Là, calée de son
poids, toujours au même endroit, la même place,
cherchant le même, le sien, le lieu choisi qu'elle
s'approprie, où elle s'asseoit, où elle fait
souche, comme si elle voulait occuper le plus d'espace
possible, le plus de volume, pour qu'au moins elle soit
difficile à bouger, qu'il y ait résistance de
quelque chose, de ce corps large et lourd pourtant agile
quand elle bouge, ou du moins ayant l'air, comme prêt
à danser, à s'élancer, mais ne le
faisant pas, il faudrait du courage, une telle
détermination, il y a trop à soulever,
à tirer, l'enfant c'est déjà beaucoup.
Elle prend appui sur elle même pour tenir bon. Mais si
elle tombe ? C'est l'arbre qui tombe, pas la souche. La
souche ne tombe pas. Elle se fait souche pour ne pas tomber.
Au pire elle ferme les yeux, des enfants viennent grimper
dessus, s'asseoir dessus, du moment qu'un enfant peut s'en
servir de promontoire. Quand la souche s'évase, on
croit qu'elle prend ses aises, ou qu'elle s'éteint,
s'endort, mais c'est par en dessous qu'a lieu l'effort
d'enraciner dont seul témoigne, dehors, seule
différence entre la souche morte pourrissant et celle
dont il ne faut pas désespérer, ce
jaillissement incontrôlé de rejets, rejetons
non pas enfant mais rejetons d'elle même,
éclats de rire, plaisanteries en coin, elle
écrit : J'aime bien quand on dit des bêtises,
mais elle les fait aussi, gourmande, rieuse, comme un
escargot balançant ses antennes, les brandissant,
sachant bien mais tant pis qu'il faudra tôt ou tard
chercher repli en soi, se refaire carapace de chair pour
échapper à cette enfance qui poursuit, qui
semble vouloir revenir en elle, mais qu'elle repousse de
tout son poids, comme sachant le peu de profit qu'il y
aurait à en tirer, le danger à se laisser
séduire. Elle rit. Fait des grimaces. Comme à
prendre un accompte sur ce qui peut venir. Même si le
doute reste aux pommettes, même si d'un coup peut
revenir l'écarlate en plein visage qui rend muet et
fait taire et rentrer, qui prend d'assaut par surprise si
l'on n'y prête pas attention (tant de raisons à
ça, d'inquiétudes faisant le guet, vol de
corbeaux). Elle en rit de plus belle. Elle vibre de tout son
corps la souche s'ébrouant pour résister au
gel qui viendrait fendre le fragile équilibre. C'est
dur vot'truc. Elle dit c'est dur et si c'est trop dur elle
peut se bloquer là, immobile, inébranlable,
comme pouvant rester là toute une vie de souche, avec
la même patience, la même ardeur de bois, comme
lestée fatigue aux pieds, muette, à
l'arrêt, jusqu'à...