Christian Congiu / Recette pour rester inédit
Christian Congiu est un des animateurs de Nouvelle Donne, le magazine de toutes les nouvelles, dont on conseille vivement visite du site. Il anime aussi des ateliers d'écriture basés sur la nouvelle. Rien n'interdit de comparer avec Baudelaire : Conseils aux jeunes littérateurs. téléchargement PDF du texte e-mail / courrier pour Christian Congiu

Restez isolé. Ne vous frottez jamais au milieu pourri de l'édition. Ne lisez jamais les textes des autres. Ne vous relisez pas, surtout pas à voix haute : ne vous enregistrez pas, par exemple, car vous risqueriez d'abîmer les défauts qui sautent aux oreilles et aux yeux. Ne tenez jamais compte des avis d'autrui : ce sont tous des jaloux qui essaient de vous démoraliser et de vous piquer vos idées géniales. D'ailleurs, ne soumettez jamais vos textes aux amis sincères. En l'occurrence, vous n'avez pas d'amis, c'est la jungle. Ou, au contraire, raccrochez-vous désespérément au commentaire évasif de celui qui, pour se débarrasser de vous, a trouvé votre production géniale. N'élaguez jamais. À l'inverse, ne développez pas une bonne idée. Une bonne idée doit se suffire : des noticules nonchalantes feront bien l'affaire (À bas l'exploitation de l'idée par l'auteur !). Ne vous préoccupez pas du format du support auquel vous vous adressez : en conséquence, expédiez une nouvelle de 18 pages à une revue qui ne peut en accepter que 8. N'apprenez pas à compter le nombre de signes. Tout cela n'est que cuisine pour ces sous-fifres que sont les animateurs de revues. Dans le même ordre d'idées, ne ciblez surtout pas : envoyez à une revue de Science-Fiction des souvenirs intimes relatant vos premiers émois amoureux en 1965. Ne croyez pas en la contrainte. Surtout pas en matière de Nouvelles. Le génie, n'est-ce pas, est sans bornes. Pensez fortement que tous les éditeurs, grands ou petits, ne sont que des ignares, des voleurs, une maffia enfin qui ne prend jamais les jeunes. Ne formatez pas vos textes. Le génie doit se reconnaître dans le brouillon ; C'est aux misérables lecteurs de démêler l'essentiel du provisoire. Attendez qu'on vienne vous supplier à genoux de bien vouloir faire l'offrande au monde ébahi de quelques-unes de vos simples approches. Comptez-vous au rang des vrais génies qu'on a réellement censurés. Pensez que la spontanéité seule est valable, que tout le reste n'est que stratégie digne de Barbara Cartland. En conséquence, ne travaillez jamais votre production. À la limite, n'envoyez pas vos textes, l'univers se repentira, à votre mort, de vous avoir ignoré. D'ailleurs, mourez !