Alain Freixe / Couteaux d'été
hommage au peintre Martin Miguel

Alain Freixe a aussi écrit dans remue.net sur le peintre Max Charvolen

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Né le 14 février 1947à Nice, Martin Miguel a fait ses études à l'Ecole des arts décoratifs de Nice. Renvoyé en même temps que Dolla et Maccaferri et pour les mêmes raisons, il passera son diplôme aux Beaux-arts d'Aix-en-Provence. Dès son retour du service militaire, en 1968, Miguel travaille avec Alocco, Dolla et Maccaferri et se retrouve avec eux dans le groupe INterVENTION. Puis il fonde le Groupe 70, avec Charvolen, Chacallis, Isnard et Maccaferri. Le travail de Miguel s'oriente dès le début sur des préoccupations de mise en espace jouant sur le manque ou la rupture, et dans lesquelles les objets et outils de l'art ne sont jamais pris comme données évidentes. Outils, supports, pigments, modèles sont à la fois ce dont le peintre se sert pour construire les objets plastiques et ce que les objets lui permettent de construire. Ainsi de "L'Espace mental" de 1968 construit autour d'une découpe et d'un vide, aux montages de peinture et béton bâtis autour de fragments d'encadrements de portes et de fenêtres de ces dernières années, son travail creuse l'une des problématiques en raison desquelles s'étaitconstituéleGroupe70. Raphaël Monticelli (CAIRN).

Les couteaux d’été
© Alain Freixe - © Martin Miguel

Derrière la bouche, ce qui compte est sans voix.
Et sans sommeil, dans la nuit du sang. Ce murmure.

*

Comme il fait froid!
C’est comme si les cartes sous nos doigts avaient gelé. Par où passer, si nos chemins n’ont plus de pays, si pour nos paroles il n’est plus aucun temps ?
Comment quand l’aube même hésite à basculer dans le jour sortir sous les bandes des nuages? Comme on se sent perdus!
Quand s’éboulent les cairns et que s’effacent les mots de passe du sourire de ta voix, toutes les pierres se ressemblent. Reste le ciel. Dans le vent extravagant. Sa poudre. Son explosion. Ces hoquets de bleu dans tout ce gris qui flotte, s’égoutte et sans éclat passe. Longe les bords. Avant de filer vers les bas.

Comme il fait sombre!
En ville comment trouver la rue, la façade et le sac de celui que la seule faiblesse tenait debout entre deux pluies. Deux vins. Deux froids. Sous l’oeil mort de l’ordre et la langue aveugle des passants.
C'était quand déjà?
Cela dura des jours avant qu’il ne se plie dans un angle. Tassé en sac. Serré en noir. Contre d’autres pierres noires. C’était juste avant que les nerfs ne se rétractent et que dans le vide pende une douleur. Déjà passée. Morte. Dans le soir des chairs remuées.

*

Ce monde en flammes que laisse-t-il aux terrains vagues dans les feuilles dispersées de ta vie?
Est-ce nuit sur la peau ou feu d’encre dans l’œil ce fusain qui se heurte à ce qui sous la surface attend? Grains de lumière qui te voue aux couteaux. Au suspens des blessures. Au pont des entailles. Quand les chairs se retirent dans l’humidité boursouflée des bordures que tes doigts ont caressé et gonflé jusqu’à accueillir la netteté cassante des lames du papier pour une lumière inattendue entre arêtes et tranchant. Comme un été.
Et dans ses ondes s’enlace le secret des séries noires. Echancrées. Eclairées de ce qui du fond remonte et coule sur les bords nus et violents des lèvres de ces lézardes
toujours à balbutier à bégayer à boiter dans la chair impossible de la jointure. Notre vérité. Levée depuis ces échardes ces visages dénoués noir sur blanc et qui s’effilent dans l’aigu tandis que tout autour s’aggrave la clarté.*

Derrière les yeux, ce qui compte est sans regard.
Et sans lumière, dans le jour de la mémoire. Ce vacarme.




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