1 – LA
DANSE DU LIVRE (extraits)
Le temps partagé, et, dessous, un langage
qui couve.
Au creux de l’oreille on susurre des mots doux, provisoires, délicats.
Et on plonge dans l’abîme que le langage creuse quand on s’avise
de parler.
L’écriture nue est un viol, une perversion, un meurtre.
Sa place jusqu’ici ressemblait à celle du modèle en
peinture, mais au lieu de poser devant moi, nue, à telle date, selon
telle fréquence, c’était sa vie, sa vie de corps auprès
de moi qui constituait en quelque sorte son temps de pose.
Est-il des mots à hauteur de ces corps splendides et uniques qui
peuplent le cœur de l’errant ? Et lorsqu’un seul être
rassemble toute la beauté en son multiple, y a-t-il seulement un
langage océan qui se plierait aux couleurs de cet être unique – ciel
, infiniment ciel ? La nuit s’enfonce dans des sommeils d’argent
où les fêtes solitaires psalmodient le nom de l’aimée.
Bientôt au cœur du vide, le dormant hisse les voiles de telle
femme qui palpite dans ses reins et ses rêves, et le vent, tout aussi
femme, le guide assurément. C’est tout un monde qui sort de
ses mains tournées aux embruns dits de l’amour, et fût-elle
loin, cette femme, en vérité, tout la rapproche des côtes
intimes du voyageur. Le voilà, ainsi, qui dort, au plus profond
des paroles, dans la nuit claire où s’exposent nus les désirs
hommes à dire « femme » –celle-ci, ceinte du collier
sonore de son nom, et ainsi, toute une nuit.
Crime au départ du poème. Le chant poétique a pour
fond obscur le viol : l’usage violent de la femme.
De vivre si souvent auprès de vous, j’ai un jour formé le
désir d’écrire sur vous.
Sur chaque partie de votre corps.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture,
nom retiré)
2 - FEUILLE BLANCHE (extraits)
Feuille blanche – excuse – mes mots, la pression de mes doigts
sur le stylo, il est mal, il écrit, tu es belle – tu étais
propre – maintenant tu es enceinte de mes mots, c’est un acte
d’amour, et celui-ci n’est jamais propre – ce n’est
qu’un plaisir, ce qui compte, n’est-ce pas ce que tu cherches,
belle feuille ? tu es généreuse ! je comprends que tu ne
veuilles pas rester aussi blanche, propre – neutre – sans connaître
le plaisir, celui d’écrire, simplement écrire, et tu
aimes quand – ça vient – comme ça.
Je t’aime comme un homme avec une femme. Mais avec toi, il y a le
silence ! ! ! ! ! ! ! il pèse lourd. Tu es le bonheur, et le malheur
de l’homme. eh oui, comme toujours ce n’est pas de ta faute.
Et je sais pourquoi – parce que tu es enceinte des mots – de
ceux que t’aimes pas.
Mais, moi non plus !
Mais tu étais présente, et j’étais là – et
le stylo aussi.
Donc ne pleurniche pas, c’est ça d’être enceinte
ma belle – et je suis le responsable. Ah ! oui, c’est juste
ton expression de joie ! O.K – je comprends.
Et bien – c’est parti pour une longue histoire…
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture,
nom retiré)
3 – THEATRE DE LA PRISON
(extraits)
Tout à l’heure je vais en prison. Au bord de la prison, locaux
administratifs. Pas encore besoin de papiers, d’autorisations. Rendez-vous
avec le directeur. Dans la salle où se trouve deux maquettes de
l’établissement.
Introduction verticale, par le haut. Par le plus haut possible : projet
national, Ministère de la Justice. S’assurer de cette entrée
la plus hiérarchique possible pour s’assurer la connexion
avec le plus bas qui soit : les détenus, le crime, la peine, le
temps immobile.
Pourquoi ça ? les raisons ?
Les raisons errent.
Cette entrée la plus hiérarchique possible pour s’aménager
une entrée la moins morale possible. Y a-t-il autre chose que l’art
pour travailler l’honneur de ne pas être moral.
Morale de gardes-chiourmes.
Mon numéro d’auteur à la SACD : 60485/15.
Qu’est-ce que j’ai fait ?
Quelle culpabilité ? quelle peine, quelle purgation ?
Cette intrusion narcissique.
Amadouer cette tentation.
Moi qui ai toujours voulu gagner mon innocence.
Symptôme : ce n’est qu’auprès de Dieu que j’ai
pu parler de mon innocence. Seul le contact divin me fait approcher de l’innocence.
C’est idiot mais c’est comme ça.
Mais c’était encore trop mentir. Si on ne dit pas, décrit
pas les choses telles qu’elles sont, c’est le mensonge qui nous parle.
L’infini désir de mensonge.
Il pleut, il pleut et il pleut. C’est la fin octobre.
Quand je suis seul à seul avec un de mes fils : je peux mesurer mon devenir.
Plus de dix-sept ans pour calmer la faute d’être. C’est microscopique
comme sensation. Dans le train, avec le fils qui me dépasse d’une
tête, entouré d’un essaim de donzelles. A parler. Sans ce
trouble lié au silence, à l’impossibilité de parler.
Le temps présent, dans le train, qui ne serait plus doublé par
cet autre train : le passé du temps, l’ancienne faute, l’ancien
malaise.
Il n’y a pas de plus grande splendeur que d’être père.
A l’intérieur de la prison, être prêt à parler
de la pluie et du beau temps.
Ce matin, le jour se lève avec son paquet d’obscurité. Il
y a ce public pris en otage à Moscou. C’était quoi, le spectacle
qu’il regardait ?
Je ne vais pas rentrer dans une prison politique. Faire en sorte que chaque détenu
devienne un prisonnier politique, disait Armand Gatti. C’est-à-dire
redevenir sujet, gagner l’inaliénable de la liberté. On ne
peut pas parler de souveraineté sans déboucher sur le sens politique.
Faire quelque chose de cette ouverture qui s’opère dans la pensée.
Conscience disait-on, ouverture de la pensée, dira-t-on aujourd’hui.
Je ne suis pas un aumônier, mais je vais rencontrer l’aumônier
de l’établissement. les médecins et infirmiers.
Tout parcourir, les murs, les portes et les gens.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré) 4 - KLELOS, SORTIE DE BOITE - (extraits)
Sortie de boîte une foule de personne n’a qu’une hâte,
aller se faufiler dans le meilleur endroit qui puisse exister à cette
heure-là, son lit, surtout après une douzaine de whisky coca, quelques
dizaines de centimètres de fumette et des heures de pseudo danse. J’ai
dit une foule pardon sauf une vingtaine de personnes qui ont envie de prolonger
l’after d’une étrange façon, « Qu’est-ce
que t’as à me regarder » crie Pepito, six mots si dangereux à cette
heure-là, « Va te faire enculer » réplique un bon quatre-vingt
quinze kilos, les deux amis de Pepito, Klelos et Face assistent à la scène,
menaçants. « Attends ! » et Pepito se met à courir
ses deux potes le suivent sans réfléchir Pepito arrive à sa
voiture ouvre le coffre et sort un U en granit qui sert d’antivol pour
les motos, Klelos ramasse une pierre de quelques kilos et voilà les trois
qui se remettent à courir vers l’entrée, arrivés sur
place une mauvaise surprise les attendait : le quatre-vingt quinze kilos s’était
transformé en cinq cents kilos, ils étaient sept à les attendre,
sous alcool ça ne change rien pour nos trois amis, « BAM ! » Pepito
place un coup de U sur la tête du premier le sang a giclé tellement
loin que Klelos qui était à quelques mètres en a reçu
sur sa chemise, lui-même enchaîne un coup de pierre sur l’épaule
du second qui est tombé comme une feuille morte, Face place un coup de
poing sur la tête du troisième, on avait l’impression que
rien ne pouvait les arrêter en quelques secondes ils ont allongé les
sept lascars ces cons de videurs qui ont tout vu se sont décidés à réagir
en aspergeant les trois compères de gaz lacrymogène et là même
saoul on dessaoule vite fait, les trois ne savaient plus où donner de
la tête ils ne voyaient plus rien criaient de douleur, les autres acteurs
de la soirée regardaient ça comme un film ou une pièce de
théâtre, après quelques secondes de douleur Klelos parvient à s’essuyer
les yeux le temps de se retourner et les sept par terre s’étaient
retransformés en une vingtaine de lascars courant vers lui affamés
de sang on aurait cru un troupeau de bisons avec le nuage de fumée, dans
une situation pareille nos amis ont une fraction de seconde pour choisir une
des deux options qui se présentent à eux, se mettre en boule et
attendre que ça se passe ou prendre ses jambes à son cou et ils
n’ont pas traîné c’est incroyable la vitesse qu’on
a dans ces cas-là les voilà tous les trois courant vers la lumière
du péage qui se trouve à trois cent mètres de la boîte,
le troupeau derrière leur jette dessus tout ce qui leur tombe sous la
main, du bout de bois au portable sans pour autant les toucher, nos trois amis
parviennent à les distancer de quelques secondes juste le temps pour Klelos
d’ouvrir une porte au niveau du péage il s’infiltre dans une
sorte de sas en verre il a toujours la pierre avec lui il regarde le gardien
et le supplie presque de ne pas attirer l’attention sur lui, et pour la
première fois de sa vie Klelos est content qu’on appelle les flics.
Pepito et Face ont continué tout droit vers l’obscurité,
Klelos, lui, fait très attention de ne pas faire un bruit la vingtaine
de sauvage tourne autour du péage proférant toutes sortes d’insultes
il y en avait deux qui se chamaillaient, l’un reprochait à l’autre
de ne pas les avoir attendu à la sortie.
De longues minutes passent, Klelos allongé par terre serrant fort sa pierre
se refaisait le film de cette soirée il était dégoûté car
il n’y était pour rien dans cette embrouille. Il reprochait à Pepito
d’avoir créé une série d’événements
malheureux juste avec quelques mots, dits à une heure qu’il ne fallait
pas, à une personne qu’il ne fallait pas. Quand on est bourré on
se croit invincible.
Soudain plus un bruit, à l’évidence ils avaient laissé tomber,
Klelos tend l’oreille vers la porte il entend des bruits de chaussures
claquant sur l’autoroute il lève la tête c’était
Face il était content de le revoir sain et sauf il se leva donc et lui
ouvrit la porte pour l’aider à se cacher malheur ! les bisons étaient
derrière lui plus affamés que jamais, quasiment à sa hauteur,
en voulant aider Face il s’est jeté dans la gueule du loup et c’est
là que se présente la seconde option, quand on n’a pas le
temps de courir on se met en boule et on attend que ça se passe, Klelos
appelle ça danser la polka, le lynchage a commencé.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré)
5 - « GEORGES WHITMAN BUSH » (à partir
d'une lecture de Walt Whitman)
Il y a des moments où il faut laisser ce qu’on est en train de faire
parce que quelque chose arrive. Mars 2003 nous arrive, on attend une déclaration
du Président. On attend sa déclaration de guerre.
Ce n’est pas très nouveau, de laisser ce qu’on est en train
de faire parce que quelque chose arrive. Je crois bien même que tous les
jours c’est la même chose, on laisse ce qu’on est en train
d’être parce quelque chose arrive.
Là où nous sommes il fait un soleil frais et les oiseaux naissent
dans la partition du jour, ils font partie de ce qu’on a à chanter
aujourd’hui. Chaque jour nous entamons un chant que nous ne savons pas
clore à la tombée de la nuit. Et pourtant, nous le sentons bien,
chaque jour a sa perfection, mais notre pulsion à contrer le jour au sein
même du jour nous noie dans le désordre, dans l’entropie
des jours et des chants.
Je suis un petit Français de rien du tout. Une vie obscure, tranquille,
effacée, un confort moyen, très moyen, il suffirait d’une
petite claque, d’une petite pichenette économique, familiale, ou
d’une petite maladie mortelle, ou d’une soudaine affaire de justice
ou je ne sais quoi encore pour faire de moi un Français du bas, et il
y a maintenant si longtemps que nous nous sommes moulés dans le style
dépressif que rien n’assure que je m’en sortirais mieux qu’un
autre, dans cette vie basse.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré)
6 – LE LIVRE DES QUESTIONS
(extraits)
A qui…
Qui ça peut bien intéresser ? mes écrits, mes
mots, mes
dires !
Je le fais quand même ! même avec mes doutes.
Suis-je capable d’un tel exploit ? faire comme les grands, écrire
ce que les autres aiment lire.
J’ai peur de tomber dans le ridicule mais, je le fais quand même.
J’écris !
Je sais. Je ne suis pas du monde d’en haut mais je ne vis pas non plus
en enfer même si je ne connais pas le paradis, moi ! pauvre pécheur
!…
Qu’est-ce que je peux dire qui n’est pas encore dit ?
Qu’est-ce que je peux faire qui n’est pas encore fait ?
A quoi je dois servir ? est-ce que je me comprends moi-même ?
Peut-être que oui ! puisque je le dis ! pas comme les autres ! mais comme
les autres, je dis que le monde c’est nous, comme pour dire que la terre
est ronde. La terre, ma planète.
J’y vis depuis longtemps et je me rends compte seulement maintenant que
le chemin que j’ai emprunté ne mène à aucun boulevard – mais,
je n’ai traversé aucun désert, puisque je n’ai souffert
ni de soif ni de faim. Mais… de savoir.
Suis-je capable de me laisser lire ? ou de m’entendre dire que le savoir
c’est quelqu’un d’autre ? et que ça, je devrais le savoir
? puisque je ne peux pas tout avoir ! Mais…
Je ne demande pas plus que ce que je dois avoir comme bagage, alors, qu’est-ce
que je dois emmener d’autre ? le jour où je partirai. Ou alors,
qu’est-ce que je dois laisser derrière moi ? qui ne doit embarrasser
personne !
Je dois me garder intact en voulant changer quelque chose mais pas le monde.
D’ailleurs, je ne sais rien de lui. Je crois même que je n’ai
jamais cherché à le comprendre ou alors, on ne s’est jamais
compris !
Suis-je capable de rester simple tout au long de mon discours ? ne vais-je pas
ennuyer ta philosophe de vie ? tout le monde quoi !
Pourtant, je suis persuadé que quelqu’un écoute mes envies
et envie mes désirs.
J’attends de savoir si mes écoutes sont comme des silences de respect.
Mais… saurai-je un jour, ce que je dois savoir ? à qui je dois m’adresser
? et est-ce que j’aurai une réponse ? L’important pour moi
c’est de savoir que je dois quand même faire ma propre démarche
pour que la vérité puisse se dévoiler d’elle-même.
Suis-je capable de renoncer à tout, pour comprendre toute la complexité de
mon existence ?
Je ne veux pas non plus envahir mon existence de trop de questions afin de répondre à l’essentielle
! mais vais-je la reconnaître ? parmi toutes celles qui me tiennent à cœur
? !…
Si un jour j’entends mes écrits résonner dans la bouche d’un
semblable, je me dirai que quelqu’un essaie de me comprendre ? peut-être
? ou alors ! n’a-t-il rien d’autre à faire ?
Si quelqu’un me demande, mais, pourquoi écris-tu ça ? je
lui répondrai quoi ça ? et s’il insiste, je lui dirais tout
simplement que, du temps des encriers, j’étais absent, oui, j’étais
toujours absent, mais !…
Heureusement, avec le progrès, l’encre est devenue moins salissante,
et il y en a de toutes les couleurs, comme pour chaque sentiment de l’instant.
Ou pour chaque châtiment.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré)
7 - « GEORGES WHITMAN BUSH » 2
(extraits)
Il n’y a pas de premier mot.
Il n’y a que des premières bombes.
La guerre, celle-ci, illégale selon la fragilité du droit, légitimée à toutes
forces par la force, l’intérêt et le mensonge, le mensonge à l’origine
de tout.
De tout.
Nos paroles s’incurvent, glissent dans la poche de gravité des bruits
de bottes, la parole défile dans la rue les pieds nus.
Une guerre est faite de mouvements .
A distance, dans la proximité mondiale, ces mouvements nous mettent en
contre-mouvement, nous nous sentons agités. Par quoi vraiment ?
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré)
8 – ECRIRE POUR ME SAUVER
LA VIE (extraits)
«
Elle dit : « Antigone, Larissa et moi, nous écrivons depuis bien
longtemps, mais tout ce que nous avons écrit aurait aussi bien pu se dire. Œdipe écrit
des choses qu’on ne pourrait pas dire. Peut-être que l’écriture
va devenir plus humaine que la parole. » Œdipe sur la route - Henry
BAUCHAU -
A ce jour, le compte des semaines, des mois, des années passés
loin du cercle familial, de ma terre ou d’une terre, loin de chez moi et
loin de moi, me laisse songeur. Il m’impressionne par sa longueur, sa disproportion,
quand l’exception devient la règle et que la règle ne veut
plus rien dire. Parce qu’un trop long temps la règle n’a pas été entendue,
n’a pas été comprise, n’a pas été assimilé.
Quand la parole, jaillissant en flots bouillonnants, en torrents tumultueux que
rien n’arrête, a tout ravagé sur son passage. Ne reste que
le silence. Des mots pour rien. Des mots mal dit, mal exprimés. Non entendus.
Non entendables.
Puis vint l’écriture. Puis vint la lecture … A moins que ce
ne soit l’inverse. Mais est-ce important, Ecriture et Lecture ne vont-il
pas de pair ? Nous lisons tous, mais nous nous différencions par le choix
de nos lectures, et ce que nous en faisons. Qu’est-ce que nous faisons
quand nous lisons ? Que recherchons nous ? Que trouvons nous ? Nous écrivons
tous. Certains ne font qu’écrire dans leur tête. Cela leur
est-il suffisant, où ne souhaitent-ils pas, ne peuvent-ils pas passer à l’étape
suivante. D’autres écrivent des lignes, des pages, des tomes qui
ne seront lus que par eux, n’intéresseront qu’eux. Qu’est
ce que nous faisons quand nous écrivons ? Que recherchons-nous ? Que trouvons-nous
?
Je chemine vers mes quarante-cinq ans l’âme souffrante, blessée.
Paroles, Lecture et Ecriture ont été pour moi des béquilles,
des moyens de comprendre le monde et ce que je suis. J’ai parlé,
j’ai lu, j’ai écrit pour m’apercevoir que tout cela
n’était que des mots pour travestir une réalité indicible
: la solitude. A cette solitude s’ajoute, à moins que cela n’aille
de pair, une difficulté à communiquer évidente. Une difficulté à aller
vers l’Autre. A aller à sa rencontre, le reconnaître pour
ce qu’il est. Mais je vais un peu vite, car j’en suis déjà à la
conclusion. Recommençons l’histoire. Relevons en les pics, les points
remarquables, et voyons ce qu’ils veulent dire. 9 - « GEORGES WHITMAN
BUSH » 3 (extraits)
Encore louvoyer ruser tromper feinter c’est avec l’esprit humain
que nous combattons c’est contre lui contre sa volonté impérieuse
de non-savoir et sa férocité de tout-savoir, contre sa volonté de
pouvoir, d’accaparement.
Aucune guerre n’est comme les autres guerres. Celle-ci nous engage jusqu’à la
fin de notre vie. Comment à l’intérieur de nous nous sentons
ce virage et ce sale désir d’accident qui va avec, comment à l’intérieur
de nous le monde nous sent.
Il faut intensifier la tranquillité. Toi là-bas plongé dans
la honte de l’excitation guerrière, cette sale jouissance d’enfant,
dans ta production hollywoodienne, repose-toi un moment ici, bois un peu, cette
eau est tranquille.
Je ne parle pas pour rejoindre l’actualité mais pour m’en
défaire, pour me défaire de ce costume qu’on m’enfile
de force, je parle pour continuer mon travail d’homme, qui est un travail
de traduction, le nom d’homme a besoin d’être traduit dans
des langues qu’on ne connaît pas encore.
Que chacun donc raconte sa petite vie là maintenant, c’est le seul
témoignage valable contre le mensonge de la guerre. Raconter sa petite
vie c’est lutter contre son mensonge, c’est ça le travail
du poème, non ?
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré)
10 – QUI ES-TU? (extraits)
Tout à coup, j’ai vu l’homme qui m’a donné du
fil à retordre.
Ce jeudi soir, après une grosse fatigue, je vais me coucher plus tôt
que d’habitude.
Je suis probablement entré dans une phase profonde et mon subconscient
a pris le dessus. J’ai vu l’homme qui m’a donné du fil à retordre,
pourtant, je n’avais pas du tout pensé à lui, de la journée.
Renaît cette question « Qui es-tu ? » Tout simplement, je lui
réponds :
– « Je suis je ! je qui peut-être un jour te connaîtrai dans
ta colère, dans ta bonté et sans oublier probablement dans ta frustration.
Je suis celui qui peut être insolent, indifférent, inadmissible
et incroyable.
Ce je que je crois connaître, et qui n’en est rien.
Ce je qui croit être un petit je, et cependant est un grand je majuscule,
et incommensurable.
–
Répondre à une question n’est pas toujours facile, surtout
quand vous ne vous y attendez pas.
Je contre-attaque en lui disant :
–
Mais pourquoi cette question que tu m’as posée : qui es-tu ?
–
Tu n’as aucune obligation de me répondre si tu trouves ma question
curieuse, ou embarrassante.
Je lui dis :
–
je te répondrai, car j’estime que toute réponse mérite
réponse. A fortiori… »
Et ! Subitement, je me suis fait réveiller en sursaut par un bruit venant
de l’extérieur, et qui nous a coupé notre communication !
Après coup, je me suis rendu compte que c’était un rêve
et ce rêve m’a paru presque réel contre toute attente.
Dommage, j’aurais voulu que ça continue.
Sapristi de bruit qui m’a réveillé !
Ce bruit n’est autre que Monsieur Pépé qui frappe à ma
porte.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré)
11 - « GEORGES WHITMAN BUSH » 4 (extraits)
Il est temps de lire ce matin un bout de Whitman
Alors je reprends
Whitman
je reprends
la Chanson des Occupations
je reprends
cette folie Whitman arrimée à la volonté des mots qui forniquent
avec l’univers je reprends le poème politique de Whitman je reprends
sa politique du poème son utopie sa dérive des continents c’est
comme si le corps se tenait toujours à la racine du poème
Le poète dans le berceau du capitalisme dit j’apporte la valeur
pure il ne divague pas ce bonhomme-là il a fait du commerce il a spéculé une
affaire de maisons à Manhattan voilà exactement ce qu’il
dit : « j’apporte ce que vous avez, dont vous avez tous besoin, Non
pas l’argent, l’amour, les habits, le manger, l’érudition,
mais bien mieux, Je n’envoie ni agent ni médium, n’offre nul
représentant en valeurs, j’offre la valeur pure. »
Alors je reprends
Whitman
je reprends
la Chanson des Occupations
je reprends
cette raison Whitman bricolée avec le mot démocratie avec le mot
en-masse
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré) 12 – VOILA MA VIE. (extraits)
Je suis très content d’avoir écrit cette histoire qui m’a
fait repenser à ma vie. J’ai été aidé par deux
personnes que je remercie beaucoup. Sans elles, je n’aurais pas pu faire
ce livre. Si vous le voyez pour le lire, je pense que ça vous fera un
très grand plaisir. Et maintenant je vais finir ma vie encore pour quelques
années. Je ne sais pas encore le temps que je vais vivre.
«
Mon âme me dit : viens
Nous allons écrire des vers pour mon corps (nous ne faisons qu’un)
De manière que, si je revenais invisiblement après la mort
Ou très très loin d’ici dans le futur, dans d’autres
sphères,
Et que je recommençais à chanter pour un groupe d’amis
(Tenant compte du sol, de la Terre, des arbres, des vents, du tumulte des vagues)
Je puisse poursuivre à l’infini, avec un sourire de plaisir
Et marquer ma propriété sur les strophes comme aux premières
Je viens de donner mon nom, ici maintenant, ma signature d’Âme et
de Corps. »
Walt Whitman
A partir de la guerre, j’avais trois ans. Dans le Pas-De-Calais,
il y avait
des bombardements.
Tous les enfants ont été mis dans un train en direction de Paris.
J’y étais. Ma mère était décédée
et mon père était prisonnier de guerre.
Quand nous sommes arrivés à Paris, à la gare du Nord, c’était
rempli de femmes sur les quais. Moi, je suis descendu du train et je ne savais
où aller.
Une dame s’est approchée de moi et m’a demandé des
nouvelles de ma famille. J’ai répondu : « ma mère,
je ne sais pas où elle est et mon père, non plus. »
Je suis parti avec elle. Elle habitait près de l’aéroport
du Bourget.
J’allais à l’école là-bas. Quand je sortais
de l’école, je ne sais pas si c’était des soldats allemands
ou américains qui me donnaient des gâteaux, des bonbons, des chocolats…et
je rentrais vite. Ils me disaient : « n’aie pas peur, petit, on ne
va pas te faire du mal. »
Je m’en souviendrai toute ma vie…
Un jour, j’ai vu mon père venir me chercher. A ce moment-là,
il y avait des tractions et je suis reparti avec lui.
Comme j’étais bien avec cette dame, je ne voulais plus repartir.
J’étais bien… et j’avais tout ce que je voulais.
Je me rappelle, elle avait une grande boîte en métal, pleine de
chocolats. Il y avait un petit truc sur lequel j’appuyais et un chocolat
tombait. Je le faisais souvent ! Quand la boîte était vide, elle
la remplissait.
Comme elle était seule, son mari s’était fait tuer pendant
la guerre, c’était un homme haut placé, un gradé de
l’Armée, un colonel ou un capitaine, et qu’elle n’avait
pas d’enfant, elle m’a adopté.
Cette dame-là, j’ai pensé que c’était ma mère.
(extrait des textes écrits lors de l'atelier d'écriture, nom retiré) |