A la fois cette force, cette
solidité rude, cette présence de poutres
à peine dégauchies, brutes, à peine
coupées les branches, le bois est là comme on
a pu, vite, sans fignoler, sans s'attarder, bois dur
taillé à même la forêt, on aurait
pu en faire un toit de grange, on en a fait une femme, elle,
tout ce poutrage faisant épaules, dos, et puis
là dessus les deux bras d'un blouson un peu court. Le
bois a travaillé, il a pris arrondi dans
l'épreuve de pluie, de vent, ce corps grand
exposé, subissant, et s'efforçant de faire
front, on dit plier l'échine mais c'est devenir
voûte, la charpente arquée, le bois plié
d'effort, sachant (mais d'où sait-elle) l'incroyable
puissance des pierres soudant leurs faiblesses en
voûte et transformant le poids en cette ampleur de
grotte, bergerie, chapelle, ainsi depuis longtemps les murs
tiennent au dessus des têtes, et on se dit justement :
ça tient, on s'en étonne, comme elle dans son
blouson retenue par le haut, par cette arcure des
épaules à laquelle tout le reste du corps
semble suspendu ( arcure, oui, puisqu'on le dit aussi de
cette opération qui consiste à courber une
branche pour la faire fructifier), d'où cette marche
haute et lourde, cette manière d'être
empêtrée dans sa propre hauteur, cette
manière de s'y mettre à l'abri, d'où
cette haute marche de catcheur si légère d'en
bas, comme à aller sur les pointes.
Car plus haut c'est la tête,
levée la tête, refusant de céder
à l'arrondi d'usure, au vers-le-bas de la charpente,
comme à toujours vouloir regarder par dessus (par
dessus le mur, par dessus la voûte), la tête
haut perchée quand le corps voudrait se cacher,
clocher, vigie, résistant à l'attrait des
épaules mais sachant bien pourtant que sans elles les
yeux ne seraient pas si haut, sans ce toit de bataille, sans
ce rempart, il n'y aurait pas là haut comme un
drapeau concluant la toiture ce regard d'étonnement,
cette curiosité des yeux derrière les
lunettes, cette capacité à accueillir ce
qu'elle ne connait pas. Bien sûr elle n'y court pas,
la charpente est trop lourde, elle mesure le risque à
l'encombrant du corps, mais si ça vient, alors
bonheur (elle le dit : oh ça c'est bien),
reconnaissance (on a de le chance), elle le reçoit
avec gourmandise comme là elle écrit,
rajoutant, continuant, inventant la chaleur autour d'une
cheminée, flammes, feu, braise, et la famille autour,
et le bonheur, et les montants solides aussi
charpentés qu'elle curieuse de savoir. On fera quoi
après ? Et même quand pour partir elle tire
à deux mains le bonnet de grosse laine, quand elle
impose à sa tête comme une autre charpente, un
arrondi, un casque presque, épaules et crâne
alors comme deux courbes, double rempart, double
système de défense, reste là haut
l'étonnement des yeux (les lunettes leur suffisent et
avec ça ils voient)...