lire, écrire : parutions atelier
Envie de lire - mais que lire ?
Deta Hadorn-Planta propose chez hep verlag un ensemble de 155 lectures dans le domaine francophone depuis 1945. Un répertoire audacieux, large, où la proportion d’auteurs féminins et de jeunes auteurs pourrait faire rougir de honte la plupart des manuels scolaires. Pour chaque livre abordé, une courte notice, un extrait, une présentation de l’auteur, enfin quelques pistes de travail : Deta Hadorn-Planta enseigne la littérature française à Bienne, aux étudiants suisses germanophones. On trouvera à la fin des index par auteurs, par catégories de lecture, et par thèmes. Ce livre devrait déborder les milieux "français langue étrangère", il est un remarquable outil de formation, de suggestions et d’ouverture, et met à mal les frontières de toutes sortes.
Sachant l’amitié qui les lie, 1 dans les 155, la présentation par Deta Hadorn-Planta de Moi les enfants j’aime pas tellement, d’Annie Saumont, avec l’extrait proposé (rappelons qu’Annie Saumont est née en 1927 : elle publiera à nouveau deux recueils de nouvelles à l’automne).
Moi les enfants j’aime pas tellement, d’Annie Saumont. Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, ils sont présents dans les onze nouvelles du recueil. Agaçant les adultes qui ont d’autres soucis et ne peuvent s’occuper d’eux. Car que faire d’un enfant quand on est une jeune mère seule et qu’on aimerait sortir et s’amuser un peu (Lis et tais-toi) ? Ou que l’on doit faire des ménages le soir flanquée de jumeaux qui ne tiennent pas en place (Y a des jours) ? La jeune shampouineuse par contre aimerait bien en avoir un à elle. Mais le rêve est lointain, la réalité fort différente (Shampoing traitant).
Les gosses sont parfois cruels entre eux. Une fois par semaine, le grand gifle le petit qui s’y prête sans renâcler (La gifle du mardi). Et pourtant, ils savent aussi être sensibles. Lorsque les gosses jouent au foot contre les habitants de la maison de retraite, ils laissent gagner leur adversaire. Ils ont bien le temps de gagner, disent-ils (Partie perdue). Et que deviennent les problèmes d’adultes dans le regard des enfants, quand la mère est malade (René, lui), ou que la mère vit des amours compliquées (Marie).Extrait :
Et puis, t’aimerais pas un jour vivre là-dedans ? Avec un homme et des gosses. En famille, quoi. Il a dit.
J’ai ri. Ça devenait comme un conte de fées. Et les achélèmes étaient comme un palais. Déjà, je m’imaginais dans la salle d’eau carrelée - lavabo sur pied, robinets qui ne fuient pas - faisant un shampoing à mes mômes.
Moi les enfants j’aime.
Un shampooing douceur. Aux extraits naturels d’herbe.
Le naturel, y a rien de mieux.
Des mômes blonds comme les blés.
Comme lui.
© Annie Saumont
Au cas où cela vous susciterait des envies de lectures, ou de cadeau... Les 155 propositions sont aussi classées, en visant les élèves du secondaire en Suisse germanophone (ce qui n’empêche pas Andrée Chédid ou Jean-Philippe Toussaint, Tanguy Viel ou Samuel Beckett, Amélie Nothomb et J-M. G. Le Clézio), en livres à faire lire aux élèves chez eux, livres à réserver au travail collectif en classe, et livres à lire "pour soi"...
 
Je ne suis pas venu en France pour des vacances
Mon histoire est simple. On pourrait la résumer ainsi. Je suis en France depuis trente-cinq ans. A Nantes depuis trente-cinq ans. Et dans la même boîte de travaux publics depuis trente-cinq ans également.
Nous recevons beaucoup de courrier nous demandant aide ou bibliographie pour les ateliers lecture ou écriture en illettrisme : le manque évidemment est criant. Le Centre interculturel de documentation de Nantes propose ce simple mais beau recueil de textes collectés auprès des résidents du foyer Sonacotra de l’île Beaulieu à Nantes, par l’écrivain Ilias Driss. Un grand respect, une fraternité, et de quoi nous guider dans notre propre écoute...
Les questions, on ne sait pas toujours comment les poser. Ni quand. On a confiance dans l’intuition.
Voilà donc leur parole, arrivée dans ma bouche. Comme si c’était la mienne. C’est la mienne. C’est la nôtre. Je m’y reconnais. En quelque sorte, on s’y reconnaît tous. On découvre un monde si proche et si éloigné, si isolé. On n’y croit pas. Mais c’est la réalité. Celle d’aujourd’hui encore.
Justement, il m’est arrivé de renoncer à l’enregistrement. J’écoutais, parfois, sans prendre de notes. Je rentrais chez moi et très vite, je mettais cela sur papier.
Illias Driss, extrait de la préface.
Passage n’est pas sans rappeler le journal de bord d’Albane Gellé à Rennes. Et c’est accompagné de quelques très beaux portraits photo...
 
les demains en l’air de "l’atelier du rilge"
Stéphane Lapeyre est animateur d’ateliers d’écriture à Montpellier depuis cinq ans (association les ateliers du rilge, en collaboration avec la librairie-bibliothèque scrupule, puis avec la villa olga [résidence d’artistes] et ART Compagnie [théâtre et lecture]) ; ses consignes tournent essentiellement autour du questionnement du réel, du récit contemporain, du discours ou de la narration, avec trois axes fondamentaux (images mentales, conscientisation de la voix intérieure, état de vertige lié à l’acte d’écriture).
L’ouvrage de 220 pages est en vente auprès de l’atelier du rilge.
Les textes, même s’ils restent dans le ton du chantier permanent de l’atelier, résonnent d’une qualité exceptionnelle, et il me semble nécessaire de les diffuser au plus grand nombre, parmi les amateurs du langage et à ceux qui le questionnent. Approfondissement de thématiques personnelles, souvent dans le méta, écriture à plusieurs mains, travail sur le rythme et la diversité des langues, sur les signes et la typo ou encore sur le détournement : on assiste là à une véritable pratique alchimique de l’écriture, qui offre un spectre chromatique de l’état de la littérature contemporaine, telle que la perçoivent non pas les écrivains d’aujourd‚hui, mais leur lectorat. [...] Dans la liste des écrivains dont je me suis servi pour élaborer les consignes : on y trouve Quintane et Novarina, mais aussi des classiques comme Poe ou Aragon.
Et je complète par quelques titres pris à la table des matières : monstres en mouvements, les demains en l’air, sphères migratoires, y laisser quelques plumes, démarrages, expansions, déclinaisons, premières langues, le poids du temps, egographies, addictions, peut-être, brumes (modeler la ville)...
On peut écrire à Stéphane Lapeyre pour recevoir un document PDF incluant sa présentation (un texte de 10 pages portant aussi sur la théorie des ateliers), et des extraits des différents chapitres. Mais pourquoi toutes ces expériences ne jugent-elles pas utiles de s’adjoindre un site Internet ?
 
fictions sonores à Toulouse
Passons sur le titre Des mots en l’air. Sous prétexte qu’il s’agit de fictions radiophoniques ? Ou bien parce que nos amis de Toulouse ont vraiment une grande fascination pour l’île de Ruach telle que l’invente Rabelais dans son Quart-Livre, où tout n’est que vent ?
Il s’agit d’un coffret de carton au travail graphique très soigné (il n’est pas coutume...), insérant un livret avec les textes, et bien sûr le CD audio rassemblant les fictions.
Ce qui est important dans cette initiative de la Boutique d’écriture du Grand Toulouse (Valérie Griffi, Philippe Berthaut et leurs amis), c’est que l’atelier d’écriture est le point de départ d’un processus complet, jusqu’à un état achevé et transmissible, une publication au sens strict,mais qui n’emprunte pas la voix du livre et n’en est que plus vivante (les textes ont été lu en public par l’Agit Théâtre dans les 11 communes de l’agglomération toulousaine).