semblait plus compliqué. Inspiré de deux nouvelles de Cortazar ( Axolotl et La lointaine ),il consiste à imaginer une situation à deux personnages, dont les statuts ( biologique, social ...) sont foncièrement différents, puis à permuter les situations, en laissant au personnage qui était d'abord privilégié la conscience de ce qu'il a perdu . Il faudrait pouvoir citer tous les textes, chacun manifestant, par l'humour ou le pathétique, un intéressant effort pour saisir l'altérité de l'intérieur. Qu'il suffise d'en énumérer rapidement les motifs :

- La scientifique et le Saturnien ( Cathy Valentin )
- L'explorateur et le léopard ( Carole Tambon )
- Le dessinateur de BD et son personnage ( David Anda )
- L'humain et le billet de cent francs ( Ariane Cavalot )
- La collégienne brillante et la jeune handicapée ( Chantal Grondin)
- Le narrateur et un singe ( Philippe Bost )
- Le jeune cadre et la clocharde ( Marie-Reine Delphine )
- La joueuse de tennis et le vieux spectateur (Jeanne Jardinot)
- Le brahmane et le paria ( Margarette Grondin )
- La jeune fille courtisée par un garçon et la moto du garçon (Annelyne Hoareau)
- Moi et un chien ( Hikbal Moullan )
- Le jockey et son cheval ( Carine Chateau )
- L'amoureux et la marguerite ( Michèle de Stadieu Noguier )
- La jolie petite fille riche et bête, la laide petite fille pauvre (Nathalie Salaï)
- L'adolescente et l'affiche de la vamp ( Nathalie Chanfin )
- La princesse et la chouette ( Sophie Bridier )

On passe au vote : Philippe Bost et Sophie Bridier sont premiers ex- aequo avec dix voix ( sur dix-sept ), suivis par Ariane Cavalot et Hikbal Moullan avec sept voix chacun. Petits extraits :

"Nous nous connaissons depuis neuf ans. Lui, enfermé seul dans ses cages communiquantes, et moi toujours en marche pour quelque part. J'ai pourtant, à proximité de la cage, pris le temps de voir et d'essayer de comprendre. Voir Bongo manger, vivre, grandir, voir ce macaque de Bali acquérir peu à peu une conscience plus profonde. Je supposais alors que cette conscience était le fruit d'une certaine intelligence développée à notre contact. C'était tout autre chose, et il me reste ce que dure une vie de singe pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer.(...)

Enfermé seul et nu, presque toujours en exposition sur la rue, je subis l'outrage quotidien de la foule. Plaisanteries, stupidités et grimaces dont j'avais pressenti le ridicule. Cette fois le ridicule je le connais, je le vois, je le vis. Je ne me cache pas ( à quoi bon ?) mais les autres peut - être devraient le faire .(...) Muet, je n'ai même plus la ressource de lire, qui offrirait un livre à un singe ? Non, c'est fini, plus personne ne me parlera pour ce que je suis - j'étais - Voilà, c'est le mot : j'étais. Philippe Bost est mort, vive moi. Désormais singe, je vais mener une vraie vbe de singe contemplatif. Ne rien dire et tout voir. Deux semaines que la malédiction s'est abattue, j'en ai compris le sens, maintenant il me faut vivre, survivre." ( Philippe BOST )

" Avec mon jean délavé, rapiécé, conforme, je porte en moi tous les stéréotypes de ma génération. Le trottoir défile sous mes santiagues. Vêtue de mon cuir, j'avance d'un pas pressé. Je me perds dans mes pensées, flash-back d'une soirée délirante, cocktail d'amitié et d'humour, mon bonheur me rend presque belle malgré mes traits irréguliers, mon air godiche, mes rondes épaules (...) L'affiche m'a capturée. Je suis la Femme, la Féminité, la Sensualité. Je suis Elle. Un passant me jette un regard admiratif, qui m'enveloppe d'une douce chaleur, d'un plaisir ineffable. Une femme fuit mon image, dégoûtée. Un homme mielleux, obscène, me caresse les jambes. Je ressens un frisson de dégoût.
Je suis prisonnière de l'Immobilité." ( Nathalie CHANFIN )

" Le cours d'aujourd'hui ne me semblait pas trop fatigant. Lorsque je leur donnai un scénario à écrire, les élèves me semblaient tous si fatigués, si assoupis, que je me suis dit qu'il n'y avait pas de raisons pour que je ne me repose pas un peu, moi aussi. Et je les laissai à leur travail, me plongeant dans la lecture d'un roman. Mais aussitôt un chien se mit à tourner autour de moi. Encore un de ces idiots de chiens, me dis-je, et je le laissai continuer son manège. Mais comme il commençait à devenir agaçant, je l'effrayai quelque peu. En vain : toujours il revenait tourner autour de moi, grogner, se frotter contre mon fauteuil et me fixer du regard. A la fin, c'était par trop insupportable : je me levai et lui lançai le coussin qui était à côté de moi. Mais il l'évita, et les coups de pied que je lui lançai, il s'en jouait aussi. Enfin, à ma grande satisfaction, un des coups portés l'atteignit violemment. Dans l'instant, je crus qu'il devait être mort, tant moi-même j'avais mal du coup que je lui avais donné. Mais imperturbablement je me vis me rasseoir dans le fauteuil ( l'être que j'étais s'était remis à lire dans le fauteuil ) alors que moi j'étais à geindre douloureusement au sol, sentant mes côtés brisées. (...) Moi qui à l'instant méprisais ces répugnantes bêtes, venant toujours quémander de la nourriture, j'étais devenu l'un d'eux. J'avais la forme, l'apparence d'un chien, j'aboyais comme un chien, et malheureusement la seule chose qui me restait d'humain, c'était la conscience de ne l'être plus. Il n'y a pas longtemps, c'était moi qui faisais cours et disais à Philippe ce qu'il fallait faire ou pas ; maintenant c'est lui qui va jouer avec moi comme il joue avec tous ces chiens pleins de puces..." ( Hikbal MOULLAN )

Ces textes, qu'il faudrait pouvoir tous citer - et que ce n'est pas le lieu d'analyser en détail - , ont en commun une réflexion sur l'exclusion, particulièrement sensible dans les textes de Chantal GRONDIN (sur la petite handicapée mentale ), de Marie-Reine DELPHINE ( sur la mendiante ), de Margarette GRONDIN ( sur le paria ). J'avais déjà donné à faire cet exercice en métropole, à des étudiants d'un cursus d'études cinématographiques, avec des résultats réussis mais le plus souvent ludiques, et rarement autant d'acuité .- Je constate aussi que cet exercice, pour un temps de rédaction plus court (deux à trois heures), avec une contrainte plus porteuse ( et pas de contrainte de code ), donne des résultats plus homogènes, et globalement meilleurs, que l'exercice de scénario, peut-être plus déroutant par son codage .

Le troisième jour, après avoir exploité ( et éventuellement retravaillé) les permutations, on revient à un type de contrainte plus technique : l'homosyntaxisme. Il s'agit de composer un texte en suivant une certaine structure syntaxique, par exemple :

VVSSSSASSVVSSSVSVASASVVVVVSASSSSVVSSASSV
(V : verbe
A : adjectif
S : substantif)
en intercalant, dans cette succession, les articles, prépositions, conjonctions, etc. dont on a besoin pour fabriquer ses phrases.

Après un temps de perplexité, et quelques flottements ( confusion entre Adverbe et Adjectif, conviction que " MOI " est un substantif, ce qui n'est même pas moralement défendable, etc.), on aboutit à des productions d'une réelle variété, ce qui les étonne . En voici deux échantillons :

" Peu m'importait ce que me réservaient ces enfants de la campagne :hostilité et méfiance causées par la différence de mon statut ? Je voulais quand même m'y risquer. Au matin du jour où l'aventure commencerait, une allégresse m'envahissait, teintée cependant d'une angoisse légère. La confiance qu'on me faisait, allais-je réussir à la mériter et incruster en ces enfants, souvent si frustrés, l'amour de leur terre, la confiance en leurs valeurs qui les conduiront enfin à ne voir en leur isolement des sociétés urbaines qu'une richesse qu'ils devront en leur coeur précieusement conserver ?" ( Ariane CAVALOT )
" S'il vous plaît, donnez-moi un verre de lait avec du miel et un biscuit chocolaté, garçon !
Le serveur s'empresse et apporte à la table la commande avec le sourire.
Jusque là, tout va bien.
Le ciel est déjà rose.
L'acteur, concentré, tout à son texte, répète : " Va, cours, vole et nous venge " , lorsqu'un jeune homme vêtu d'une tunique, de sandales, d'une épée et d'un casque apparaît.
Il prend place en face du comédien ébahi de la main de qui le livre tombe."
( Michèle DE STADIEU NOGUIER )

La diversité des textes ainsi fabriqués, qui se vérifie sur l'ensemble du groupe , est la meilleure réponse à donner à qui croirait que la contrainte formelle aboutit à un " nivellement " ...

Influence du texte d'Ariane, ou de la petite balade guidée par Margarette ( thermes, vivier à truites, forêt ,route de Bellouve ) ? Je me dis tout à coup que c'est un peu dommage de ne proposer que des exercices tous terrains, rodés certes en métropole, mais comme nous n'y sommes pas... Et j'improvise : écrivez un texte ( une page minimum ) pour présenter un aspect spécifique de votre île à quelqu'un qui ne la connaît pas du tout (moi). Ce peut être une recette de cuisine, une légende, une coutume que vous avez observée, un récit familial, une tradition ... seul est exclu le style " guide touristique ".

La machine s'emballe : ils se mettent à gratter le papier comme des fous. Discutant entre eux (c'est permis et même recommandé), même s'ils rédigent individuellement ; et venant tour à tour me montrer leur résultat, avant la mise en commun générale. Suit une discussion , d'après les textes, avec un petit groupe : elles ont écrit sur les rites de fiançailles ( Jeanne, Cathy ) sur l'origine des noms de lieux ( Margarette ) sur la recette du cari Ti Jacques ( Marie- Reine ) sur la culture du géranium ( Annelyne ), elles chantent des chansons créoles, on parle cuisine, créole ... Le soir, l'une d'elles me montre des poèmes écrits longtemps avant le stage. A noter que ces poèmes ( et le bon contact qui a précédé ) sont sortis après le seul exercice où ils avaient eu l'occasion de m'apprendre quelque chose. A méditer. Etait-il possible de le proposer plus tôt, si j'y avais pensé ? C'est douteux : ils l'ont trouvé , en majorité ,beaucoup plus dur que les exercices à contrainte ( et c'est aussi mon avis ). D'autre part, si l'exercice leur a plu, il donne néanmoins des résultats plus pauvres que tout ce qui a précédé, moins inventifs, plus proches d'une écriture " informative ". Une exception, le poème de Carole :

" Quand tu t'en vas nénette
moitié chiffon moitié dentelle
sur tes talons aiguille perchée,
faire ton marché,
l'oignon, l'ail, les tomates, le thym,
le safran, le piment, le poivre, le girofle, le gingembre
t'agressent de leurs odeurs,
et tu les laisses t'envahir.
Les yeux fermés,
tu vogues vers un autre monde,
tu respires profondément,
et tu oublies pour un moment
la crasse de ta vie.
Tu oublies
ton mari journalier d'une plantation de cannes,
qui rentrera au soir,
saoul de rhum, saoul de paroles,
qui te battra jusqu'à n'en plus pouvoir,
comme d'habitude.
Tu oublies tes enfants
la marmaille comme on les appelle ici,
auxquels tu ne peux donner assez d'affection.
Tu oublies ton logis,
ignoble taudis,
fait de tôles tordues et rouillées
à même le sol battu.
tu oublies tout.
Pour l'instant, regard hautain,
sourire narquois ou incrédule,
tu acceptes les compliments des hommes des rues ..."
(Carole TAMBON)

Si je tire un bilan plutôt positif de cet exercice, c'est plus pour la dynamique qu'il a déclenchée que pour les textes produits eux-mêmes : sans doute aurait-il fallu que je propose une ou plusieurs contraintes formelles qui, croisées avec le "sujet", auraient permis aux stagiaires de décoller du modèle "rédaction" sur lequel , faute de mieux , ils ont été amenés à se calquer à nouveau, alors que tous les exercices précédents les invitaient à s'en démarquer et leur en donnaient les moyens.

Pendant l'avant-dernière journée du stage, les travaux ont été volontairement diversifiés : tandis que certains terminaient leur "autobiographie imaginaire" que d'autres avaient déjà rendue ( tôt le matin et tard le soir, il y avait toujours quelques gratteurs de papier à la grande table de la salle commune ), les autres se livraient aux joies du tautogramme, du LSD , du S + 7 , de la chimère ou du téléphone. Quelques réalisations :

Tautogramme en K :
Kant partit en voyage, cherchant le Kief.
Kief ne trouva pas. Alors partit à Kaboul.
Kaboul lui donna un précieux kandjar,
Kandjar pourtant ne tua pas les Khmers.
Khmers alors renvoyèrent rouge Kant.
Kant noya sa rage dans du kummel ... ( Sophie Bridier )
( et ainsi de suite : il y en a comme ça trente lignes, qui se terminent par "ce fut le krach ! ")
S + 7 sur une fable de La Fontaine :
Le cordage et la rencontre
Sa majesté le cordage, sur un arconson percuté,
Ténorisait en son bédane un fromental.
Sa majesté la rencontre, par l'odontologie allégée,
Lui ténorisa à peu près ce langoustier :
" Hé ! bonnet, montage du cordage !
Sans menuiser, si votre ramasse-miettes
Se rapproprie à votre plumitif,
Vous étrésillonnez le phénoménalisme des hottées de ce boisseau..."
( Cathy VALENTIN )

"Téléphone" du Pont Mirabeau :
(N.B. cet exercice, inventé par Noël Arnaud, doit pour être plus efficace encore se faire à plusieurs , ici le texte n'a été transformé qu'une fois ).
Sous la passerelle Mirabeau ruisselle la Seine
Et nos adorations
Faut-il qu'il m'en revienne
La gaîté arrivait constamment après la souffrance
(...) Les menottes dans les menottes demeurons opposés
Alors que sous la passerelle de nos bras passe
Des intemporels coups d'oeil la vibration si fatiguée
L'adoration déguerpit comme ce liquide habituel
L'adoration déguerpit
Que l'existence est traînarde ..."
( Marie-Reine DELPHINE )
Chimère ( en créole ) d'une chanson de Jacques Brel :
Bin sir nou té i dispit'
vin bouzis l'amour ça i l'est l'amour oté
Tan' foi to la pri ton paqué
Tan' foi mo la goingn' la zaile
Sopandan tout' zafair la y souvient
Dan' ce la chamb' ou na poin ber'
ou' t guèle té i rouv' fort
tout lété pli pareil
toté y boir la rak
et moin té rod pu.
Ma l'amour
Toué lé doux, toué lé mol ,toué lé in si per amour
Dépi soleil i lèv'
Zusqu'à la nuit i tomb'
mi aim' encor, ou coné mi aim' a ou ...
( Margarette GRONDIN, Jeanne JARDINOT )

Ces textes formels , qui n'articulaient pas un message fondamentalement différent des exercices des premiers jours, avaient pour but essentiel de faire percevoir aux stagiaires l'extraordinaire variété des exercices " à contrainte ", et de leur montrer que le stage n'avait pu que leur en faire effleurer quelques-uns. Ce qui nous amène à la séance de synthèse et à l'évaluation.

La synthèse devait d'abord être consacrée à la mise en commun des autobiographies imaginaires, l'exercice le plus ambitieux du stage, celui auquel ils avaient consacré en général le plus de temps. Cette mise en commun fait apparaître que nombre de participants, s'ils ont bien respecté la consigne de la variable ( lieu, temps, sexe et/ou registre ), ont fait un découpage trop restreint dans leur biographie. A quelques exceptions près, dont Cathy Valentin ( variable temps : une enfance à Florence au XIV ° siècle), Ariane Cavalot ( variable registre : la fille qui s'exile pour faire ses études et a peur de perdre son identité ) Françoise Hoyen-Aldrin ( variable lieu : la femme mariée à un Iranien )et Sophie Bridier ( variable registre : " le joueur de tambour ", poème ), la plupart ont choisi un épisode trop ponctuel pour être significatif, même si le texte est par ailleurs réussi (comme ceux de Michèle de Stadieu Noguier, Moto-stop, Carole Tambon,La mauvaise journée, ou Marie-Reine Delphine , La première communion).

Une mention particulière pour le texte de David Anda, qui pour les deux-tiers semble une promenade assez conventionnelle de quelques garçons dans les hauts de Mafate, jusqu'à ce que, vers la fin, des coups de feu et la rencontre de chasseurs de marrons nous apprennent que le texte se situe avant 1848... et que les garçons sont noirs. L'effet de surprise, pendant la lecture à haute voix, a été total et visible, et les auditeurs ont proposé des améliorations, ou des interprétations, preuve de leur intérêt - preuve aussi que le message de l'atelier était passé : on peut travailler un texte, et tenir compte des suggestions des autres.

L'évaluation a porté sur les points suivants :

- les exercices, dont aucun n'était connu au départ, ont été perçus comme faciles ou en tout cas faisables ; la progression sur l'ensemble a été sentie par tout le groupe.

- le rythme de travail , assez intense ( de l'ordre de huit heures par jour, sans parler des veillées pour certains ) , n'a pas fait l'objet de protestations, mais beaucoup ont regretté le manque de temps pour le travail personnel, et presque tous souhaitent poursuivre ce type de travail, non plus sous forme de stage, mais étalé dans le temps, par exemple sous la forme d'une U.V. intégrée dans le cursus ( comme cela se fait à l'Université d'Aix-en-Provence ).

- demandes : une légère majorité aurait souhaité plus d'apports théoriques, et/ou bibliographiques ( 8 oui, 6 non ), tout en admettant que la visée du stage était avant tout pratique .

- la vie du groupe :

malgré quelques petits conflits, inévitables dans toute vie de groupe , l'unanimité s'est faite en faveur du principe d'un stage interné . Tout se passe dans un même lieu, on n'est pas dispersé ni sollicité par d'autres préoccupations ( particulièrement à Hell-Bourg !) Un signe que le groupe a conquis son existence : alors qu'au début, ceux qui attendaient une évaluation la demandaient en priorité à l'enseignant, à la fin du stage c'est l'évaluation du groupe ( notamment sous forme de " votes secrets " , mais pas exclusivement ) qui est le plus attendue .

Cette évaluation par le groupe fait d'ailleurs l'objet d'une discussion intense lors de la dernière séance, certains mettant en cause l' "objectivité" des votes et estimant qu'y jouent des phénomènes de "clans", d'autres le récusant . On ne parvient pas à une motion de synthèse ... Mais si tout le monde est favorable à l'échange d'idées et à la discussion, quelques-uns soulignent qu'en dernier ressort, écrire se fait dans la solitude ( à noter que cette idée émane aussi bien de stagiaires très intégrés dans le groupe ).

Le groupe décide de se revoir après le retour à Saint-Denis, de continuer le travail ébauché pendant ces quelques jours, discute de la possibilité de s'inscrire au second stage, des chances d'obtenir un enseignement d'écriture dans leur cursus ... L'avenir nous dira s'il y avait là autre chose que la volonté de " survie ", commune à tous les groupes , et si un projet réel , pour le groupe ou pour tel ou tel de ses membres , aura germé à cette occasion . N'en retiendraient-ils que l'idée d'une gymnastique mentale, aussi utile que l'autre, aussi " futile " pour qui la voit de l'extérieur , que ni eux ni moi n'aurions perdu notre temps.

Anne Roche ( Université de Provence I)
( mars 1990)

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