5D. Cette nuit nous avons rêvé. Gilles Duval

Cette nuit nous avons rêvé d’une forêt en sang menant à des plages grises.

Cette nuit nous avons rêvé de corps arrêtés, de traces de pied chorégraphiant des terres gelées par un vent d’inconnus climats, ou peut-être était-ce le prélude d’un hiver sans albâtre, sans tenue autre que la subsistance à sa faim.

Cette nuit nous avons rêvé de perdrix suçant les os clairs des futaies embrumées de restes qui auraient appartenu aux survivants du déluge d’octobre de la nouvelle année, à l’irradiation négative de ces opuscules de déserts pourtant avortés par les pouvoirs humains.

Cette nuit nous avons rêvé d’un mur bâti dans l’allégresse de l’urgence comme un appel à l’impossible fuite, aux jointures liquéfiées par les tempêtes intermittentes échauffant l’écorce d’un globe réduit là à portion congrue, et c’était le point de non silence.

Cette nuit nous avons rêvé d’un dépouillement de nos yeux secs de tout l’or désormais stérile car nul ne pouvait prévoir une économie dans l’ombre persistante de nos jours en ascèse de voyages que seul dirait le temps.

Cette nuit nous avons rêvé de boissons échafaudant l’avenir bu à prendre haleine sur le terrain de nos rêves frangés par la sueur retrouvée, car elle s’était subjuguée à l’infini.

Cette nuit nous avons rêvé d’amours animales, de retournements de nos situations atmosphériques, de lianes annexant d’autres terreaux glaiseux et variés pour une fois conquis dans le plaisir inavoué de la proximité de la mer ignacienne.

Cette nuit nous avons rêvé de la pierraille maligne proliférant à la surface de la femme noire, celle que nul autre ne pouvait avouer à sa colombe passante.

Cette nuit nous avons rêvé d’un tréteau accolé aux nuages bas parcourant des places sans sens interdit mais juste de quoi s’aligner en armée.

Cette nuit nous avons rêvé – ou les avions-nous réellement attendus ? – de sons d’un nouvel ordre cassant la pierre d’octobre à sa lisse parole retenue entre les bêtes, d’une panoplie harmonique murmurant à nos peaux séchées par le feu faible l’émasculation de nos danses rentrées, et elles s’étaient oui ( acouphènes sur le vivant) gagées sur nos médailles amoindries.

Cette nuit nous avons rêvé d’une montre à nos élancements chatoyants dans l’azur enfin disséqué au-delà des illusions de la retraite sommée : elle s’est habillée.

Cette nuit nous avons rêvé d’une chaleur sous la boue, d’une nouvelle attente, de la lèvre proche d’une alerte générale, d’une issue soudaine entre les remblais, du désordre dans la joie imprenable à nos mâchoires d’acier, à nos poissons séchés, à nos larmes qui disaient nom de quoi ? La lime.

Cette nuit nous avons rêvé d’un alibi à nos généraux fugueurs, d’une voie qui réprimerait les sévices immortels à nos craquelures désormais souffreteuses, d’un divan végétal : hops ! Et c’est le fond.

Cette nuit nous avons rêvé de la fin de nos gênes intarissables, d’un sursaut remodelant la frontière désaxée par les cendres de la nuit finissant, d’une blancheur crue qui ne soit pas la nudité, d’une innovante série qui houspillerait l’ordalie fiévreuse de la drogue oubliée.

Cette nuit nous avons rêvé que c’était catacombe de soi à la base segmentant le faux luxe des baobabs.

Cette nuit nous avons rêvé d’une couvreuse à presque toutes nos épreuves méditées désormais au centre de la place, sur un banc de non étendre.

Cette nuit nous avons rêvé d’un guili-guili jacassant jusques-à derrière nos oreilles et elles étaient oui pour la plupart arrachées comme la sirène d’une impossible entente.

Cette nuit nous avons rêvé d’un liserai amer à nos peines, d’une démiurge sensation profilant tout sauf la construction d’une vieille nouvelle, cascade et pantomime qui diraient que le fil à retordre est un calvaire agissant.

Cette nuit nous avons rêvé d’une gerçure qui éclaterait à l’horizon ouvrant à l’horizon ; calque de soi cousue mais si légère !, derme conduisant sa sentence de fer et la transbahutant de ville nouvelle en ville nouvelle, à l’excision d’un cratère soutenu.

Cette nuit nous avons rêvé du golfe apparu entre deux blancheurs, et c’était pas même vert.

Cette nuit nous avons rêvé d’une tombe et nous nous relevions.

Cette nuit nous avons rêvé d’une tombe et nous nous sommes relevés.

Cette nuit nous avons rêvé que nous apostrophions la meute.

7 juin 2016
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