Enseigner l'écriture? Eh non, les fac de lettres ne s'y mettent
pas, préfèrent continuer d'assister à la lente dégringolade
de leurs effectifs. C'est donc un vrai bonheur de saluer les courageux qui s'y mettent. Cela vient encore une fois du théâtre : l'ENSATT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre ) lance un département d'écriture dramatique, et le confie à l'un des meilleurs d'entre nous, Enzo Cormann. L'un des meilleurs? Parce que l'ami Enzo, depuis Credo, ce n'est pas seulement des livres et textes des plus denses, mais un engagement de terrain dans sa ville (Grenoble, avec Troisième Bureau et leur comité de lecture lycéen ou le festival Regards Croisés), une engagement qui s'exprime aussi par le CD audio (récemment "Bruits de l'océan Pacifique à Big Sur" de Jack Kerouac, par Enzo Cormann et Jean-Marie Machado) ou le film... A suivre sur le site perso d'Enzo Cormann: Ci-dessous, un document qui sera utile à
bien d'autres, l'approche par Enzo Cormann d'un enseignement de l'écriture
créative dans le cadre d'une école de théâtre...
À déguster - contagion souhaitée. "En octobre 2003, l'Ensatt ouvrira
un département d'écriture dramatique, Durant une vingtaine d'années, l'opinion commode selon laquelle il n'y aurait plus de "nouveaux auteurs" en France, s'est largement répandue dans l'institution théâtrale afin de justifier l'abandon très général de la recherche de nouveaux talents. Il semble néanmoins que ce discours, ressassé ad nauseam, ait fini par perdre tout pouvoir de nuisance. Un fort désir de paroles contemporaines, relayé par de spectaculaires initiatives des auteurs eux-mêmes, a redonné aux écritures contemporaines une légitimité prometteuse. De nombreux comités de lecture (comme "Troisième Bureau", à Grenoble) ou festivals consacrés à la dramaturgie contemporaine (comme la "Mousson d'Été", à Pont-à-Mousson) témoignent par ailleurs de l'extrême vitalité de l'écriture théâtrale, ainsi que de la richesse et de la diversité de la dramaturgie contemporaine d'expression française. Une coupure réelle n'en persiste pas moins entre les écrivains (et notamment les plus jeunes d'entre eux) et les scènes auxquelles ils destinent leurs ouvrages. Cette coupure, outre qu'elle encourage le recours à des productions de fortune, qui ne rendent pas toujours justice aux œuvres (et viennent donc conforter le scepticisme de l'institution), empêche en particulier les nouveaux auteurs de se familiariser par l'expérience concrète avec la réalité de cet art collectif complexe qu'est le théâtre. Le désir du poète de connaître et de comprendre le collectif artistique auquel il se propose de participer, se heurte donc le plus souvent à la porte close des théâtres. La mise en place d'un "département d'écriture dramatique" au sein d'une école nationale supérieure de théâtre, participe d'un projet plus général de réouverture des théâtres aux (jeunes) écrivains. "gens de théâtre" Former des gens de théâtre devrait être
la finalité de toute école de théâtre : au-delà
des spécialités composant le collectif théâtral,
chaque élève est appelé à considérer
le geste artistique dans son entier, à le pratiquer dans des conditions
professionnelles, à le confronter au public, et à le penser.
La collaboration avec les élèves des autres spécialités,
ainsi qu'une intense expérience de troupe, permet à chacun
d'aiguiser sa personnalité d'interprète, ou de réalisateur,
et de s'aguerrir au plan professionnel. La diversité des intervenants
et les enseignements théoriques invitent de surcroît les
élèves à une réflexion globale et à
l'analyse critique. Ce principe général me paraît devoir inspirer la conception du futur département d'écriture dramatique, dont la finalité sera par conséquent moins la formation, l'enseignement ou l'apprentissage, que la transmission, tant d'un espace de parole et d'invention, que d'une culture de pratique collective. C'est pourquoi la pièce centrale du dispositif pédagogique, le "moteur" du département, consistera en un collectif d'accompagnement critique des écrits en cours. Autant dire, premièrement, que priorité absolue est faite à l'écriture, chaque écrivain étant invité à définir un projet artistique pour ses trois années d'école; deuxièmement, que la transmission est envisagée d'abord sous l'angle du questionnement, de l'interrogation des pratiques, davantage que du transfert de connaissances. Certes, l'histoire de la littérature dramatique, comme des esthétiques (et des politiques) théâtrales, viendra nourrir la réflexion (Arthur, jeune premier prix de versification latine, et Samuel, lecteur d'anglais à Ulm et secrétaire de Joyce, s'en retourneront-ils pour autant dans leur tombe ?…), mais des échanges approfondis avec des écrivains, des traducteurs, des passeurs de textes, seront systématiquement préférés à des cours magistraux. Chaque écrivain effectuera par ailleurs un stage
dans les différents départements de l'école, en qualité
d'observateur ou de participant, afin de se familiariser complètement
avec l'outil théâtral, et d'en saisir de l'intérieur
les potentialités (mais aussi les contraintes) expressives. ouvroirs Prolongement du travail d'écriture solitaire,
le travail au sein du département est organisé en six "ouvroirs".
|