Charlotte Bousquet | Fanny Hensel Mendelssohn

Fanny Hensel Mendelssohn

Un portrait dans la série Écrire l’égalité (une fille, un gars), thème de la résidence à Herblay.
(L’article à lire en pdf, mis en page par les équipes de la ville - cliquer ici.)

14 novembre 1805 – 14 mai 1847

Musicienne talentueuse, Fanny Mendelssohn aurait certainement été une des figures les plus marquantes du romantisme allemand, si sa condition sociale, et l’interdiction formelle de son père et de son frère d’exercer son art, n’avaient pas anéanti sa carrière. 

Berlin. Quatre enfants, nés dans une famille d’intellectuels fortunés. Deux garçons, deux filles, qui bénéficient d’une excellente éducation et d’un enseignement musical. Parmi ces petites merveilles, deux se distinguent par leur talent : Fanny et Félix. Piano, solfège, composition musicale : rien n’est refusé aux deux jeunes prodiges.

Rendez-vous compte : à 14 ans, Fanny compose son premier lied !

Quelques mois plus tard, c’est le drame. Pour Fanny, en tous cas, qui se rêvait musicienne. Son père brise ses ambitions. Net. Il suffit d’une lettre :

« La musique deviendra sans doute pour lui [Félix] un métier, tandis que pour toi elle ne peut et ne doit devenir qu’un agrément, et jamais l’élément déterminant de ton être et de tes actes. »

Fanny n’est qu’une femme. Or, dans l’Allemagne de ce siècle dit « romantique », la seule création qu’on leur autorise est : donner la vie.

Si Fanny était née garçon, son père aurait probablement exacerbé la rivalité entre les deux frères.

Point. Final. Et ce n’est bien sûr pas Félix qui va la soutenir. Des fois qu’elle lui fasse de l’ombre. Pire, il va jusqu’à lui interdire de publier ses œuvres. Dans un courrier, il écrit d’ailleurs : « L’encourager à publier quoi que ce soit, je ne le puis, car ce serait aller contre mes convictions. […] Fanny, telle que je la connais, n’a jamais souhaité devenir compositeur ni avoir une vocation pour cela ; elle est trop femme. »

Trop femme. Oui, vous avez bien lu. Sympa, non ?

À votre avis, si Fanny avait été un homme, quel prétexte aurait-il trouvé pour l’empêcher de composer ?

Enfermées, étouffées, les ambitions de la petite Fanny ! Certainement honteuse d’avoir osé se rêver en musique, elle s’empresse d’obéir et de s’effacer, allant jusqu’à se mettre au service de son frère, qui a tant besoin de ses conseils avisés.

D’ailleurs, Fanny, homme, aurait-il accepté de conseiller son cadet ? Peut-être les frères se seraient-ils brouillés ? Peut-être leur rivalité serait-elle devenue légendaire ?

Heureusement, il y a une personne – en dehors de sa mère, qui la soutient comme elle peut – qui l’admire et la défend. Une personne qui croit en elle, en son originalité et se moque assez des convenances pour l’encourager. Il s’agit de son époux, le peintre Wilhem Hensel. Il lui permet de poursuivre la tradition des dimanches musicaux initiée chez ses parents, alors qu’elle était enfant. Là, Fanny y dirige des formations – pas tout-à-fait cheffe d’orchestre, mais presque ! – et y interprète des œuvres de célébrités : Bach, Mozart, Schumann, son frère Félix… Et ose même y glisser quelques pièces de son cru. Son salon, fréquenté par de nombreuses personnalités berlinoises, lui permet de s’épanouir, un peu.

Homme, frère ennemi de Félix, jamais Fanny ne lui aurait fait de la pub – parce que c’est bien de ça dont il s’agit ! Peut-être se seraient-ils accusés de plagiat ? Peut-être auraient-ils mutuellement ruiné leur carrière…

Mais c’est après un séjour en Italie, un séjour durant lequel Fanny est enfin libre d’être elle-même, et d’exprimer enfin tout son potentiel, qu’elle se décide enfin à publier ses partitions. On est en 1846. Il lui reste un an à vivre. Un an durant lequel la musicienne connaît un beau succès, qui stimule sa créativité. Un peu comme si, enfin, elle avait le droit de respirer.

Fanny ne peut malheureusement en profiter longtemps : elle meurt, le 14 mai 1847, d’une attaque d’apoplexie.

Elle a quarante-deux ans.

Quelqu’un se souviendrait-il des frères Mendelssohn ? De leurs œuvres ? Peut-être seraient-ils tombés dans l’oubli, jusqu’à ce qu’un scénariste américain décide de transformer leur vie en film… Mais pour cette dernière possibilité, reconnaissons que la vie meurtrie de cette compositrice et pianiste de génie mérite au moins un biopic et peut-être une série !

Quelques œuvres de Fanny Mendelssohn :

Lieder
Das Jahr, cycle pour piano
Trio pour piano (opus posthume N°2)
Ouverture pour orchestre
Oratorio Musik für die Toten der Cholera-Epidemie
Hero und Leander (Soprano, Piano & Orchestre)


Charlotte Bousquet

13 janvier 2019
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