Emmanuel Darley / écrire pour le théâtre
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nouveau (mai 2004): Gume, un inédit de théâtre Emmanuel Darley, après avoir publié chez POL et chez Verdier, s'impose comme auteur de théâtre - ses textes sont publiés par Théâtre Ouvert / Tapuscrits et Actes Sud / Papiers C'est quoi là? a été écrit lors d'un laboratoire d'écriture Bocal Agité organisé par Gare au théâtre (Ivry) et le Théâtre du Périscope (Nîmes) en février 2001. Pas tout à fait inédit puisque lisible dans les petits recueils édités par la suite - écrire pour le théâtre, qui précède, a été rédigé pour Labyrinthe |
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sur remue.net, d'Emmanuel Darley, lire aussi Oreilles, dialogue homme femme avec musique, pour Jean-Marc Bourg |
textes
protégés
par la SACD
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Écrire pour le théâtre cest écrire pour des voix, des corps, écrire pour quil y est du bruit mais aussi du silence, du mouvement mais aussi des arrêts, des gestes suspendus. Donner à la langue le pouvoir dêtre en vie, dêtre partage, dêtre cadeau. Jai écrit cette pièce dans le cadre dun chantier décriture et cest comme si cétait un autre qui lavait écrite : des mots, des idées, un sentiment théâtral et puis lhumour, jamais entrevu auparavant, peut-être ça, ce moment décriture fiévreux qui contribue à donner envie décrire, encore et toujours, pour le théâtre aujourdhui.Pas bouger. Dans lécriture de cette pièce, dans mon écriture tout court, il me semble que quelque chose, pour le coup, a bougé, que jai progressé dans une direction longtemps recherchée. Si ce qui se dit entre A et B, vient en droite ligne de ce qui dans mes textes, romans ou théâtre, se joue depuis toujours, nécessité et peur davancer, quête didentité, besoin de devenir, solitude, la langue et le ton qui lexpriment sont nouveaux. Si la frontière entre roman et théâtre, entre narration et parole qui saffirme, me semblait jusque là très mince, pas réellement, par lécrivain que je suis, trouvée, là, dans ce dialogue ping-pong, lévidence théâtrale ma tout de suite semblé présente. Précisons : dans le roman Un Gâchis, le personnage, la voix qui dit je, raconte la solitude, le lent apprentissage du silence et loubli, peu à peu, de la parole. Puis, une fois lenfant rencontrée, les sentiments, léchange, lhumanité reviennent simposer et la parole avec eux, primordiale, bénéfique, un mot, des mots réapparaissent, et la langue, en même temps que lêtre se reconstruisent. Mais cette langue qui reprend forme reste cachée dans les mots, les phrases de lécrivain, cest une langue intérieure, construite, qui dit cette renaissance : on nentendra pas directement cette langue originelle, ces restes de langue. Dans Pas Bouger, au contraire, B possède de suite sa langue, langue dailleurs, dà côté, langue davant ou daprès la langue. Bout de phrases, jet de mots, vocabulaire minimal, seuls sont présents les mots utiles, ceux qui disent limmobilité, le regard fixe, ceux qui disent la rigueur et la monotonie de la vie Ming : attendre, faire trois pas, faire affaire, etc... Pas besoin dautres mots, plus besoin en tout cas. Cest une langue réduite sans être une langue pauvre. Cest une langue qui sest, avec le temps, oubliée. Parce que A passe par là, la langue de B bouge, reprend forme, retrouve ses mots. Chacun des personnages a sa langue, elles se heurtent, se télescopent pour finir par se nourrir lune de lautre. Chaque situation invente sa langue, dun côté celle du mouvement, du vocabulaire sans cesse enrichi par le voyage, les rencontres, par la réflexion aussi ; de lautre celle immobile, celle de la répétition, répétition des Ming, identiques, invariables. Dire Moi, pas bouger, cest saffirmer simple pion, rouage de lensemble Ming, le moi nest pas individuel mais collectif. La confrontation avec A, ce qui fera B bouger, cet élargissement de la langue, cest denfin saffirmer, sortir de la masse, exister pour soi, quitte à trahir, quitte à, sur son identité première, lidentité de naissance, faire une croix. Restes de langue enfantine, langue ressurgie dun long temps de silence, dun désir de garder tout enfoui, langue nouvelle, originelle, venue comme anti-bavardage, contre labus de mots, contre la propension de notre époque à tout dire, à trop dire, contre la masturbation des discours. En utilisant, ici, linfinitif, manière sans doute de meffacer derrière lécriture, ma langue de théâtre, là, je crois, a pris naissance. |