partir ne fut pas difficile le bord
de mer n’est plus que contracture le béton ravage les ovaires
même
la marche vers le haut-pays conçue alors comme une liturgie
du baptême au partage trois montées autant dire un retable
à trois compartiments
prédelle
en ce monde sans lieux la fécondation et l’engendrement
ne sont que compositions de fortune
et toute chair que l’on priverait d’alcool se décomposerait
en simple texture d’urgence
tu avances maintenant sur cette zone de racines nouées elles se
dégagent parfois de la terre pour aller comme cordes incisées
de lumière et désignant le vide
tu veilles à ne pas les effleurer car d’un claquement de
paupières elles sont vipères défiant le silence
l’intensité de midi agit comme un appel du sang pour ces
morts qui se cambrent encore dans la pierre
dans l’étirement d’en bas passent aussi un peuple de
poussière et son troupeau de bêtes dépareillées
aux ventres las
il te faut donc avancer dans le mystère béant du corps et
rencontrer des hommes dont les mains offrent des clous rouillés
aux relents d’urine
saisie par les poumons la trahison entre en toi comme combustion des siècles
elle sera par le souffle retenuela roche se défait dans le temps
comme une dent érodée elle libère un nerf à
vif
sur ce sentier tout point d’arrêt menace de devenir pôle
d’infection
il conviendra de cultiver la patience du geste s’approcher de Judas
l’Iscariote au ventre désormais béant
et purifier son abdomen en curant les cavités iliaques les frottant
même de lavandes sèches
et participer ainsi sur le mode mineur à la révélation
le val d’enfer se situe dans ce corps traversant murs de mouches
et les sarcasmes
et qui accepte pourtant la rage de la montée
l’eau pourrait bien être ici un miracle déserté
un bourdonnement insistant pour se mêler à la foule
je serai de la procession des échos calcinés
dans le bourdonnement du soleil sur les ordures de la cité
l’ânon sous le pas de sa mère tire un lait de senteurs
1ère montée
1. et maintenant et pour longtemps en cette lumière
ne plus avoir affaire qu’au souffle des pierres et aller donc dans
la régulation des odeurs
2. que chaque avancée soit accomplie pour dénouer
le fer enserrant encore la roche du lieu
3. dans la concentration du pas vient s’encastrer
le balancement du monde le chaos des pierres s’imprègne comme
un signe des origines
4.l’éboulis à peine convulsé par l’émergence
des lézards te dit les précautions prises en son temps par
le lieu
5. une ligne droite et longue est soudain tracée
par le soleil dont les éclats tombent comme cris d’effraies
dans l’effroi de la montée
6. retrouver par ces voies l’innocence de la sueur
et l’innocence du sel
7. dans ces intensités ces extrémités
on voit se dessiner les galbes de l’amante non loin
8. dans les replis l’enfant qui conçoit
la paix comme une stèle d’accompagnement
9. ce lieu peut être saisi à hauteur de
verre le vin dans ses veines
10. je me trouve à mi-chemin presque sur le point
d’accepter l’ombre comme signe d’humilité 11.
au loin comme depuis des siècles la mer s’est retirée
laissant néanmoins sa fluidité aux filaments d’herbes
sèches
12. les pavés sont ici comme mâchoires
de l’instant enfin écartées
13. la succion de l’entonnoir acceptée
par incandescence.
14. les arbres se font implants tenaces et lieu d’accueil
temporaire
15. sentie dans l’ombilic des lumières la
chair s’installe sous l’armature des hanches
16. ton instant est désormais ponctué
par la route et ces bornes romaines solaires même
17. de la sorte basculent dans la cadence des pas inversés
le ciel laiteux et ses nuages d’huîtres
18. s’ouvrent le flanc aride de la fécondité
19. la matrice circulaire des nourritures psalmodiées
20. et la scansion de l’eau se fait dans le fracas
du corps
21. la violence d’arrachement que demande la marche
est la même que celle que réclame le poème
2ème montée
1. dans les entrelacs de la ferraille sèche
tu as ce matin le sentiment d’accéder à la vie par
une chair rouillée auréolée de poivre
2. ici au moins tu ne décevras pas les pierres
3. ta seule tâche est d’arracher des pas
et d’en témoigner
4. il en va tout autrement avec ces êtres aux chevauchées
de mouches rencontres faites dans des zones de hangars aux paiements étoilés
5. le chemin qui s’abreuve ici sait également
le roulement des voix les déchirements des étoffes et les
déchirures de la peau aujourd’hui vendues en location
6. comme cygnes glissant sur des eaux lustrales
7. ami tu vas aujourd’hui par le souffle apprendre
ces longues lignes empierrées par lesquelles tu te retrouves sur
les flancs ensoleillés des femmes
8. ceux qui en noir et blanc intensifient les rêves
des uns et puis des autres mais où donc triomphent les hymnes
9. il nous faut redécouvrir ces femmes neuves
du matin
10. par la torsion des reins naissent en contrebas dans
les éboulis des époques des peuplades ininterrompues
11. il est donc des morts qui n’ont pu résister
à la pulsion des pylônes et d’autres dont le sourire
s’est instantanément figé dans la salive
12. tu perçois bien avec ces buissons de cris
en échardes que des gens se pressent en bas dans le florilège
rauque de la logique des ordres murmurés
13. se dira toujours l’avenir cette dolente rumeur
dans l’épanchement des plaies
14. il faut avouer que les élans protecteurs nous
viennent de bureaux fermés de longue date à peine présents
dans le souvenir
15. dans la sécheresse de la marche se recompose
l’épaisseur
16. aux détours des crêtes les chiennes
lâchent la senteur de leurs ventres constellés en semences
battues
17. naissent les violences charnelles de la canicule
18. et si l’homme pour arrêter la peste acceptait
le déchirement
19. dans cette coupole calcaire dans cette armature de
côtes arrachées à l’arche sur ce chemin qui
ne saura pas longtemps assurer la bénédiction du sol tout
effondrement est fait pour que s’y encastrent les bouches purulentes
20. l’autre est là qui attend sa part de
manteau
21. je cheminerais ainsi avec toi par des voies de discrétion
et quand nous reviendrons nos fenêtres seront à nous-mêmes
fermées
3ème montée
1. c’est une terre de paysages souffrants et l’on
y va en des matins rêches avec le pas heurté des convois
dérisoires
2. dans la fracture immédiate des collines passe
le sang des hommes.
3. par ici les forêts sont grises et disent la
vanité et l’incandescence des êtres
4. dans le déferlement des pas et des arbres
se formule la transe dire ce qui se fera et sera sous les aisselles déphasées
des ornières.
5. et dans leur sueur
6. creuser ainsi l’espace pour que les collines
connaissent enfin un sens aller comme pour se définir dans le mugissement
du verre.
7. l’azur acide trouant la pâte du lieu
l’étirant comme sable en fusion
8. tel est l’espace de l’union il est des
lèvres ouvrant le passage et des chiens qui se vident dans un spasme
de lumière l’organe s’agence
9. comme traversant le mugissement de ce monde de vacarmes
fourbu se crée en coupole l’extase du corps.
10. la voix peut même en ce lieu souffler la présence
des arches définir la forme des crues par le sang libérées
11. dans la brume les mains façonnent les hanches
et dans la chaleur noire des femmes circulent des corps incisés
en vrille 12. se pleure à genoux la confusion des pierres par le
temps sanctifiées
13. la détermination des veines rétablit
la conscience
14. frères de hanche démise et de marche
forcée vos composantes calcaires offertes vos luxations dans le
martèlement des battues composent nos pas
15. elle marchait les seins lourds comme actions de
grâce glissant sur des instants de solitude le sentier se faisait
toujours plus abrupt vers l’œil de la coupole
16. soutenue par l’arc des collines sa voix n’était
que mouvement de lessives disait-elle il faut oublier la mer dont la grimace
ourlée de béton ne constitue que bord figé
17. il nous faut oublier cette côté tirée
de nous- mêmes désormais livrée comme à l’étal
18. aucun pas de lumière ne peut se faire sur
ces galets monnayés ensablés morts à toute revendication
19. disait-elle et l’ascension dénouait
la sueur comme pleurs en signes salés de l’ampleur des entrailles
20. car l’union ne s’accomplit que sur
la pierre interne des ventres là où se noue le divin et
qu’était-elle sinon un guide à la sueur savoureuse
à travers l’odeur des arbres
21. elle marquait le manque d’eau et de parole
nous avancions désormais vers l’arc central et l’on
entendait déjà la Siagne sur ce rocher fracassé
c ’était hier et par les ratures du corps fut dit l’émerveillement
Grasse, le 24 juil.-03.
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