Dehors/dedans
dehors
comme une peau
sur la peau
le soleil la pluie
posés parfois avec lourdeur
jusqu’au ventre
on regarde le jardin
se dit que le temps passe
que les poiriers sont en avance cette année
que les vacances qui s’approchent
sont déjà trop courtes
qu’on aimerait bien partir
un peu
pour souffler
on oublie l’heure
on glisse doucement
par la fenêtre
on se dissout
la peau n’est plus une peau
c’est du vent
du vent qui dérive
s’emporte
le jour s’avance
et on n’a encore rien fait
pas grand-chose
faudrait peut-être s’y mettre
dans le ciel circulent des nuages
ils ont la forme de la pluie
un orage attend
sentiment aigu
mes regards ne se vident pas toujours au même endroit
se déplacent
de lieux en visages
en silences
un silence nouveau
à chaque fois
ils s’y arrêtent un peu
gardent une image fugace
tiens voilà la pluie
elle glisse en petits rubans
sur les vitres
derrière
il y a madame Butterfly
avec sa douleur
elle est belle avec la pluie
donne de nouvelles couleurs au voyage
fait frissonner la peau
la peau qui est du vent
don’t break a butterfly on a wheel
ç a fait revenir les yeux
dans l’instant
tu vas rentrer bientôt
quand déjà ?
bientôt
on posera notre vie
dans nos petites histoires du jour
il y avait du monde sur la route
as-tu pensé à prendre du pain ?
qu’est-ce que les gens peuvent bien faire
pour se retrouver
on se délivrera
l’un dans l’autre
l’un et l’autre
on se laissera glisser
les arbres sont beaux cette année
pas très hauts d’ici
à hauteur de regards
mais je les touche à peine
ils remplissent l’horizon
comme une présence
voilà tout
la mer doit être belle
à cette saison
et si on y allait
quand tu rentreras
on prendrait la voiture
on partirait
voir sa couleur son écume
on écouterait
debout sur le sable
on mangerait une glace
peut-être
et puis on rentrerait
les oreilles et les yeux noyés
dans ce qu’ils auront tenu
on en prendrait pour des jours
Madame Butterfly a fini sa plainte
pour bien faire
il faudrait mettre l’autre disque
la suite
pour que tout soit dit
pas le courage
autre chose à faire
regarder le monde
foutre le camp par la fenêtre
on se sent pris
emporté avec
de mes yeux au monde
il n’y a qu’un pas
il suffit de le faire pour…
je m’étonne d’être encore là
planté
à
travers la fenêtre
dedans
confusément
le sentiment échappe
à quoi ?
on se cogne toujours
contre les parois de son corps
pourtant il y a cette fragilité
légère
où le sang le cœur
ne tiennent qu’à un fil
on le sait
dedans
on sait tout
la vie rendue attachante par tes bonjours du matin
les bols de café fumants
notre façon d’ouvrir les portes
de dire qu’on est là
la radio qu’on allume quand on est seul
pour ne pas êre seul
les mots qui résonnent
si fort parfois
qu’on ne laisse pas partir
ceux-là surtout
ceux qui restent par pudeur timidité
ceux qui restent
parce qu’ils surgissent du paysage
parce que les dire comme ça
serait les faire vieillir trop vite
on pourrait en dire des kilomètres
rien de plus
pourtant
presque
des sourires des mains tendues
ç
a tient à pas grand-chose
une vie
pas grand-chose
dedans
des idées
qui s’écartent du dehors
des idées toutes bêtes
toutes petites
une mémoire qui les garde
bergère
parfois dedans
l’idée trotte
que les mots ne sont que des apparences
des ombres
de ce que nous sommes vraiment
mon visage revient
sur la vitre
en surimpression
transparence
j’ouvre
pour aérer un peu
ç
a fait du bien ça
faire rentrer l’air
après
remettre Madame Butterfly
compact disc 1 plage 18
« un bel di, vedremo »
é dition Decca
direction Tullio Serafin
pour le plaisir
respirer
©Franck Cottet, janvier 2004. |