Déluge l Jalal El Hakmaoui
L’aube
Je marche dans la terre des Morts.
Mes mains solitaires étouffent le sifflement des trains lointains.
Des enfants courent vers moi
Moi, je cours vers le poème.
Dans la chambre des Morts,
Je lis Le Bateau ivre :
Dans mon corps brille de mille feux l’or des Chasseurs en transe.
Me suis-je égaré dans le poème ?
Dans mon poème j’entends
Le rire des Morts et le hurlement des orphelins
Mon désert rouge met au monde le poète aveugle.
Le poète aveugle rêve sur le lit de l’éternité.
Et moi ?
Et moi ?
Mort
Je creuse le marbre du poème pourri pourri…
Jusqu’à ce que la noirceur du monde couvre
La bouche ensanglantée des chacals.
Mon poème
Ignore les limousines des ministres
Le sel des textes d’avant-garde.
Oui
C’est mon poème
Qui m’accompagne l’aube dans la terre des Morts-Vivants.
C’est dans mon poème
Que s’entretuent les poètes vivants
Et les voleurs morts.
Oui
Mon désert rouge met au monde le poète aveugle
Le poète VOIT le scintillement de l’éternité dans l’œil de l’aigle-jaguar
Et moi ?
Ivre, je m’allonge dans la gueule du poème et attends le DÉLUGE.
Jalal El Hakmaoui, poète et traducteur, est né en 1965 à Casablanca. La version du poème Déluge ici présentée, dont on peut lire ci-dessous l’original en sa version arabe, a été traduite par ses soins,.
Il est le directeur de la revue Electron Libre.
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Le tigre représenté plus haut est une œuvre d’art populaire mexicaine