à propos de Meurtre, par Danielle Collobert
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cet article d'Anne Malaparade est paru dans Prétexte n° 16 (hiver 1998) - avec leur aimable autorisation |
Le numéro 6 de la revue lyonnaise La Lettre Horlieu-(x),
dirigée par Alain Fabbiani, publie un extrait du premier texte,
désormais introuvable, de Danielle Collobert : Meurtre,
recueil composé de plusieurs récits successifs. À
côté de textes tels que Dire ou Il donc,
lextrait de Meurtre qui nous est proposé ici fait
presque figure de récit classique. Les écrits ultérieurs
sont en effet remarquables par leur disposition typographique émiettée,
lespace graphique étant saturé par des tirets qui,
véritables signes métriques, matérialisent sur
la page la teneur haletante et déliée du souffle. Lextrait
de Meurtre obéit pourtant lui aussi à une précipitation
affolée, bien que la parole, dramatisée, conserve encore
une fluidité et une linéarité qui lui permettent
de couler et de se déverser sans trop rencontrer dobstacles.
Le blanc de la page ne simpose pas encore, il est refoulé
dans lavant et laprès du texte, pris en otage entre
deux silences. La ponctuation est particulière : les points par
exemple ne sont pas toujours suivis de majuscules. Le narrateur a une
voix masculine, comme si cette virilisation participait au blanchissement
du souffle, en refusant la séduction que pourrait exercer une
locutrice féminine sur le lecteur. Les phrases, précipitées,
hachées, exposent une situation dimpuissance, limpuissance
à (en) finir : "Peut-on admettre den avoir fini, lorsquon
ne sait pas, lorsquon na pas appris, jamais, à écrire
ce mot-là, Fin ; le mettre au centre, au milieu, bien le protéger,
ne pas le laisser seul quelque part, isolé." Cette Fin de
partie, dans son échec assez beckettien, nexplicite ni
ne glose jamais les termes pourtant obsédants "fin"
et "finir". On ne saura pas de quelle(s) fin(s) il sagit
: fin de lécriture, fin du récit, extinction de
la parole, épuisement du corps ? Comme en écho au titre
du recueil, le mot fin ouvre et clôt ce cours récit, au
cours duquel le narrateur nen finit pas de décrire son
enfermement dans un lieu sombre, écarté, innommé,
qui interdit à la conscience de se fixer tout repère.
Une parole neutre sélève, dont le monologue passionné
traduit tout à la fois langoisse dune solitude qui
ne rencontre que sa propre ombre, et la terreur suscitée par
ce voyage (in)(dé)fini(tif) dune conscience confrontée
à un désir de meurtre qui peut à tout moment se
retourner en suicide. Cette parole asexuée qui rôde dans
le corps du narrateur assiégé, assailli, attaqué
par des forces et des menaces inassignables, dit toute la tension qui
entoure le mourir de soi et/ou le meurtre de lAutre (le récit
a été écrit sur fond de guerre dAlgérie).
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