Sereine Berlottier / en marchant
une bibliothèque dans le désert

Sereine Berlottier est bibliothécaire, et membre du comité de rédaction de remue.net

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on a déjà accueilli de Sereine Berlottier Revoir et Gherasim

Mystère dans les formes à venir
oser
deviner les visages
de grès
les animaux
la lumière et
le sable
gravures dans la pierre du monde quatre pattes une tête et un ventre une bouche la pierre la craie la pierre dans la main d’un enfant une craie peut-être

soi
(aussi)

couchée dans un monde sans toit
et le plan du ciel qu’on n’a pas
appris

pour l’élan

emprunté : un sac de couchage une gourde un quart en métal une lampe une couverture
acheté :
(le reste)

des biscuits secs aussi

au retour c’est revenir qui change

(c’est revenir d’où revenir)

par où attraper revenir des choses

(le pays vu)

les sacs de couchage sur le balcon
et les choses qui trempent ailleurs

sable sur le carrelage et l’autre le roux l’ocre emporté dans les sacs en plastique

une forme logée dans le dos
la forme de l’homme éloigné
la forme éloignée de l’homme éloigné au milieu du froid

sous la tente la forme
logée éloignée
et dehors le feu
maigre et la natte

dehors la natte
les genoux forment le demi-cercle à l’heure des paroles dites autour du feu
et le thé en gestes dressés

quand ils marchent

les lèvres forment un merci sans personne
à tanouchert
à l’oasis de la geila
à entendre
chaque jour
quand le vent secouait la tente

quand ils marchent

un poids neuf s’accroche à la jambe
le scarabée dessine des piqûres de couturier

palmiers en creux
mais le sable partout

le pain sera cuit sous la braise chaude

elle dit : j’étais venue vérifier

(la mie brûlera les doigts impatients)

questionne pourquoi – l’enfant ouvre de grands yeux incertains : donne-moi
et l’enfant tire sur le collier, mange ses lèvres, roule un œil furieux donne-moi

(cette dune
cette falaise ocre
ces mousses rares
ces caillasses sombres
cette gorge
cette plaine poudreuse
ce lit sablonneux
cette hutte
ce bidon d’essence rouillé
cette tente
cet os
cette pierre levée
ce squelette incertain planté comme une borne muette à l’orée
de
cette ville

des hommes jouent dans le sable
près d’une femme qui te ressemble si bien ?)

donne-moi
mais l’enfant a les dents plantées de travers
et des croûtes sur le menton

lentement marcher
elle dit : j’ai vu les dos disparaître au loin

on était transporté
on était le bagage d’un autre essoufflé
pourtant :
jamais étoiles telles, nues et brillantes sues

on marchait en dernier
on avait regardé lentement
tous ceux qui
dépassaient

et même le grand veilleur
l’homme au turban noir
avait renoncé
à attendre

on avait le dos nu de personne
pour les chutes à venir

en marchant

jusqu’à la tente noire
jusqu’aux mouches sur les visages d’enfant
et les joueurs de solitaires
crottes de chèvres et trous creusés dans le sable

- les femmes on les aimait grasses, gavées de lait et de dattes, alourdies de bracelets d’argent aux chevilles, vierges et bruyantes d’être libres encore lorsque, juchées sur de jeunes chameaux, elles traversaient en souriant le village -

pas dans les caves
maigres d’avant

(c’était avant)

elle dit : j’ai laissé l’enfant sans réponse et je n’ai pas retenu les noms
elle dit : j’ai essayé mais ils marchaient tous de plus en plus vite
elle dit : il a ouvert devant moi le livre, mais le livre était percé de trous affamés insectes partout et nul regard
dedans – on cherchait

on tendait les paumes au-dessus du feu
on a regardé s’éteindre lentement

(il ne fallait pas gaspiller le bois des nomades)