« Dégage, elle est pas pour toi.  »

Lille. Un bar. Âge : 19 ans.
Cela fait trois jours que je suis ici. On est vendredi, le soir est déjàlàet c’est ce soir qu’on fête son anniversaire et je ne suis pas rassurée. On est dans un bar, je me sens anxieuse, tout le monde autour de moi est bourré et parle du nez ou bafouille, tout ce que je déteste. Qu’est-ce que je fais ici ? J’ai l’impression d’être un pot-de-fleur, j’ai presque envie de me casser de là. Les copains s’amusent àse gaver d’alcool pendant que je me fais accoster par un gars débile avec le pif rouge tellement qu’il a picolé. Il insiste, et moi je ne sais pas quoi faire. Il commence àtrop s’approcher, et làenfin, Jérémy vient, me prend dans ses bras et lui dit : « Â Dégage, elle est pas pour toi.  » Il voit que je ne suis pas àl’aise et que j’ai peur, il m’emmène dehors pour prendre l’air. Il me porte comme un bébé et me serre fort, puis me pose sur un muret où je m’assois , et on parle.
Il ne boit pas exprès aujourd’hui, enfin pas beaucoup, pour être apte àme protéger toute la soirée. Je me sens en sécurité et j’aime ça. Il est carrément jaloux quand d’autres m’invitent encore àdanser, il embrouille l’un d’eux et parfois j’ai peur que ça finisse en bagarre. On décide donc de rentrer et se coucher. Il fait bien trop froid dehors, il me prête sa veste et me tient la main tout le trajet. C’est sans aucun doute, avec lui, je ne risque rien.

C’est Jérémy. Ça me fait rien. À côté de lui. Il dit t’es belle. Je dis arrête. Il prend ma taille. Je dis arrête. Il dit c’est con. Je dis arrête. Il prend un verre. Karine elle rit. Je prends un verre. Il fait très chaud. Il y a du monde. On est debout. Benoît il danse. Jeremy boit. Matthieu il mange. Le gâteau coule. Les bougies flanchent. Caro est soà»le. Elle rit tout le temps. Il fait très chaud. La musique soà»le. Pharell Williams. Tout le bar chante, ça hurle Happy. Je me sens bien. Je me sens mal. Il fait très chaud. Il y a ce type. C’est le serveur. Plutôt canon. Le genre qui sait qu’il l’est. Je vais au bar. Jérémy suit. Je dis arrête. Il dit je t’aime. Mais c’est fini, je dis fini tu croyais quoi ? Il dit je t’aime. Il est collant. C’est ridicule quand c’est fini c’est ridicule les mots d’amour c’est total creux, il me fait peine, ça me dégoà»te, ça me fait honte. D’être dégoà»tée ça me fait honte. Il me fait peine. Je dis arrête. Je dis t’es soà»l. Il dit et toi ? Je dis pas moi, je dis j’ai soif. Je suis au bar. Le serveur vient. Je dis un Gin. Il dit tonic ? Je dis tonic. Il dit ok. Super sourire. Je lui souris. Jérémy craque. Vraiment la honte. Jérémy gueule làdevant moi, mon verre de gin et le serveur. Il dit dégage. Il dit elle est pas pour toi. Il le prend au col, il le tire, les verres qui tombent, c’est le désastre, je le déteste, c’est trop la honte, je le déteste, c’est Jérémy, je sors du bar, je pleure.